Ces forêts devenues garde-manger

Il y a une douzaine d’années, c’était un rêve un peu fou initié par le Syndicat des producteurs de bois de la Mauricie (SPBM). Aujourd’hui, la Filière mycologique de la Mauricie est devenue le pilier d’un véritable écosystème regroupant des personnes, des associations, des institutions et des entreprises vouées au développement des végétaux comestibles dont regorgent les forêts de la région.

Depuis quelques années, on redécouvre les propriétés nourricières de la forêt, et nombreux sont les propriétaires forestiers qui saisissent l’occasion d’exploiter les ressources comestibles de leur exploitation. Bien avant eux, les Autochtones trouvaient à se nourrir parmi les végétaux de la forêt, et les premiers Européens arrivés dans la vallée du Saint-Laurent ont vite découvert les propriétés nourricières des étendues sauvages du Québec.

Et voilà que de nombreux propriétaires de forêt ont entrepris d’exploiter ces ressources comestibles pour les offrir aux cueilleurs professionnels ou amateurs, aux consommateurs jeunes et moins jeunes qui en sont de plus en plus friands : têtes de violon, noix nordiques, petits fruits sauvages, épices sauvages et la grande vedette, les champignons forestiers.

« Au départ, on parlait principalement des champignons, mais maintenant, on peut intégrer une foule d’autres végétaux, si bien qu’il faut adopter un terme plus large et parler des comestibles forestiers », explique Patrick Lupien, coordonnateur de la Filière mycologique de la Mauricie. « L’intérêt pour tous ces végétaux comestibles de la forêt est vraiment en croissance et le marché se développe rapidement, à tel point que des cueilleurs peuvent facilement être occupés une bonne partie de l’année. »

Une partie des genévriers que Martin Laflamme a plantés dans sa forêt de Sainte-Ursule en Mauricie.

Ainsi, dans presque toutes les régions, des propriétaires de forêt privées lancent des projets, développent des cultures, essaient de nouvelles techniques pour exploiter ces comestibles. Les initiatives se multiplient dans la foulée de la mobilisation des organismes régionaux, des coopératives, des entreprises, et des propriétaires autour de l’exploitation des ressources forestières comestibles.

Le Festival des champignons forestiers du Kamouraska, Myco, le rendez-vous de la gastronomie forestière en Mauricie, des formations pour cueilleurs professionnels, des activités de cueillette en forêt doublées d’ateliers de gastronomie dans la plupart des régions, des menus de restaurants qui proposent des végétaux de la forêt… c’est toute une économie qui s’est développée autour des comestibles forestiers.

TIRER PROFIT DES EFFORTS INVESTIS

Pendant plus d’une décennie, les efforts ont été consacrés à stimuler la demande, à développer le marché. Pour les propriétaires forestiers, c’est le moment d’en tirer profit.

Et plusieurs le font, comme Martin Laflamme, qui s’est lancé dans l’aventure de la culture de genévriers, dont les baies entrent dans la production du gin, sur une partie de sa terre à bois de plus de 15 hectares dans la petite municipalité de Sainte-Ursule en Mauricie. Il raconte s’être lancé dans cette production émergente après avoir perdu 40 % de sa plantation de pins rouges sous le poids de la neige en 2018.

« J’ai contacté la Filière mycologique pour savoir ce que je pourrais essayer de développer et de transformer localement. Comme il y a deux distilleries dans notre secteur, on a discuté avec leur responsable et j’en suis venu à la conclusion que j’avais là un filon intéressant à exploiter. »

Martin Laflamme a donc planté 300 arbustes qui ne seront productifs que dans quelques années. Il a également mis une petite superficie de sa forêt à la disposition d’une équipe de chercheurs de l’Université Laval qui étudie la croissance de pins à pignons inoculés avec du mycélium de champignons bolets.

« J’ai cinq acres de forêt qui sont disponibles pour faire toutes sortes d’essais, dit-il. Je fais ça parce que je veux contribuer à encourager ces cultures émergentes qui offrent des opportunités d’affaires pour tous ceux qui veulent pro ter des ressources de leur coin de pays. »

Comme lui, des producteurs font appel aux organismes voués au développement des produits forestiers non ligneux (PFNL), qui incluent les végétaux comestibles : Association pour la commercialisation des PFNL, Kamouraska mycologique, La Filière mycologique de la Mauricie, Truffes Québec et les syndicats régionaux de producteurs de bois, pour ne mentionner que ceux-là. Ils partagent cette conviction que la forêt est un exceptionnel garde-manger.

Article paru dans la revue Forêts de chez nous, édition de septembre 2023.

La filière mycologique de la Mauricie a relevé le défi

Il y a une douzaine d’années, c’était un rêve un peu fou initié par le Syndicat des producteurs de bois de la Mauricie (SPBM). Aujourd’hui, la Filière mycologique de la Mauricie est devenue le pilier d’un véritable écosystème regroupant des personnes, des associations, des institutions et des entreprises vouées au développement des végétaux comestibles dont regorgent les forêts de la région.
Les Tablées gourmandes proposent des soupers gastronomiques en plein coeur de la forêt.

Il fallait vraiment être visionnaire parce que tout était à construire », se souvient Patrick Lupien, l’ingénieur forestier du SPBM qui, dès le début, a pris en main les commandes de la filière à titre de coordonnateur. « La filière a livré la marchandise en créant des opportunités et tout s’est mis en place parce que des gens y ont cru et se sont impliqués. Maintenant, tout le monde fait bloc pour aller de l’avant. »

ET LES PROPRIÉTAIRES FORESTIERS SONT DE LA PARTIE

« J’entends de plus en plus de propriétaires parler des végétaux comestibles de leur forêt et ils ont pris conscience des possibilités de les exploiter que ce soit par eux-mêmes ou encore en ouvrant leur forêt aux cueilleurs professionnels et aux activités avec le public. »

Les propriétaires forestiers récoltent ainsi les fruits des efforts déployés depuis plus d’une décennie pour créer un véritable engouement des consommateurs à l’égard des produits de la forêt.

C’est ainsi que les activités de cueillette et les ateliers de cuisine des champignons se sont multipliés dans la région. De nombreux établissements de restauration ont mis la gastronomie forestière à leur menu, stimulés par le « happening saisonnier » qu’est devenu Myco, le rendez-vous de la gastronomie forestière, qui en est à sa septième édition.

UNE NOUVEAUTÉ CHAQUE ANNÉE

Et chaque année apporte sa nouveauté. À l’automne, ce sera une série de trois Tablées gourmandes en forêt, des soupers gastronomiques dans des tentes de type prospecteur, en plein cœur de la forêt avec un menu composé de champignons, de légumes forestiers, de noix et petits fruits nordiques, et d’épices boréales.

Parmi les projets en gestation, il y a celui mené avec le GastronomiQc Lab de l’Institut du tourisme et d’hôtellerie du Québec pour développer la route des saveurs des champignons forestiers, une façon d’éduquer les consommateurs sur les caractéristiques olfactives et gustatives des champignons pour ainsi en stimuler la demande.

C’est sans compter les programmes d’éducation développés dans les écoles tant au niveau primaire que secondaire et même avec une formation collégiale de cueilleur professionnel de 32 heures que le Collège Laflèche de Trois-Rivières vient d’inscrire à son offre.

« Nous en sommes à créer des métiers reliés à la récolte des comestibles de la forêt avec du travail dès le début de la belle saison et jusqu’à l’automne et par la suite dans des entreprises qui en font la culture. »

Les activités de cueillette et les ateliers de cuisine des champignons se sont multipliés dans la région.
De nombreux établissements de restauration, dont la Microbrasserie Le Presbytère, ont mis la gastronomie forestière à leur menu.

APPUYER LES PRODUCTEURS

Si les producteurs manifestent de l’intérêt, la Filière mycologique et le SPBM comptent les appuyer dans leurs efforts. Les plans d’aménagement forestier en cours de préparation proposeront un calendrier de travaux sylvicoles tenant compte de la présence des végétaux comestibles.

« Le but est de moduler les opérations en fonction de la présence des comestibles, explique Patrick Lupien. Quand c’est le moment de faire la récolte des bolets présents dans une forêt et d’obtenir un revenu additionnel, ce n’est pas le temps de faire rentrer la machinerie. »

Les responsables de la filière croient que l’engouement créé autour des végétaux comestibles et les retombées économiques croissantes qu’ils génèrent amèneront l’État à adapter ses programmes pour fournir aux producteurs de bois une aide financière afin d’exploiter les comestibles de leur forêt.

Article paru dans la revue Forêts de chez nous, édition de septembre 2023.

Des forêts transformées en truffières

Dans plusieurs régions du Québec, un nombre croissant de forêts privées comptent maintenant parmi les sites d’implantation de nouvelles truffières.

« Il y a 55 producteurs de truffes au Québec et dans peu de temps, il y aura autant de cultures de truffes sous couvert forestier qu’en milieu agricole », prédit Maude Lemire-Comeau, copropriétaire et présidente de Truffes Québec, une entreprise spécialisée dans la production d’arbres truffiers et la fourniture de services-conseils pour l’implantation de truffières. « Une dizaine de projets sont réalisés et une dizaine d’autres sont en cours de réalisation », indique la présidente.

Son équipe a supervisé la grande majorité des projets de plantation au Québec. Les propriétaires qui veulent tenter l’expérience truffière peuvent se manifester auprès de l’entreprise de Granby (truffesquebec.com). Des experts effectuent alors une visite de l’exploitation forestière pour déterminer si le terrain est propice. Leur évaluation est confirmée par une analyse de sol. Un plan d’implantation des arbres truffiers est élaboré selon le projet. En Mauricie, par exemple, le Club-conseil en agroenvironnement Lavi-Eau-Champ supervise les facettes agronomiques de l’implantation de la truffière.

C’est la démarche qu’a effectuée le couple Cindy Pronovost et Denis Perrin, qui vient tout juste de compléter l’implantation de sa truffière sous couvert forestier. Il y a deux ans, les jeunes propriétaires ont entrepris la remise en état une petite forêt d’un hectare et demi à Trois-Rivières, en Mauricie.

Cindy Pronovost et Denis Perrin ont fait de leur forêt une truffière de jeunes plants de chênes rouges et de noisetiers

«La forêt était vraiment en mauvais état», raconte Denis Perrin. «À la fin des travaux sylvicoles, on avait conservé 40% de la canopée de chênes rouges. On a fait appel à l’expertise de Truffes Québec, qui a supervisé les travaux de préparation du sol qui ont requis un épandage de chaux.»

DES ARBRES INOCULÉS AVEC DU MYCÉLIUM DE TRUFFE

L’entreprise a fourni plus de 1600 chênes rouges et quelques dizaines de noisetiers, tous de jeunes arbres mycorhizés, c’est-à-dire inoculés avec du mycélium de truffe blanche Borchii pour les noisetiers et du mycélium de truffe des Appalaches, un champignon indigène au Québec, pour les autres. «Les plants qu’on fournit sont déjà mycorhizés et il est possible de mixer avec des arbres provenant des pépinières qui sont inoculés », explique Maude Lemire-Comeau. «C’est un mix qui coûte beaucoup moins cher, qui peut être beaucoup plus rentable dans un contexte de haute densité en milieu forestier.»

Les jeunes producteurs de Trois-Rivières espèrent récolter leurs premières truffes dans sept ans environ. «Pour le moment, il n’est pas question qu’on fasse nous-mêmes notre mise en marché», explique Denis Perrin. «Notre récolte va être confiée à Truffes Québec, mais à plus long terme, il n’est pas impossible qu’on en fasse la transformation.»

Des producteurs forestiers qui ont réservé une partie de leur forêt à la culture truffière peuvent obtenir un permis du ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec leur donnant accès aux programmes d’aide financière. «Des propriétaires ont aussi contacté leur syndicat ou leur agence forestière pour obtenir de l’aide pour la préparation du sol», indique la présidente de Truffes Québec.

En attendant que les premières truffes soient récoltées chez les producteurs du Québec, une route des truffières est en préparation. La route du « croissant truffier » devrait passer par la Montérégie, l’Estrie, le Centre-du-Québec et la Mauricie. Tout en bichonnant leurs plantations, les producteurs participants se préparent à recevoir les consommateurs.

Article paru dans la revue Forêts de chez nous, édition de septembre 2023.

La Mauricie entend devenir le pôle des champignons forestiers du Québec

Photo : Fernand Miron

La cueillette de champignons sauvages et le mycotourisme génèrent 65 M€ en Espagne. Patrick Lupien et différents intervenants ont visité ce pays et en sont revenus avec la ferme volonté de développer la même filière au Québec. Place à la Mauricie!

Dynamique, la Filière mycologique de la Mauricie se penche sur différents dossiers. Par exemple, elle a effectué récemment une recherche portant sur une technique révolutionnaire permettant de déceler la présence de champignons forestiers sans même qu’ils soient visibles. En effet, à partir d’échantillons de sol, il est maintenant possible, grâce à une technique basée sur l’identification par marqueurs moléculaires (ADN) des champignons, de révéler la présence de chanterelles communes et d’armillaires ventrus. 

Assise sur une bombe

L’industrie du champignon sauvage est constamment assise sur une bombe, celle d’un empoisonnement mortel. Fernand Miron conseille aux apprentis cueilleurs d’être certains de l’identification du champignon. « Des gens qui se disent connaisseurs mettent parfois les mauvais noms sur des champignons sauvages. Avant d’en manger, il faut être sûr, et ce, en demandant l’avis de gens reconnus. » Les membres d’expérience des clubs de mycologie représentent une bonne source d’information, mentionne M. Miron. Ce dernier prêche également pour une centralisation des cueillettes vers les ateliers de conditionnement présents ici et là au Québec. Un personnel qualifié pourrait s’assurer que l’ensemble des espèces cueillies et vendues au public soit sans risque.

Deux livres plutôt qu'un

La Filière mycologique de la Mauricie et le biologiste Fernand Miron n’ont pas chômé : ils viennent de mettre en vente un guide intitulé Champignons comestibles de la Mauricie – Habitats. Cet ouvrage est décrit comme un livre « intelligent », puisque le lecteur peut balayer avec son téléphone le code 2D du champignon de son choix et avoir ainsi accès à une banque imposante de photos et de renseignements supplémentaires via le www.mycomauricie.com. Ce site Internet sur les champignons sauvages est présenté comme l’un des plus complets au Canada. Novateur, il offre même de l’aide en ligne.

Deux ouvrages sur les champignons sauvages lancés en 2015, dont celui de droite, qui se démarque par des techniques de culture visant à augmenter les revenus en forêt.

« Si les gens demeurent craintifs en ce qui a trait à l’identification des champignons, ils peuvent prendre des photos et les envoyer à nos experts », indique Patrick Lupien, coordonnateur de la Filière, spécifiant qu’il faut plusieurs photos pour identifier un champignon (extérieur, coupe transversale, etc.).

Et parce que la Mauricie comporte différents peuplements forestiers, on nous assure que le guide et le site Internet sont aussi destinés aux producteurs des autres régions du Québec. L’imprimerie n’a pas eu le temps de refroidir ses presses que l’impression d’un deuxième bouquin est lancée ces jours-ci : Culture des champignons sous couvert forestier. Cet ouvrage de 158 pages encourage l’innovation. « Certaines méthodes culturales fonctionnent déjà très bien, alors que d’autres sont encore en développement. Pour progresser rapidement, nous avons décidé de partager tout de suite les méthodes efficaces avec les gens, et dans quatre ans, nous publierons un deuxième tome sur ce qui aura été découvert entre-temps », explique Fernand Miron.

À vrai dire, des essais sont actuellement menés chez une vingtaine de propriétaires de boisés afin de développer des techniques simples, faciles et, surtout, qui assurent des résultats probants en ce qui concerne la culture des champignons sous couvert forestier. « Nous voulons que le producteur réussisse, qu’il puisse tirer un salaire de la production de champignons forestiers », précise M. Miron. L’une des techniques proposées consiste à badigeonner de la semence liquide sur l’extrémité de bûches. Une autre concerne la culture sur bran de scie ou sur copeaux de bois dans des plates-bandes aménagées en forêt. Le livre sera coédité et distribué au coût de 28 $ par le Syndicat des producteurs de bois de la Mauricie. À noter que les résultats obtenus par d’autres groupes seront également inclus dans le livre. Par exemple, dans la région de Kamouraska, le centre Biopterre mène actuellement avec des producteurs un projet de recherche similaire de trois ans sur la culture des champignons sous couvert forestier. Et avis aux intéressés : ils ont besoin de volontaires!

Concentrons-nous sur cinq champignons

Le spécialiste en champignons forestiers Fernand Miron est catégorique : bourrer la tête des gens en leur enseignant les clés d’identification d’une ribambelle de champignons ne sert à rien. « Il y a plus de 3 000 espèces de champignons forestiers au Québec! Je crois qu’il faut se concentrer sur des espèces faciles à identifier et qui se conservent bien, soit une dizaine d’espèces. En d’autres mots, les gens devraient commencer avec deux ou trois champignons et trouver les talles et les peuplements forestiers. L’année suivante, ils pourraient ajouter une espèce, et ainsi de suite », conseille-t-il. À ce sujet, voici les cinq champignons qu’il recommande de mettre d’emblée dans son panier. 

Le champignon crabe est le plus facile à identifier. Son goût est excellent, il se conserve longtemps et est très peu parasité grâce à son répulsif naturel. On le trouve dans les peuplements de résineux, les forêts de transition et les anciens chemins forestiers. Ses semences ont été répandues par le passage des chevaux et des hommes. Étant inexistant en Europe, ce champignon présente un potentiel très intéressant pour l’exportation. Période de cueillette : de la mi-juillet au début de septembre.

La chanterelle commune se conserve durant au moins deux semaines. Elle est plutôt résistante à la manipulation et très peu parasitée. Elle dégage de délicieux arômes et a une très belle texture. Oublions ce champignon pour la vente à l’étranger, car sa présence en petites talles rend les cueilleurs peu efficaces. Les peuplements de résineux et les forêts mixtes sont ses habitats favoris. Période de cueillette : de la mi-juillet au début de septembre. 

L’armillaire ventru est un costaud pourvu d’une belle chair blanche, ferme et au goût excellent. Son seul défaut : il peut être parasité par des insectes et des nématodes, qui sont visibles à l’oeil nu lorsqu’on tranche le champignon. Une vérification en forêt s’impose. Les peuplements de résineux, particulièrement d’épinettes blanches et de sapins, sont à prioriser. Période de cueillette : de la fin août à la fin de septembre.

La chanterelle à pied jaune est un champignon qui pourrait être cueilli en très grande quantité au Québec. Il faut visiter ses talles, car semaine après semaine il repousse. On le trouve en tourbière ou dans la mousse profonde de la forêt boréale. Son goût est excellent et il est fort apprécié en cuisine puisque sa petitesse permet de le déposer entier dans l’assiette. Période de cueillette : de la fin août jusqu’aux neiges.

Le shimeji du hêtre et de l’orme est délicieux et non parasité. On le trouve sur plusieurs feuillus, principalement l’érable à Giguère. Période de cueillette : d’octobre jusqu’aux neiges. 

Longue route

L’industrie du champignon sauvage a progressé ces dernières années. Mais tous les intervenants contactés admettent que la route sera longue avant que le champignon forestier entre dans les moeurs gastronomiques des Québécois. « En Europe, tu arrives avec des champignons sauvages et les gens disent: « Oh là là!, on va se cuisiner une bonne cassolette. » Au Québec, les gens se demandent plutôt si c’est poison. En donnant de la formation, je me suis rendu compte que même certains chefs ne savaient pas vraiment cuisiner les champignons forestiers », fait remarquer Fred Chappuis, un chef à domicile dont l’un des menus – dessert compris – est axé sur les champignons sauvages.  

Les initiatives se développent à travers la province . Des pourvoiries offrent des forfaits de cueillettes guidées, des restaurants servent les champignons et la vente prend de l’ampleur. L’entreprise Forêt y goûter dit doubler son chiffre d’affaires chaque année. « En épicerie, c’est plus difficile, mais dans les marchés publics, les ventes de champignons sauvages sont très bonnes. Une fois que le consommateur y goûte, il devient accro », jure le jeune propriétaire Francis Fournier.

Le projet qui pourrait faire la différence et que plusieurs attendent est l’usine de surgélation, qui permettrait enfin de régler le problème de la surabondance momentanée et de l’absence des champignons forestiers québécois le reste de l’année. La Filière mycologique de la Mauricie travaille sur le dossier.

Un système performant permet d'ensemencer la surface d'un grand nombre de billes.
Semence de champignon liquide badigeonnée sur le bois.
Essais de culture de champignons sur copeaux de bois dans des plates-bandes aménagées.

Article paru dans le Forêts de chez nous de novembre 2015.

Les trésors cachés de votre boisé, PFNL

Les champignons, les bleuets, les arbres de Noël et le sirop d’érable, représentent sans doute les plus connus des produits forestiers non ligneux (PFNL). Pour qui apprend à les connaître et à les exploiter, nos boisés recèlent une variété d’aliments, de plantes médicinales, d’éléments ornementaux et de produits naturels et cosmétiques. Des richesses offertes comme autant de sources potentielles de revenus.

S’ils ont longtemps perçu leur forêt uniquement comme une source de produits du bois, les propriétaires forestiers du Québec sont de plus en plus nombreux à élargir leurs horizons. Petits fruits, noix, plantes, fleurs, champignons : ils ont plus que jamais la possibilité de jumeler la production de bois à une multitude d’autres ressources pouvant être tirées de la forêt.

« Avec la perte de débouchés pour le bois au milieu des années 2000, les PFNL sont apparus comme une alternative, rappelle le directeur des communications à l’Association des propriétaires de boisés de la Beauce (APBB), Michel Roy. Nous avons donc offert de la formation – plantes médicinales et comestibles, champignons, ginseng –, puis organisé la mise en marché commune du champignon, des têtes de violon et du sirop de bouleau. »

« Il fallait trouver des solutions à la crise forestière et économique; la valorisation de nouvelles ressources s’avérait nécessaire, ajoute Patrick Lupien, coordonnateur de la Filière mycologique de la Mauricie. En 2009-2010, une étude en forêt privée de 28 plantes et arbres a été réalisée sur le territoire, ce qui a permis, dès 2012, de développer la filière mycologique. Aujourd’hui, chez nous, elle tire tous les autres PFNL vers le haut. »

Par où commencer

Depuis une douzaine d’années, l’expertise dans le domaine progresse et de nombreuses initiatives se déploient un peu partout. Mais pour le propriétaire de boisé, par où commencer? Coordonnateur à l’Association pour la commercialisation des produits forestiers non ligneux (ACPFNL), Sam Chaib Draa confirme que « chaque terrain forestier contient son lot de PFNL ». Il propose ses conseils, voire une démarche à suivre :

• Se former grâce à différents ouvrages de référence, cours, ateliers, sorties, applications mobiles et sites Web. Il importe d’acquérir des connaissances sur l’identification, c’est-à-dire savoir reconnaître le PFNL dans son habitat naturel, avec quelle communauté écologique il se présente, comment il se transforme à travers les saisons, quelles parties utiliser, à quel moment le cueillir, etc. Il faut également se renseigner sur l’éthique de la cueillette – comment favoriser la pérennité et même la croissance de la ressource –, ainsi que sur la manutention et le conditionnement pour apprendre à préserver la fraîcheur du produit et à l’apprêter en garantissant son innocuité.

• Commencer à cueillir les ressources déjà disponibles sur sa terre ou dans sa région pour bien connaître les écosystèmes favorables, se familiariser avec les produits et les cuisiner.

• Goûter des produits faits à partir de PFNL pour découvrir la manière dont les entreprises les transforment et se donner des idées. Les meilleurs chefs du Québec s’engagent de plus en plus à intégrer à leur cuisine des produits du terroir, incluant les comestibles sauvages.

• Faire appel à une organisation qui offre des services-conseils (par exemple : Le chêne aux pieds bleus, Adapterre, Cultur’Innov) afin d’obtenir un inventaire du potentiel des PFNL sur son terrain. Pour les propriétaires admissibles, plusieurs travaux peuvent être subventionnés.

• Encourager des entreprises ou des cueilleurs professionnels à venir développer les PFNL chez soi grâce à des partenariats (location, échanges, etc.). L’ACPFNL et la plateforme Web L’Arterre permettent de créer des maillages entre propriétaires de boisés et entrepreneurs.

• Commencer à petite échelle avec des aménagements modestes afin de se faire la main. Avec le temps et l’expérience, il sera toujours possible d’augmenter peu à peu le volume.

• Aller visiter d’autres initiatives d’implantation de PFNL sur des terres semblables à la sienne. Divers exemples de projets sont répertoriés au culturinnov.qc.ca/realisations.

Le thé du Labrador est consommé en breuvage ou comme condiment. (Crédit photo: Renaud de Repentigny)
La cueillette de champignons sert de levier à tous les autres PFNL en Mauricie. (Crédit photo: Renaud de Repentigny)

Culture, potentiel et utilisation: autres considérations

Cueillette sauvage, introduction de produits dans son boisé, culture indigène en champ : les modèles d’exploitation de PFNL sont diversifiés. « L’intérêt, c’est d’aller chercher un produit à valeur ajoutée. Quels PFNL offrent le plus de potentiel? Difficile de répondre. Il n’y a pas de mauvaises plantes; il s’agit de connaître l’utilité de chacune et de développer un marché », fait valoir Stéphane Demers, biologiste et coordonnateur chez Cultur’Innov.

« Il faut aussi voir ce qui nous intéresse, complète Joanie Bélanger, technicienne chez Cultur’Innov. En étant créatif, avec des plantes communes, on peut arriver à élaborer de beaux produits. » Pour M. Demers, on doit s’interroger sur l’objectif de mise en marché : si le PFNL a une grande valeur ou est requis dans une production quelconque, il peut être plus profitable de le cultiver que de l’acheter. La notion de prix et de qualité entre en jeu.

La récolte en forêt constitue souvent un défi; en champ, on obtient généralement plus de productivité. Dans le cas d’une culture en sous-bois, devrait-on acheter des plants ou des semences? « Ça dépend, décrète le coordonnateur de la coopérative. Ici, ce peut être avantageux de faire affaire avec un professionnel qui nous oriente ou valide nos choix. Une règle cependant : dans la mesure du possible, il vaut habituellement mieux imiter ce que l’on retrouve dans la nature. »

Le biologiste recommande en outre d’éviter d’intervenir là où il y a des plantes indigènes vulnérables. En ce qui concerne les prédateurs comme les oiseaux ou les rongeurs, il suggère au besoin l’installation d’un treillis protecteur pour les petites surfaces. « Pour les grandes superficies, le PFNL est réparti, alors comme la culture n’est pas dense, ce n’est pas un problème majeur. Et en hiver, par exemple, les plantes ne sont plus accessibles aux cerfs de Virginie », note-t-il.

Le défi de la commercialisation

La mise en marché des PFNL comporte son lot de défis. Michel Roy a tiré quelques leçons de l’expérience de commercialisation du champignon lancée en 2009 par l’APBB. « En l’absence de plan conjoint, des propriétaires ont fini par contourner l’entente initiale pour vendre directement à l’acheteur. La météo a également constitué un problème pour le volume de récolte à certains moments. Depuis 2014, nous avons mis fin à l’aventure. »

Du côté de la Filière mycologique de la Mauricie, la création d’un environnement de collaboration a engendré des résultats positifs. « Nous connectons les gens, travaillons sur la cueillette, la transformation, le tourisme, et avec les chefs cuisiniers, en plus de faire de la recherche et du développement.

Notre troisième Rendez-vous de la gastronomie forestière vient d’avoir lieu. Il faut sortir le PFNL du bois et le faire goûter », relève Patrick Lupien.

Celui qui envisage la cueillette ou la culture d’un ou de plusieurs PFNL doit se demander ce qu’il a envie de faire et pourquoi. Après avoir observé ce qui pousse dans son milieu, il doit également déterminer si ce produit sera complémentaire à quelque chose qu’il cultive ou a déjà, bref, se fixer des objectifs de mise en marché. Même chose pour tout ce qui touche la façon de procéder avec les transformateurs, les distributeurs et les vendeurs. Certes, les restaurateurs représentent une clientèle potentielle, mais celui qui se lance dans l’aventure doit aussi être prêt à développer son propre marché.

Attention, fragiles!

Certaines plantes forestières ne peuvent être récoltées; d’autres doivent l’être avec parcimonie. Depuis 2001, par exemple, le ginseng à cinq folioles est une espèce protégée en vertu de la Loi sur les espèces menacées ou vulnérables (LEMV). Il convient de préciser que l’interdiction de le récolter ou de l’acquérir ne s’applique qu’aux populations sauvages et ne vise nullement les spécimens cultivés à partir de semences commerciales.

Plante relativement fréquente dans les érablières du sud du Québec, l’ail des bois a quant à lui été désigné comme espèce vulnérable en 1995. Son commerce sous toutes ses formes est maintenant interdit, de même que sa cueillette dans les aires protégées. À l’extérieur de celles-ci, il demeure néanmoins possible de récolter des spécimens, mais en nombre restreint (50 plants ou bulbes ou 200 g par an de toute partie de l’espèce).

Au Québec, neuf espèces sont vulnérables à la cueillette, soit l’adiante du Canada, l’asaret du Canada, la cardamine carcajou, la cardamine géante, le lis du Canada, la matteuccie fougère-à-l’autruche (sauf la partie aérienne), la sanguinaire du Canada, le trille blanc et l’uvulaire à grandes fleurs. Les interdictions limitent la récolte ou le commerce de plus de cinq spécimens sauvages entiers ou parties souterraines de celles-ci.

Source : ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques

PFNL: catégories et exemples

Les produits forestiers non ligneux sont définis comme des produits ou des sous-produits des végétaux forestiers autres que la matière ligneuse (fibre) destinée à l’industrie du bois d’oeuvre, des pâtes et papiers, du bois de chauffage ou du charbon. Les usages commerciaux associés aux PFNL sont variés et peuvent être classés dans différentes catégories.

La récolte de sève de bouleau permet de produire un sirop de grande valeur. (Crédit photo: Chantale Levesque)

Source : Ressources naturelles Canada

Produits alimentairesSirop d’érable, bleuets et champignons sauvages, plantes indigènes de sous-étage tels le ginseng sauvage et les crosses de fougère.
Produits ornementaux – Arbres et couronnes de Noël, fleurs et feuillage utilisés à l’état sec ou frais dans la production décorative ou artistique.
Substances extraites de plantes forestières servant à fabriquer des produits pharmaceutiques et d’hygiène personnelle – Paclitaxel (commercialisé sous le nom de TaxolMD et extrait de l’if), huiles essentielles.

Chantale Levesque et le Domaine du Bocage

Sirops, gelées, tartinades, pâtes de fruits, chocolats aromatisés : toute la matière première entrant dans la composition des produits transformés élaborés par Chantale Levesque provient de sa terre de six hectares située à Saint-Ferréol-les-Neiges. D’abord destiné à recevoir une champignonnière de pleurotes, l’endroit est plutôt devenu une forêt nourricière. C’est d’ailleurs un concours de circonstances qui a permis de jeter les bases du Domaine du Bocage il y a 10 ans de cela.

« Je suis originaire du Lac-Saint-Jean et la forêt était mon terrain de jeu. Ma grand-mère, qui préparait des recettes avec des petits fruits cueillis dans le bois, m’a inspirée dès mon plus jeune âge. Lorsque je me suis installée ici avec mon conjoint, j’ai vu qu’il y avait un potentiel. Nous avons jardiné afin d’ouvrir un peu le couvert forestier, ce qui a permis de faire de l’espace pour certaines espèces qui ont ensuite profité », rapporte l’entrepreneure.

Si le sirop de bouleau a représenté un point de départ, avec le temps, un véritable projet structurant s’est déployé. Cet hiver, des ateliers ont même été offerts à des sous-chefs pour leur donner l’occasion de découvrir les produits. Des défis? « Il y en a! Justement, l’éducation du public en est un. Il reste  aussi beaucoup de chemin à faire du point de vue scientifique pour mieux connaître les PFNL », déclare spontanément Chantale Levesque. 

Chantale Levesque et son conjoint Alain La Barre, du Domaine du Bocage, à l'activité Les grandes récoltes, organisée par L'UPA le 14 septembre dernier au Grand marché de Québec.
Fruit de la rosa rugosa, l'églantier peut être utilisé dans la préparation de sirops, gelées et vins. Pour en savoir plus: http://www.environnement.gouv.qc.ca/biodiversite/especes/index.htm (Crédit photo: Chantale Levesque)
La catherinette, dont les feuilles et le fruit sont tous deux comestibles.
Très abondant, le maïenthème du Canada tapisse les forêts du Québec.
La fleur et les feuilles de l’érythrone d’Amérique constituent des aliments.

Article paru dans le Forêts de chez nous de novembre 2019.

Quelles sont les deux raisons qui vous inciteraient à vous impliquer davantage dans la mise en valeur des produits forestiers non ligneux (PFNL)?

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