L’industrie forestière canadienne est prise en étau par les tensions commerciales

L’administration Trump frappe fort : dès mars 2025, Washington compte imposer des droits de douane de 25 % sur tous les produits canadiens. L’acier, l’aluminium, les semi-conducteurs, les produits forestiers seront taxés, alors que le bois d’œuvre l’est déjà. L’industrie forestière canadienne fait vraiment face à un cocktail explosif de taxes et d’incertitudes.

Prenons l’exemple du bois d’œuvre. Ce dernier est déjà sous pression puisque les taxes sur le bois d’œuvre sont passées de 8,1 % à 14,4 % en 2024. Et il faudrait maintenant prévoir 25 % de plus? Les tarifs compensatoires (6,74 %) et antidumping (7,66 %) déjà imposés sur le bois d’œuvre canadien se traduisent par une hausse totale de 14,40 % du prix des exportations vers les États-Unis. Autrement dit, si la valeur initiale du bois d’œuvre sur le marché est égale à 600 $/MPMP, les consommateurs américains devront dorénavant débourser 686 $/MPMP pour acheter du bois d’œuvre canadien.

L’effet de ces tarifs ne s’arrête pas aux frontières canadiennes. Avec une part de marché de 24 % aux États-Unis, le bois d’œuvre canadien joue un rôle clé dans l’équilibre des prix. Par ailleurs, toutes choses étant égales, en appliquant ces nouvelles barrières tarifaires, le prix moyen du bois d’œuvre sur le marché américain devrait enregistrer une hausse de 3,5 % pour atteindre environ 621 $/MPMP.

Si les coûts de production demeurent les mêmes des deux côtés de la frontière, les scieries américaines verront leurs profits gonfler de 21 $/MPMP de bois d’œuvre produit, tandis que les marges des scieries canadiennes s’effriteront, quitte à devenir négatives, pour l’ensemble des volumes qu’ils expédient aux États-Unis. L’écart de coût entre le prix du bois d’œuvre taxé et celui à l’équilibre (65 $/MPMP) sera assumé par l’industrie forestière canadienne et leurs sous-traitants. Bon an mal an, on évalue que de 40 à 50 % du bois d’œuvre québécois se dirige aux États-Unis. Lentement mais sûrement, les scieries américaines gagneront des parts de marché comme ils l’ont toujours fait lors des différents conflits sur le bois d’œuvre.

On peut penser que tant et aussi longtemps que la demande sera favorable aux États-Unis, les consommateurs américains devront payer un premium sur leur bois d’œuvre pour gonfler les profits des scieries américaines et maintenir en activité les scieries canadiennes. Toutefois, dès que nous entrerons dans un cycle baissier, les scieries canadiennes seront plus à risque de cesser leurs opérations, car le coût de revient de leur bois d’œuvre sera nettement plus élevé que leurs concurrents américains.

La pression exercée par notre plus grand partenaire commercial a également pour effet de diminuer la valeur du taux de change. Depuis octobre 2024, principalement en raison de l’incertitude croissante entourant les politiques commerciales, le huard a amorcé une baisse de 5,9 % face au dollar américain. Un effet pervers qui, paradoxalement, joue en faveur des exportateurs canadiens : un dollar plus faible rend le bois canadien plus attractif en réduisant son coût en devise américaine. Ce facteur pourrait atténuer en partie l’impact des droits de douane, rendant l’exportation toujours viable malgré les nouvelles contraintes. Pour reprendre notre exercice précédent, cette baisse du taux de change équivaut à une hausse de revenu de 35 $/MPMP sur tout le bois d’œuvre canadien expédié aux États-Unis.

Il va de soi que l’imposition de tarifs douaniers de 25 % sur les produits canadiens aura pour effet d’accentuer le déséquilibre qui existe. Qui plus est, ce phénomène ne se limite pas seulement au bois d’œuvre, mais à l’ensemble de l’industrie forestière. Panneaux OSB, contreplaqués, pâtes et papiers : chaque segment du marché est exposé aux fluctuations induites par les tarifs et ses répercussions sur la chaîne d’approvisionnement nord-américaine.

Le graphique ci-dessus illustre la forte dépendance du secteur forestier québécois à l’égard de la demande américaine. Il compare la valeur des exportations québécoises vers les États-Unis à la valeur totale des exportations du Québec pour différents segments de marché. On observe que les exportations de certains produits forestiers, comme le bois d’œuvre résineux, les panneaux, la pâte NBSK et les cartons plats, sont presque exclusivement destinées au marché américain. Dans le contexte actuel de tarifs douaniers, certains industriels de ces secteurs sont particulièrement vulnérables, faute de débouchés alternatifs.

Malgré ces barrières commerciales, la demande pour les produits forestiers canadiens demeure robuste. Le vieillissement du parc immobilier américain et l’essor des rénovations continuent de stimuler la consommation de bois d’œuvre et d’autres matériaux de construction en bois. Face à un approvisionnement local limité, les consommateurs américains n’auront d’autre choix à court terme que d’absorber ces hausses de prix, poussant marginalement à la hausse le coût des projets de construction et de rénovation.

L’industrie forestière canadienne entre dans une zone de turbulences. Avec des tarifs en hausse et une menace persistante de nouvelles sanctions commerciales, les acteurs du secteur doivent jongler entre arbitrage des prix, stratégies de marché et gestion des coûts.

Si les tensions commerciales persistent, une seule chose est sûre : 2025 s’annonce comme une année charnière pour l’industrie forestière. Entre adaptation et résilience, le secteur devra redoubler d’ingéniosité pour tirer son épingle du jeu dans un contexte de plus en plus contraignant. Le développement d’autres marchés (domestique et ailleurs dans le monde) devra être priorisé, malgré ses limites évidentes. Aussi, il faudra sans doute miser sur la création de valeur ajoutée.

Pour les producteurs forestiers québécois, des droits de douane de 25 % sur tous les produits canadiens menacent leurs revenus en altérant les prix que les industriels sont prêts à acheter leur bois. Certains marchés pourraient même se refermer advenant la fermeture pure et simple d’usines. Avec une demande incertaine, certains producteurs pourraient être tentés de ralentir leurs coupes, compromettant ainsi la rentabilité de leurs opérations. Il va de soi, devant la turbulence à venir, que les producteurs devront s’informer continuellement des développements auprès de leurs syndicats et offices de producteurs de bois.

Légère baisse des mises en chantier aux États-Unis en 2024

Le Bureau du recensement des États-Unis a récemment dévoilé les statistiques de construction du secteur immobilier résidentiel pour l’année 2024. La construction résidentielle constitue un moteur pour le marché des matériaux de construction en bois comme le bois d’œuvre résineux, le bois de sciage de feuillus durs (employés dans la fabrication de cabinets et de planchers) et les panneaux de bois.

En 2024, le rythme des mises en chantier a ralenti de 3,9 % comparativement à l’année précédente, alors que le nombre d’unités n’a atteint que 1,36 M. Ce repli s’explique principalement par la chute de la construction de logements multifamiliaux, par exemple les condos, en baisse de 25 % sur l’année pour atteindre 0,36 M d’unités. Les résultats de ce sous-secteur, généralement très volatil, contrastent avec celui des maisons unifamiliales dont la construction a progressé de 6,5 % pour dépasser le million d’unités.

L’évolution des mises en chantier a varié selon les différentes régions des États-Unis. En 2024, des hausses ont été enregistrées dans le Nord-Est (+1,5 %) et le Midwest (+3,5%), qui constituent des marchés plus rapprochés pour l’industrie forestière québécoise. À l’inverse, les mises en chantier ont reculé dans le Sud (-3,1 %) et dans l’Ouest (-6,6 %).

Toutefois, sur l’ensemble de 2024, 1,63 M de logements ont été complétés, marquant une hausse notable de 12,4 % par rapport à 2023. Finalement, le nombre de demandes de permis pour construire des logements a chuté de 2,6 % pour atteindre 1,47 M d’unités.

La diversification du marché des copeaux ouvre de nouveaux horizons

Bien que la question du bois d’œuvre soit centrale en ce qui a trait à l’industrie forestière en général, celle des copeaux mérite qu’on s’y attarde. En effet, les sous-produits issus de la transformation primaire du bois dans les scieries jouent un rôle clé dans l’industrie forestière. Leur valorisation permet aux scieries de générer davantage de revenus et à d’autres industries de deuxième transformation de valoriser de la fibre de bois bon marché.

Le marché des sous-produits est tiraillé par deux grandes forces. D’un côté, les scieurs veulent traditionnellement diminuer la quantité de « déchets »; de l’autre, l’évolution des marchés transforme la demande. Longtemps confinés aux usines de pâtes et papiers, ces sous-produits trouvent maintenant niche dans différents secteurs comme les panneaux composites. La cogénération, la bioénergie et les granules de bois profitent aussi du déclin des papetières et incidemment de leur appétit pour cette ressource.

Le défi des inventaires et des rendements

Les scieurs s’efforcent d’accroître le rendement de leurs installations afin de réduire la proportion de sous-produits générés par les activités de transformation. Le « rendement matière des copeaux », qui désigne la proportion de bois rond transformé en copeaux par rapport à la quantité totale de bois scié, est un indicateur clé pour les scieries. Les équipements installés et la qualité de la main-d’œuvre jouent un rôle déterminant dans la capacité des scieries à produire davantage de bois d’œuvre à partir d’un lot donné de billes. Par exemple, de 2010 à 2020, les scieries québécoises de sapin-épinettes ont consommé 8,8 % moins de bois rond pour produire le même volume de bois d’œuvre.

Ce gain net s’est traduit par une diminution des sous-produits générés, en particulier des copeaux. Ces avancées démontrent les efforts considérables de l’industrie québécoise du sciage depuis la dernière crise forestière pour réduire la production de copeaux. Les scieurs, confrontés à une demande en déclin pour ces sous-produits à mesure que les machines à papier ferment, adaptent leurs pratiques année après année pour minimiser leur dépendance à ce marché secondaire, même s’il leur est impossible de s’en affranchir totalement.

Depuis 2020, les fermetures d’usines de pâtes et papiers, notamment celles de Baie-Comeau et d’Amos, ont engendré une perte de débouchés pour les scieries et une accumulation importante de copeaux. En 2021, les stocks ont atteint un niveau exceptionnel, quatre fois supérieur à la moyenne historique. Cette augmentation s’explique en partie par la reprise des activités de Nordic Kraft, dont l’usine, rouverte après 15 ans d’inactivité nécessitait de rebâtir des inventaires avec sa consommation de 600 000 TMA par année. Il faut aussi comprendre que cet évènement a coïncidé avec une période de prix record pour le bois d’œuvre, incitant les scieries à fonctionner à plein rendement, et ce sans égard pour les sous-produits inventoriés.

La recherche de nouveaux débouchés

Face à ce surplus, les scieries ont cherché de nouveaux débouchés. Longtemps destinées aux usines de pâtes et papiers, ces ressources diversifient aujourd’hui leurs marchés : des secteurs comme les panneaux composites, la cogénération, la bioénergie et les granules de bois profitent du déclin des papetières. En 2023, les copeaux représentaient 57 % de la production totale des sous-produits des scieries québécoises, contre 20 % pour les sciures et rabotures et 23 % pour les écorces. Ces dernières, autrefois perçues comme des résidus, sont désormais valorisées dans la production d’énergie renouvelable et l’aménagement paysager, tandis que les sciures et rabotures trouvent des débouchés dans la fabrication de granules et les litières animales.

Des partenariats stratégiques avec des usines de bioénergie et de granules, comme celles de Cacouna et de Barrette-Chapais, ont aussi contribué à réduire les excédents. À mesure que la capacité de production des usines de granules s’accroît, de plus en plus de copeaux y sont transformés. Malgré ces efforts, les fermetures anticipées d’autres usines de pâtes et papiers pourraient créer de nouveaux surplus, menaçant la rentabilité de nombreuses scieries.

La gestion des sous-produits forestiers reflète une adaptation aux nouvelles réalités économiques et environnementales. Jadis considérés comme des déchets, les copeaux sont devenus un pilier de l’économie circulaire. En réponse au déclin de l’industrie des pâtes et papiers, les scieries diversifient leurs débouchés vers des secteurs émergents tels que la bioénergie et les panneaux composites, contribuant ainsi à des solutions énergétiques plus durables et à une valorisation accrue des ressources.

Nonobstant, l’industrie des pâtes et papiers demeure encore et toujours le principal débouché pour les copeaux puisqu’elle en consomme 87%. Cependant, les usages se diversifient : 6 % des copeaux sont utilisés pour les panneaux de fibres et de particules, 4 % pour des usages énergétiques tels que la cogénération et les biocarburants, et le reste est exporté.

L’émergence des usines de bioénergie et de granules, souvent situées à proximité des scieries, constitue une solution prometteuse pour compenser la diminution des débouchés traditionnels. Cette diversification est cruciale pour absorber les surplus et maintenir la viabilité économique des scieries dans un contexte de marché en constante mutation.

Cependant, des défis demeurent, notamment ceux de la gestion des surplus et de l’équilibre entre l’offre et la demande. L’innovation et une diversification accrue des marchés seront essentielles pour garantir une valorisation optimale des copeaux et soutenir une industrie en pleine transition.

Les victimes collatérales du conflit du bois d’œuvre

Historique du conflit

Les tensions commerciales entre le Canada et les États-Unis sur le bois d’œuvre résineux perdurent depuis près de quarante ans, alimentées par des mesures protectionnistes répétées par différents gouvernements américains. À l’origine de ces conflits récurrents, les États-Unis accusent l’industrie forestière canadienne de « dumping », ce qui a conduit à l’imposition régulière de tarifs douaniers sur les exportations de bois d’œuvre en provenance du Canada. Washington argue que, puisque 94 % des forêts canadiennes sont publiques, cela constitue une subvention indirecte. Les redevances versées par les entreprises aux gouvernements provinciaux seraient jugées insuffisantes, conférant ainsi un avantage financier injuste aux scieries canadiennes.

Bien que le Canada ait contesté ces accusations à de nombreuses reprises devant des instances internationales, cette position reste inchangée du côté américain. Depuis 2016, les droits antidumping et compensateurs sur le bois d’œuvre font l’objet de révisions annuelles, souvent contestées, notamment auprès de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) et dans le cadre de l’Accord de libre-échange nord-américain (ALÉNA), désormais remplacé par l’Accord Canada–États-Unis–Mexique (ACEUM).

Les tarifs à l’exportation

Les droits compensateurs sont des taxes imposées sur les importations lorsqu’un produit est jugé subventionné par son pays d’origine, faussant ainsi la concurrence. Les droits antidumping, quant à eux, sont appliqués lorsqu’un produit est vendu à l’étranger à un prix inférieur à celui pratiqué sur le marché domestique, ou en dessous de son coût de production, dans le but de capter des parts de marché. Ces deux types de droits sont des mesures de protection commerciale visant à protéger les industries nationales contre une concurrence jugée déloyale.

Malgré certaines décisions favorables pour le Canada, les tensions persistent; les droits compensateurs et antidumping sont difficilement applicables et créent des incertitudes économiques des deux côtés de la frontière. Les tarifs douaniers heurtent le secteur forestier canadien, de la souche a l’usine, tandis qu’aux États-Unis, les consommateurs s’approvisionnant en bois d’œuvre canadien voient leur facture gonfler artificiellement.

Ces tarifs peuvent varier d’une entreprise à l’autre, mais, au Québec, toutes les scieries sont soumises aux mêmes droits. Actuellement, les taux combinés sont établis à 14,40% pour toutes les autres entreprises, soit 7,66% pour les droits antidumping et 6,74% pour les droits compensateurs. Les taux actuels, issus du cinquième examen administratif, suscitent déjà de l’inquiétude dans l’industrie, mais une hausse encore plus marquée est redoutée pour 2025.

Le Département du Commerce des États-Unis (DOC) ajuste ces taux en fonction de divers critères, dont le prix du bois : plus ce dernier est élevé, plus la taxe est faible, et inversement. Les prévisions suggèrent que les taux pourraient atteindre 30 % lors de la prochaine révision, ce qui serait un coup dur pour les exportateurs canadiens, particulièrement si le prix du bois d’œuvre sur les marchés reste bas.

Des milliards de droits collectés

Entre 2017 et 2023, dans le cadre du plus récent conflit, le Canada a exporté annuellement en moyenne 13,4 G PMP de bois résineux vers les États-Unis, dont environ 2,2 G PMP provenaient du Québec. Sur les huit dernières années, ces exportations représentent 55 % de la production canadienne et 38 % de celle du Québec. Au cours de cette période, ces volumes ont diminué de 22 % pour l’ensemble du Canada et de 15 % pour le Québec, reflétant en partie caractère prohibitif des tarifs sur le commerce transfrontalier de bois d’œuvre.

Selon nos estimations, depuis 2017, ces mesures auraient permis aux autorités américaines de percevoir environ 10 G$ en droits d’exportation auprès de l’industrie forestière canadienne, dont 2 G$ provenant du Québec. Ces résultats ont été obtenus en multipliant le volume exporté par le prix de référence, ce qui nous a permis de calculer les recettes d’exportation. Nous avons ensuite appliqué les taxes en vigueur sur cette période, afin d’extrapoler le montant perçu par les autorités américaines sur les exportations canadiennes.  Ces prélèvements constituent un manque à gagner pour le secteur forestier canadien, affaiblissant la capacité d’investissement et diminuant les sommes pouvant être transférées aux fournisseurs tels que les producteurs de bois. Ils contribuent aussi à hausser artificiellement le prix du bois d’œuvre ainsi qu’à créer un afflux de bois d’œuvre européen sur le marché étatsunien.

Les victimes collatérales du conflit

Les producteurs de bois de la forêt privée, qui fournissent 19 % de l’approvisionnement en bois rond résineux de l’industrie forestière québécoise, subissent aussi l’impact des taxes américaines, car le bois rond destiné aux scieries s’en trouve dévalué pour absorber une partie des taxes imposées. Entre 2017 et 2023, les volumes de bois mis en marché en forêt privée, principalement du sapin, de l’épinette et du pin gris, destinés aux scieries québécoises ont atteint en moyenne 3,9 Mm³ par an, soit 63 % des volumes totaux vendus en forêt privée.

Face à ce conflit, la Fédération des producteurs forestiers du Québec revendique une exemption de taxe et de quotas sur le bois d’œuvre produit avec du bois provenant des forêts privées canadiennes. La situation des 450 000 propriétaires canadiens s’apparente à celle vécue par les 10 millions de propriétaires forestiers américains. Ceux-ci tentent de maximiser leurs revenus lorsqu’ils récoltent ou font récolter du bois sur leurs propriétés. Cette demande a pour but d’éviter une baisse de revenus des producteurs, et de les extirper une fois pour toutes d’un conflit qui vise d’abord la gestion des forêts publiques canadiennes.

Légère baisse de la production de bois d’œuvre en Amérique du Nord au premier semestre 2024

D’après les données de Statistique Canada et des associations industrielles, la production nord-américaine de bois d’œuvre a atteint 29,1 milliards de pieds mesure de planche (PMP) au cours du premier semestre de 2024, soit une baisse de 0,5 % par rapport à 2023. La hausse de la production de bois d’œuvre au Canada n’a pas suffi à compenser la baisse enregistrée aux États-Unis.

Aux États-Unis, la production a chuté de 3,2 %, atteignant 18,35 G PMP, tandis qu’au Canada, la production a progressé de 4,6 % en atteignant 10,74 G PMP. Le rebond canadien est significatif, mais pas inattendu puisque l’industrie forestière avait suspendu ses opérations à l’été 2023 alors qu’une saison record de feux de forêt faisait rage. Rappelons que l’année dernière, la production canadienne avait chuté de 11 % au premier semestre.

La production canadienne a augmenté principalement grâce aux gains notables réalisés dans plusieurs provinces. L’Alberta (+21 %), le Nouveau-Brunswick (+17 %), la Nouvelle-Écosse (+17 %) et le Québec (+14 %) ont vu leur production s’accroître de manière significative au cours de cette période. La production ontarienne s’est aussi améliorée, quoique de manière plus modeste (+6,0 %). En revanche, la production en Colombie-Britannique a poursuivi son affaissement, en diminuant de 3,3 % pour atteindre 3,48 G PMP.

Le Québec se distingue, car c’est dans cette province que la hausse de production de bois d’œuvre est la plus haute en termes absolus (+0,37 G PMP). Au cours de la période, la belle province a produit 28 % du bois d’œuvre canadien et 10 % du bois d’œuvre nord-américain. Fait à noter, bien que les livraisons québécoises aient aussi augmenté de 16 %, les inventaires ont tout de même crû de 12 % par rapport à 2023. Notons qu’une hausse trop importante des inventaires indiquerait une difficulté pour les scieurs à écouler leur bois d’œuvre sur les marchés.

Pendant ce temps, la production canadienne de bois d’œuvre feuillus a suivi une trajectoire inverse, enregistrant une baisse de 16 % au premier semestre. Toutes les provinces ont vu leur production décliner. La diminution est particulièrement notable au Québec (-22 %), tandis que la production de l’ensemble des autres provinces a reculé de 8,1 %.

Les producteurs doivent-ils s’inquiéter d’une vague de fermetures?

Le début du printemps n’a pas été clément pour l’industrie forestière. Plusieurs grands industriels forestiers nord-américains ont essuyé des pertes financières importantes au cours du premier trimestre. L’industrie forestière dans son ensemble a vu ses revenus fondre de 6,0 % sur un an et ses marges bénéficiaires s’effondrer.

Conséquemment, nous avons assisté à une vague de fermetures dans le secteur forestier. Ces suspensions des opérations résultent d’une confluence de facteurs économiques, environnementaux et structurels.

Récapitulatif des fermetures au Québec

Depuis la fin du mois d’avril, six usines ont annoncé publiquement l’arrêt de leurs opérations. Plus précisément, quatre scieries, une usine de placage et une usine de pâte dissolvante ferment leurs portes. Quatre de ces usines cessent indéfiniment leurs opérations. La région la plus touchée est l’Abitibi-Témiscamingue avec trois fermetures dans la même MRC, affectant profondément la communauté et mettant en péril l’activité économique. Voici un aperçu des fermetures que nous avons recensées :

La combinaison de la faiblesse du marché de la construction, l’augmentation des coûts de production, la rareté ou des coûts élevés d’approvisionnement en bois rond, l’incertitude économique et l’impact des incendies de forêt a créé un environnement hostile pour le secteur forestier. Voyons ici en détail comment chacun de ces facteurs a eu raison des usines de transformation du bois précédentes :

1. Ralentissement de la demande : Le marché de la construction continue de montrer des signes de faiblesse, avec un rythme de mise en chantier modéré en ce début d’année 2024. L’inflation persistante pousse les banques centrales à maintenir des taux d’intérêt élevés, ce qui retarde la construction et freine la demande de matériaux en bois (consultez notre texte sur la reprise du bois d’œuvre qui se fait attendre).

2. Hausse des coûts de production : Les coûts énergétiques en augmentation, les frais de financement élevés et un contexte économique difficile ont mis les usines sous pression financière. Les hausses salariales, les frais de transport propulsés par le prix du carburant et les enjeux de logistiques ainsi que l’augmentation significative des coûts d’approvisionnement en équipement exercent aussi une pression supplémentaire sur les marges des entreprises.

3. Manque de fibre : En raison de la sévérité des feux de forêt de l’été dernier, le Forestier en chef a recommandé une diminution de la possibilité forestière en forêt publique de l’ordre de 619 400 m³ sur la période 2023-2028. Ces diminutions sont limitées aux trois régions incendiées, soit l’Abitibi-Témiscamingue, la Mauricie et le Nord-du-Québec, mais c’est cette dernière qui assumera 84 % de la baisse. La disponibilité limitée du bois conduira vraisemblablement à une baisse des garanties d’approvisionnement des usines de ces territoires. Notons que quatre des six usines ayant annoncé leurs fermetures s’y trouvent justement.

Par ailleurs, les feux ont conduit à des ajustements dans les stratégies d’approvisionnement, avec un déplacement vers des secteurs où la récupération et le transport du bois sont plus coûteux, ce qui a probablement rendu certaines opérations financièrement non viables, malgré le soutien du ministère des Ressources naturelles et des Forêts, par le biais de programmes de récupération des bois et une dévaluation de la valeur marchande de bois sur pied.

Cette situation n’est pas isolée au Québec. En Colombie-Britannique, le géant Canfor prévoit des fermetures et des désinvestissements en raison du manque de fibre lié aux feux de forêt et à l’infestation du dendroctone du pin.

4. Hausse des coûts d’approvisionnement : Le coût de la matière première, notamment le bois rond, a augmenté ces dernières années. Une concurrence plus élevée pour la fibre en période de marché haussier, conjuguée à la hausse du coût du camionnage explique en grande partie ce phénomène. Tout comme la hausse des coûts de récolte. Le coût d’exploitation des entrepreneurs forestiers a progressé de 12 % en 2022 puis de 3,5 % en 2023 selon l’Association québécoise des entrepreneurs forestiers (AQEF).

En 2023, le prix moyen du bois mis en marché en forêt privée a chuté, mais il demeure au-dessus des prix observés avant la pandémie. Au même moment, le prix moyen des ventes du Bureau de mise en marché des bois (BMMB) a atteint 17,43 $/m³, son deuxième plus haut niveau en cinq ans. Ce résultat est particulièrement notable, car de nombreuses ventes ont été réalisées à des prix très bas pour écouler le bois des feux de forêt. Malgré ces ventes à rabais, la moyenne est restée élevée, particulièrement dans les régions de l’Abitibi-Témiscamingue et du Nord-du-Québec.

5. Incertitude : L’incertitude fragilise le secteur forestier. Les tensions commerciales, notamment le conflit du bois d’œuvre, ajoutent une couche supplémentaire de scepticisme. La volonté du gouvernement de créer des aires protégées sur 30 % du territoire fait craindre le pire pour les approvisionnements de certains industriels. Quant au projet pilote annoncé pour protéger l’habitat du caribou forestier, il semble avoir dissipé certaines craintes. À cela, ajoutons les enjeux de gouvernance et de planification en forêt publique évoqués dans le cadre de la réflexion sur l’avenir des forêts. Ces défis, combinés aux évolutions réglementaires, compliquent davantage la planification à long terme des entreprises forestières, rendant l’environnement commercial encore plus imprévisible et difficile à naviguer. 

Impact de ces fermetures pour les producteurs forestiers

La fermeture des usines a un impact en cascade sur toute l’industrie forestière, fragilisant les entreprises et autres acteurs en amont, tels que les transporteurs de bois, les entrepreneurs forestiers, les producteurs de bois et les fournisseurs d’équipements et de services. Une interrelation évidente existe même entre les usines qui ont annoncé des fermetures. Par exemple, la scierie Béarn acheminait ses copeaux inutilisés à l’usine RYAM à Témiscamingue. Lorsque l’une tombe, la seconde est immédiatement fragilisée.

Pour l’instant, les fermetures annoncées affecteront peu la forêt privée.  Ces usines consomment moins de 2 % du volume de bois mis en marché dans les forêts privées des régions concernées. Fortement dépendantes d’un approvisionnement en forêt publique, c’est plutôt cette chaîne logistique qui subira le premier coup de ces fermetures. Toutefois, de manière indirecte, les producteurs forestiers pourraient observer la fragilisation de certains de leurs clients. Nous pourrions également observer une redirection des volumes de bois libérés en forêt publique vers d’autres acheteurs, et ce, au risque de grignoter certaines parts de marché des producteurs.

L’incertitude persiste quant à la direction que prendra le secteur forestier. Les conditions économiques seront déterminantes pour savoir si la tendance actuelle se poursuivra ou si une reprise est envisageable. Les décisions gouvernementales constitueront aussi un point focal; les tables sur l’avenir de la forêt et les discussions visant à dépoussiérer le régime forestier actuel auront probablement une incidence sur la trajectoire du secteur.

Bois d’œuvre : Une reprise attendue d’ici la fin de l’année?

Le marché du bois d’œuvre est tombé abruptement de son nuage en 2023. L’euphorie et les records ont rapidement laissé place à la déception. La demande nord-américaine a glissé de 1,9 % alors que le marché immobilier subissait le choc d’une hausse des taux d’intérêt. Il n’en fallait pas plus pour que le prix du bois d’œuvre s’effondre de 44 %.

À première vue, le marché amorce l’année 2024 comme il a terminé 2023 : au ralenti et dans l’espoir de jours meilleurs. Il faut dire que l’inflation persistante en ce début d’année exerce une influence significative sur les décisions de la Réserve fédérale et de la Banque du Canada de maintenir les taux d’intérêt élevés. Les Nord-Américains attendent avec impatience des baisses de taux maintes fois annoncées par les prévisionnistes, mais sans cesse repoussées par les banques centrales. Comment peuvent-elles faire autrement?

L’économie américaine s’active au-delà de son potentiel et l’inflation demeure au-dessus du niveau désiré (bien qu’elle soit sur la bonne trajectoire descendante). Pendant ce temps, la Banque du Canada est forcée de retarder son action par crainte de créer un trop grand écart de taux avec nos voisins américains.

L’attentisme caractérise le marché de la construction. Après un trimestre en 2024, le rythme de mises en chantiers aux États-Unis a atteint 1,49 M d’unités, en hausse de 2,8 % sur un an, mais encore en deçà du niveau de construction réalisé au cœur de la pandémie.  Ce rythme demeure encore loin des 2,0 M d’unités nécessaires pour loger les nouveaux ménages formés chaque année et remplacer les logements obsolètes. D’après un consensus de prévisions, il manque au moins 2 M de maisons unifamiliales aux États-Unis et probablement 0,6 M de résidences multifamiliales pour loger l’ensemble des ménages. Il faut dire que le surplus de construction ayant causé la crise immobilière en 2008 a depuis longtemps été éliminé, car le rythme de mises en chantiers est toujours demeuré inférieur à celui de formation de ménages depuis.

La rareté croissante de logements devra se traduire par une hausse de la construction. Les constructeurs n’attendent qu’un retour en masse des acheteurs pour accélérer les mises en chantiers. Retour qui sera précipité par une baisse éventuelle de taux, encore qu’elle soit significative. Les banques centrales demeurent nébuleuses sur leurs intentions, mais les économistes anticipent une première baisse de taux en septembre ou novembre 2024. Toutefois, il y a fort à parier que les baisses seront lentes et graduelles afin d’éviter de tomber dans une spirale inflationniste.

On prévoit d’ailleurs que les mises en chantier américaines stagneront en 2024, puis progresseront de presque 4 % en 2025. Le segment des unifamiliales, si important pour la demande de matériaux en bois, fera toutefois mieux puisqu’il augmentera de 4,7 % en 2024 puis de 4,2 % en 2025.

Il reste à voir si cette embellie se traduira aussi par une amélioration de la construction résidentielle au Canada. En l’absence d’une baisse de taux pouvant stimuler l’activité immobilière, le gouvernement Trudeau a profité de son plus récent budget pour multiplier les annonces dans l’optique de résorber la crise du logement. Est-ce que ce sera suffisant pour stimuler la construction et incidemment la demande en matériau de bois?

Nous anticipons aussi une hausse des projets de rénovation qui ont représenté plus de 40 % de la consommation de bois d’œuvre ces dernières années. La demande en bois d’œuvre devrait donc s’améliorer suffisamment dès cette année pour rattraper la glissade de l’an dernier. Les prévisionnistes travaillent sur une croissance de la consommation de bois d’œuvre de 3,0 % en 2024, suivi d’une hausse de 4,5 % en 2025.

Une demande atone et une saison de feux de forêt catastrophique au Canada ont ralenti la production des scieries l’année dernière (-2,0 % en 2023). La baisse a été plus marquée au Canada (-4,2 %) qu’aux États-Unis (-0,8 %). En particulier, le Québec (-7,8 %) a enregistré la plus forte diminution de production, principalement en raison des incendies de forêt qui ont perturbé les opérations. Les scieries s’approvisionnant principalement en forêt privée ont néanmoins été épargnées de ces déboires. En effet, le volume de bois de sciage de sapin-épinette mis en marché par les producteurs forestiers du Québec a stagné (+0,1 %) au cours de cette période.

Le début de 2024 semble marquer une reprise de la production de bois d’œuvre, mais serait-il un leurre ? Après 2 mois, la production québécoise a rebondi de 14%, cependant les inventaires atteignent un niveau inégalé en une décennie. Ces données préliminaires indiquent-elles un ralentissement des ventes contrairement aux attentes ? Pendant ce temps, la production canadienne a augmenté de 5,2%, tandis que celle des États-Unis s’est atténuée de 1,0%.

Les contraintes d’approvisionnement et la hausse des coûts de production ont poussé de nombreuses scieries à opérer à perte depuis un certain temps, comme en témoignent les nombreuses fermetures observées récemment. Il est légitime de craindre une reprise tardive qui provoquerait d’autres fermetures dans les mois à venir. Nonobstant, les prévisionnistes projettent une hausse de la production de bois d’œuvre de 1,4% en 2024 et d’environ 5% en 2025, bien que les incendies de forêt demeurent une menace pour l’été 2024.

Le prix du bois d’œuvre a chuté brutalement en 2023 (-44 %). Nous anticipons que le renforcement de la demande en raison d’un déficit structurel de logements soutiendra les prix dans les années à venir. Loin des records, il s’agira néanmoins d’une transition vers la croissance après une année 2023 décevante. Ce déclenchement sera tributaire d’une normalisation des taux d’intérêt. Malgré tout, pour l’instant, diverses prévisions permettent d’anticiper une hausse moyenne des prix de 7,8 % en 2024. Si la tendance se maintient, les prix pourraient même progresser de 8,1 % en 2025.

Chute des mises en chantier aux États-Unis en mars

Généralement, et ce fût encore le cas cette année, les feux sont davantage associés aux forêts résineuses nordiques, et donc principalement situées en territoire public (Lac-St-Jean, Côte-Nord, Abitibi-Témiscamingue, Nord-du-Québec et nord de la Mauricie). La vallée du St-Laurent et les Appalaches, dominées par les peuplements feuillus et mixtes, sont généralement moins susceptibles d’être perturbées par le feu, les incendies qui s’y développent demeurent limités pour deux raisons. Premièrement, les feuillus constituent des murs anti-feux efficaces en raison du contenu en humidité de leurs feuilles. Deuxièmement, la proximité des forêts privées et des infrastructures publiques accélère l’urgence et le temps de réponse des responsables de la sécurité publique (principalement la SOPFEU et les pompiers municipaux).

Sur le plan macroéconomique, les feux de forêts ont provoqué la fermeture de plusieurs usines de transformation du bois dans les régions nordiques. Cette baisse de l’offre de produits forestiers a eu lieu alors que la demande pour les produits du bois est chancelante. En effet, l’impact de la hausse des taux d’intérêt provoque un ralentissement du secteur immobilier. L’effet de la contraction de l’offre sur les marchés fût somme toute limité, comme en témoigne l’évolution du prix du bois d’œuvre.

La baisse des mises en chantier de logements aux États-Unis en mars souligne les défis persistants auxquels est confronté le marché immobilier. Les décisions de la Réserve fédérale de maintenir les taux d’intérêt élevés pour contrer l’inflation, les coûts de construction élevés et un marché immobilier hors de prix sont autant de facteurs qui influencent ce niveau d’activité. L’indice de prix des maisons aux États-Unis, le S&P CoreLogic Case-Shiller, a enregistré une augmentation annuelle de 6,0 % en janvier. Sur une base ajustée en fonction des variations saisonnières, les prix des maisons ont surpassé le niveau record établi l’année dernière.

Néanmoins, à mesure que la Réserve fédérale modérera son taux directeur, les mises en chantier devraient s’accélérer. D’après la National Association of Home Builder, les mises en chantiers de résidences unifamiliales devraient terminer l’année sur une hausse de 4,7 %, puis augmenter encore de 4,2 % en 2025. Du côté des résidences multifamiliales, on prévoit que les mises en chantier devraient fortement régresser en 2024 (-20 %), en raison de la difficulté d’accès du financement, puis se redresser légèrement en 2025 (+2.3 %). Malgré tous ces écueils, les prévisionnistes anticipent une croissance continue des prix des maisons d’environ 2,4 % en 2024.

Impact des feux de forêt sur la mise en marché du bois

Feu foret

L’année 2023 a été marquée par les feux de forêt d’une intensité et d’une ampleur peu commune. Selon la SOPFEU, de janvier à septembre, 679 feux principalement allumés par la foudre ont provoqué la destruction de 5,30 Mha de forêts. Les feux ont endommagé environ 3,81 Mha en zone nordique, soit des forêts n’étant pas aménagées pour des fins d’approvisionnement de l’industrie forestière. Néanmoins, 1,49 Mha de forêts en zone intensive constituant le bassin d’approvisionnement de l’industrie forestière ont été endommagées. À titre indicatif, à peine 300 ha avaient été ravagées par 431 incendies l’année précédente.

La sécheresse du printemps conjuguée à des épisodes météorologiques favorisant la foudre ont créé une tempête parfaite. Bien que des épisodes de grands feux surviennent sporadiquement, l’impact des changements climatiques sur l’écosystème forestier a probablement accentué la situation. La hausse moyenne de la température assèche plus rapidement les sols et la biomasse et accroît l’intensité énergétique des catastrophes climatiques.

Généralement, et ce fût encore le cas cette année, les feux sont davantage associés aux forêts résineuses nordiques, et donc principalement situées en territoire public (Lac-St-Jean, Côte-Nord, Abitibi-Témiscamingue, Nord-du-Québec et nord de la Mauricie). La vallée du St-Laurent et les Appalaches, dominées par les peuplements feuillus et mixtes, sont généralement moins susceptibles d’être perturbées par le feu, les incendies qui s’y développent demeurent limités pour deux raisons. Premièrement, les feuillus constituent des murs anti-feux efficaces en raison du contenu en humidité de leurs feuilles. Deuxièmement, la proximité des forêts privées et des infrastructures publiques accélère l’urgence et le temps de réponse des responsables de la sécurité publique (principalement la SOPFEU et les pompiers municipaux).

Sur le plan macroéconomique, les feux de forêts ont provoqué la fermeture de plusieurs usines de transformation du bois dans les régions nordiques. Cette baisse de l’offre de produits forestiers a eu lieu alors que la demande pour les produits du bois est chancelante. En effet, l’impact de la hausse des taux d’intérêt provoque un ralentissement du secteur immobilier. L’effet de la contraction de l’offre sur les marchés fût somme toute limité, comme en témoigne l’évolution du prix du bois d’œuvre.

Pour les producteurs forestiers œuvrant en forêt privée, la majorité de l’impact est chose du passé. Les producteurs ont dû cesser leurs opérations quelques semaines en raison du risque d’incendie, mais la situation s’est résorbée depuis.

Cependant, les producteurs forestiers des régions de l’Abitibi-Témiscamingue, du Saguenay-Lac-Saint-Jean et de la Côte-Nord devront principalement composer avec une hausse de la concurrence à mesure que les récoltes de secteurs incendiés en forêt publique s’accélèrent. Ceux des régions plus éloignées pourraient être en grande partie épargnés, car les scieries clientes sont localisées trop loin des forêts incendiées pour justifier le déplacement du bois.

Le ministère des Ressources naturelles et des Forêts (MRNF) a préparé des plans d’aménagement spéciaux de récupération dans les zones touchées par les incendies alors que le Bureau de mise en marché des bois (BMMB) est déjà à pied d’œuvre pour organiser la vente de bois qui sera récupéré. Au total, plus de 1,83 Mm³ de bois est déjà mis aux enchères, dont 92% en résineux. À cela s’ajoute un volume de 0,78 Mm³ de bois que le MRNF a déjà accordé en vente de gré à gré. Ces volumes peuvent paraître énormes, mais ils demeurent largement inférieurs à ceux réellement carbonisés.

Toutefois, plusieurs raisons suggèrent que cet enjeu sera passager. Premièrement, comme nous le rappelle le CIFQ, il est impératif de récupérer le bois avant le printemps prochain, moment où il sera colonisé par des hordes d’insectes qui anéantiront sa mise en valeur potentielle. La cohue causée sera temporaire, à moins qu’elle ne force un décalage des droits forestiers déjà consentis lors des années subséquentes.

Deuxièmement, les usines de transformations du bois ne sont pas friandes d’une matière première contenant de la suie. Les opérations en sont ralenties et les produits finis peuvent être affectés. Par ailleurs, la récolte de bois brûlé entraîne une logistique plus lourde, affectant la productivité et le rendement. La hausse de coût conjuguée à la faiblesse du marché du bois d’œuvre diminue les marges des scieurs, comme en témoigne la décision des dirigeants de Produits forestiers Résolu de cesser temporairement les opérations à la scierie Comtois de Lebel-sur-Quévillon.

Troisièmement, une portion du parc de machinerie a été ravagée par les incendies. Selon l’Association québécoise des entrepreneurs forestiers, plus de soixante machines forestières ont été incendiées, représentant des pertes de plusieurs dizaines de millions de dollars. Assurés ou pas, de nombreux entrepreneurs devront assumer d’importantes pertes financières. Dans tous les cas, le remplacement des équipements sera ardu et lent, voire interminable aux yeux des entrepreneurs forestiers affectés.

Conscients des risques pour les années à venir, les acteurs du secteur forestier s’accordent sur la nécessité de préparer des mesures de contingence pour éviter la répétition d’une telle catastrophe. En forêt privée, cela présuppose de :

  1. Réfléchir à une stratégie d’adaptation des forêts aux changements climatiques permettant d’accroître la résilience des forêts contre des perturbations naturelles amplifiées.
  2. Obtenir une source de financement permettant de mettre en œuvre des stratégies d’aménagement forestier dans un contexte d’adaptation aux changements climatiques et de protection de la biodiversité.
  3. Préparer un plan de prévention et d’intervention lors de catastrophes naturelles en forêt privée québécoise qui permettra au MRNF et aux producteurs forestiers de coordonner leurs efforts de récolte des bois affectés.
  4. Communiquer adéquatement aux propriétaires et producteurs forestiers les saines habitudes d’aménagement et de travail requises pour éviter la propagation d’incendies forestiers.

Ces actions ne pourront être mises en vigueur par la Fédération des producteurs forestiers du Québec sans la collaboration du MRNF et des autres acteurs du secteur forestier.

La production de bois d’œuvre en baisse de 9 % en 2023 après 4 mois

La fin de l’année 2022 a été marquée par un ralentissement de la production canadienne de bois d’œuvre résineux. La production a chuté de 14 % au 4e trimestre de 2022 comparativement au 1er trimestre de la même année. Les données de Statistique Canada confirment que ce ralentissement se poursuit en 2023.

En avril 2023, la production canadienne de bois d’œuvre résineux a diminué de 6,4 % d’une année à l’autre. Après 4 mois, les scieries accusent un retard de 8,7 % par rapport à la période correspondante de 2022. Le ralentissement est palpable dans toutes les régions.

Au Québec, la production des scieries a chuté de 11 % en avril et accuse un retard de 8,5 % après 4 mois. En Colombie-Britannique, la chute est plus importante alors que les scieries ont ralenti leur production d’environ 17 % depuis le début de l’année.

Évolution de la production de bois d’oeuvre résineux
(en GPMP par mois)

Les inventaires de bois d’œuvre résineux suivent la même tendance, puisqu’ au Canada, ceux-ci ont diminué de 6,5 % après 4 mois. Au Québec, la situation est semblable; les inventaires de bois d’œuvre résineux ayant faibli de 6,6 %.

À l’inverse, la production de bois d’œuvre feuillu au Québec, qui représente une majeure partie de la production totale de feuillu au Canada, a bien entamé son début d’année puisque la production est supérieure de 17 % par rapport à l’année précédente.

Évolution de la production de bois d’oeuvre feuillu au Québec
(en MPMP par mois)

Il faut s’attendre à ce que le ralentissement se prolonge cette année. Les incendies de forêt, en particulier en Alberta, au Québec et en Colombie-Britannique, ont depuis entraîné des conséquences dévastatrices sur la production de bois d’œuvre. Les feux de grande ampleur ont non seulement détruit des millions d’hectares de forêt, mais ont également perturbé l’approvisionnement en bois et la capacité des scieries à opérer normalement. Les prochaines données divulguées permettront de saisir l’ampleur de la chute de production.

?>