Changements climatiques et assurances : des dommages de plus en plus prévisibles

L’air frais qui circule entre les branches de vos arbres et la douce odeur d’humus qui se mêle à celle de la sève des arbres que vous coupez pourraient rapidement devenir irrespirables si la malchance devait s’abattre sur vous. Il suffit d’un visiteur blessé sur votre lot ou d’une catastrophe naturelle pour que votre patrimoine parte en fumée… à moins d’être adéquatement protégé contre les risques de pareils accidents.

Les coûts associés aux catastrophes naturelles ne cessent d’augmenter au pays. Selon le Bureau d’assurance du Canada, les dommages causés par les changements climatiques atteignent 2,2 milliards de dollars par année en moyenne, depuis 5 ans au Canada, tout type d’assuré confondu.

Les chiffres suivent la même tendance au Québec. Les coûts associés à ce type de sinistre dépassent 200 millions de dollars par année, depuis 5 ans. « On observe 4 fois plus d’événements climatiques qu’il y a 30 ans », indique Stéphane Bibeau, président, chef de la direction et des opérations chez Estrie-Richelieu, l’un des très rares assureurs spécialisés en agriculture et en foresterie.

Devant ces bouleversements qui s’accélèrent, les assureurs calculent et recalculent les risques qu’ils doivent couvrir. « Les assureurs observent la tendance des dommages et ils mettent des mécanismes en place pour se protéger contre leur récurrence », explique Michel Auger, président d’AGMA Assurances, dont les bureaux se trouvent à Longueuil. La nouvelle réalité climatique pourrait changer le paysage de l’assurance, croit Yanick Thibault, directeur principal du développement en assurance des entreprises à La Turquoise. « Les changements climatiques font en sorte que les assureurs vont sûrement se repositionner sur les enjeux de primes et de couvertures différentes dans le futur », avance quant à lui Michel Auger.

 

Les dommages causés aux bâtiments par les intempéries ou le feu, par exemple, font partie des actifs couverts par les assureurs actifs au Québec.

MOT CLÉ : DIVULGUER

La première chose à déterminer lorsqu’on possède une terre à bois, c’est l’usage qu’on en fait. « Est-ce qu’on y fait de l’activité commerciale, est-ce qu’elle sert à nos loisirs? Ce sont des questions qui permettent de déterminer le type d’assurance la mieux adaptée pour le propriétaire d’un boisé », explique Michel Auger. « Souvent, les gens pensent qu’ils sont couverts grâce à leur police habitation, mais ce n’est pas nécessairement le cas », observe Jonathan Dubois, directeur en assurance d’entreprises chez AMR Assurances de Sherbrooke. « Y a des gens qui vont dire : “Je fais de la coupe à bois, mais je ne génère pas un gros revenu, donc je ne le déclare pas” », ajoute le courtier, qui insiste sur l’importance d’être transparent avec son assureur. « Il faut mentionner toute l’activité qu’il peut y avoir sur notre terre à bois », dit Jonathan Dubois. « Parfois, oui, c’est pour aller prendre des vacances, faire du ski-doo ou du quatre-roues de temps en temps, reconnaît-il, mais parfois aussi, on y construit un chalet, on coupe du bois, on peut en louer une partie en tiers. Ce ne sont pas nécessairement des activités couvertes par une police habitation ou agricole », signale le spécialiste.

Si les propriétaires de lots présentent chacun leurs particularités, les assureurs ne marchent pas tous d’un même pas non plus. La définition d’une activité commerciale peut varier d’une entreprise à l’autre. Chez Estrie-Richelieu, par exemple, on assure les érablières et les producteurs agricoles pour qui la coupe forestière représente une activité secondaire. « Quelqu’un qui fait de la coupe sélective, avec un ingénieur qui vient lui donner des conseils, ou encore un autre qui fait du nettoyage dans son boisé, on va l’assurer », explique Annie Lamoureux, directrice assurance chez Estrie-Richelieu. « Notre contrat inclut la vente de 100 cordes de bois, poursuit l’experte. S’il en vend 150 cordes, ça ne pose pas de soucis non plus. » 

LOTS BOISÉS : ON ASSURE QUOI?

Les arbres de vos terres ont beau être majestueux, dites-vous que tant qu’ils sont debout, ils ne valent pas grand-chose du point de vue de leur assurabilité. Au Québec, du moins [voir l’encadré]. « Je n’ai jamais vu de cas où on assure les arbres », admet Jonathan Dubois, d’AMR Assurances. « On n’assure pas la forêt contre les dommages », confirme Stéphane Bibeau, d’Estrie-Richelieu. « La première raison, ajoute l’assureur, c’est qu’il n’y a pas de demande pour ça. »

Ici, les assureurs couvrent les dommages causés aux bâtiments et aux actifs dont la valeur est facile à quantifier, comme la tubulure d’une érablière. Un arbre tombe sur votre cabane à sucre? L’assurance vous protège. Idem pour votre chalet ravagé par un incendie ou écrasé sous le poids de la glace ou de la neige. Quant aux arbres rasés par un incendie ou vos chemins forestiers emportés par une pluie torrentielle, non. « Combien vaut un arbre dans une forêt qui n’est pas exploitée? C’est assez difficile à quantifier », estime Stéphane Bibeau. Une fois coupé, c’est une autre paire de manches. Un mètre cube de bois rond, ça s’évalue. On sait combien il est possible d’obtenir pour lui sur le marché. « Ça devient un produit », explique Michel Auger, d’AGMA Assurances.

André Roy est président du Syndicat des Producteurs forestiers du Sud du Québec

« Quand on est actif, n’importe quel accident peut dégénérer », rappelle André Roy, président du Syndicat des Producteurs forestiers du Sud du Québec qui couvre les régions de l’Estrie et de la Montérégie. « Si vous causez un incendie en forêt, c’est bon d’être assuré parce que ça couvre aussi les voisins », précise le producteur forestier qui bûche de 8 à 10 voyages de bois par année sur sa terre de 174 hectares située à Sainte-Praxède, à environ 90 km au nord-est de Sherbrooke.

Encore une fois, la nature de vos activités en forêt déterminera si votre assurance habitation vous protège ou non en cas d’accident. Mais peu importe votre situation, l’assurance responsabilité s’impose, soutient Yanick Thibault, de La Turquoise. « Un arbre peut tomber sur un visiteur. Une tempête de vent peut transporter de lourdes branches chez un voisin et endommager son bien », illustre le courtier. « J’ai vu une situation où un feu déclenché par la foudre s’est propagé chez l’exploitant d’une pourvoirie voisine. Le bien du pourvoyeur a été endommagé. C’est l’assurance responsabilité qui a couvert les coûts de l’accident », raconte Yanick Thibault.

Les dommages causés à l’environnement doivent aussi être pris au sérieux par les propriétaires de boisé, croit Yanick Thibault. « Les lots sont situés au cœur d’écosystèmes reliés à d’autres écosystèmes », rappelle le courtier de Mont-Laurier. « Imaginez que vous tombez dans un ruisseau avec votre machinerie, et qu’il y a un déversement d’huile qui pollue le cours d’eau qui se jette dans une rivière », dit-il. « C’est le genre de chose qui peut arriver », signale le courtier.

Yanick Thibault est directeur principal du développement en assurance des entreprises à La Turquoise, cabinet en assurance de dommages et services financiers.
Contrairement à la France, les arbres ne sont pas assurés au Québec

UN EXEMPLE VENU DE FRANCE

Si les arbres debout ne sont pas assurés au Québec, en France, oui. La Fédération des Syndicats de Producteurs Forestiers Privés de France, Fransylva, s’est associée à l’assureur Verspieren il y a quelques années pour offrir différents plans d’assurance dommages a n de protéger le patrimoine forestier de ses membres. Sylvassur couvre toutes les essences d’arbres. L’assurance peut assumer les risques liés aux incendies, aux tempêtes de vent et aux ouragans, en plus des dégâts causés par la neige. Une partie de la forêt, ou son entièreté, peut être assurée. Les primes1 varient d’une protection à l’autre. Dans le cas d’une couverture de la forêt entière, la valeur assurable varie entre 1 000 et 5 000 euros par hectare (1 400 $ à 7 750 $).

TOUJOURS RESPONSABLE

Le propriétaire d’un lot boisé demeure entièrement responsable de son bien et de ce qui s’y produit, rappelle Yanick Thibault, de La Turquoise. Si un tiers, comme une société d’aménagement, réalise des travaux dans un boisé, son propriétaire reste responsable des dommages et des accidents qui pourraient s’y produire. En cas de sinistre, le propriétaire du lot et le tiers seront mis en demeure, souligne le courtier. « L’assureur défendra le propriétaire et reviendra en subrogation contre l’assureur de la société s’il est déterminé que cette dernière a une responsabilité dans le sinistre », explique Yanick Ouellet. Il demeure aussi de l’obligation du propriétaire du lot de s’assurer que son sous-traitant dispose d’une protection adéquate pour réaliser les travaux. Dans un cas comme celui-là, c’est un peu plus compliqué, admet le courtier de Mont-Laurier. « La subrogation devient plus difficile, dit-il. L’assureur continuera ses démarches directement avec la société qui devra tout de même répondre de ses actes, sans regard de notre assuré. »

 

Article paru dans la revue Forêts de chez nous, édition de mai 2023.

Investir dans des ponceaux durables

Faut-il choisir un ponceau en plastique, en métal, en béton ou encore un ponceau à arches pour maximiser ses investissements dans des terrains forestiers tout en protégeant l’habitat des poissons? Forêts de chez nous a parlé avec des experts pour y voir plus clair.

Un ponceau ne doit pas créer une chute. Il doit suivre le lit du cours d'eau. Cette installation n'est pas conforme. Crédit photo Le Groupe Oben.

L’aménagement d’une traverse de cours d’eau exige une bonne planification et son installation doit être effectuée adéquatement afin de limiter les impacts sur l’environnement aquatique. 

Tout projet d’installation d’un ponceau doit commencer par une vérification auprès de la Municipalité afin de se conformer aux normes en vigueur. Et si le cours d’eau contient des poissons, les exigences sont beaucoup plus élevées, ajoute Marc Hauben, inspecteur de ponceaux accrédité par le ministère des Transports, de la Mobilité durable et de l’Électrification des transport qui offre ses services aux propriétaires privés et veille au respect de la réglementation environnementale des territoires fauniques et agricoles. « Quand il y a des poissons, le tuyau doit avoir une paroi ondulée pour éviter d’augmenter la vitesse du courant, dit-il. De plus, il doit être enfoncé dans le sol pour refaire le lit du cours d’eau dans le ponceau. » 

Cette installation de ponceau est hors norme, car elle réduit la taille du cours d'eau de plus de 20 %. Crédit photo Le Groupe Oben.

Les ponceaux à arches, qui protègent encore davantage la vie aquatique, sont de plus en plus recherchés. Un ponceau à arches, « c’est un ponceau multiplaques en « U » inversé avec des semelles de béton, en acier ou en bois », décrit Marc Hauben, en ajoutant que c’est la technique utilisée pour réduire l’impact au minimum dans le lit du cours d’eau. « On en voit de plus en plus, notamment dans les secteurs où l’on construit des éoliennes, mais ces ponceaux coûtent environ 50 % plus cher », dit-il, précisant que les prix devraient baisser avec l’augmentation de l’utilisation de ce type de ponceau. Tous les détails comptent quand on parle de l’habitat des poissons, car le dépôt d’une millimètre de sédiments dans une frayère peut nuire gravement aux alevins.

Photos avant et après l'installation d'un ponceau

Crédit photo Guillaume Roy
Crédit photo Guillaume Roy

Des ponceaux à arches en plastique ont, par ailleurs, fait leur apparition sur le marché. Soleno, un manufacturier de ponceaux à arches, souligne que cette solution permet le libre écoulement des eaux et la libre circulation de la faune aquatique, sans affecter le lit ou les berges et sans perturber la faune ni la flore d’un écosystème.

Quelques rappels importants

  1. Obtenir un permis de construction d’un ponceau auprès de la Municipalité.
  2. Identifier l’endroit idéal en fonction du cours d’eau.
  3. Calculer la dimension du ponceau en ayant recours à un professionnel pouvant évaluer les débits de pointe, en ne réduisant pas la largeur du cours d’eau de plus de 20% et en utilisant un tuyau d’un diamètre minimal de 17,7 pouces (45 centimètres).
  4. Ne pas travailler pendant la période de frai des poissons (au besoin, vérifier auprès du ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs).
  5. Enfouir le tuyau d’au moins 15 % pour que le lit du cours d’eau puisse se refaire.
  6. Limiter l’érosion en compactant le sol et en installant une membrane géotextile.
  7. Bien recouvrir le ponceau de matériel.
  8. Inspecter fréquemment vos ponceaux pour détecter les problèmes d’érosion ou encore la présence d’un castor.
  9. Faire appel à un expert au besoin.

Prix d’un tuyau de 24 pouces (61 centimètres)
Plastique 20 pieds (6,1 mètres) : 470 $
Galvanisé 20 pieds (6,1 mètres) : 540 $
Ciment 8 pieds (2,42 mètres) : 180 $
Ciment 20 pieds (6,1 mètres) : 650 $
(Source : Tuyaux André Jetté)

Exemple d'un ponceau en béton. Crédit photo Tuyaux André Jetté.
Exemple d'un tuyau en plastique ondulé. Crédit photo Tuyaux André Jetté.
Exemple d'un ponceau en ciment. Crédit photo Tuyaux André Jetté.
Exemple d'un tuyau en tôle ondulée galvanisée. Crédit photo Tuyaux André Jetté.

Pour une solution à plus faible coût, le ponceau en plastique est à privilégier lorsque le diamètre nécessaire est de 30 pouces (76,2 centimètres) ou moins, remarque André Jetté, propriétaire de Tuyaux André Jetté. « C’est la solution la moins chère pour de faibles diamètres, et ces produits sont garantis à vie », souligne l’homme spécialisé dans la vente de ponceaux.

Pour les diamètres de plus de 30 pouces (76,2 centimètres), c’est toutefois les ponceaux en acier qui sont les plus économiques, mais leur durée de vie est limitée à environ 25 ans, ajoute André Jetté. « Pour augmenter la durée de vie du ponceau, les clients peuvent choisir du métal aluminisé, qui dure deux fois plus longtemps, mais coûte 30 % plus cher. »

Selon Marc Hauben, il est aussi important de remblayer les infrastructures pour augmenter leur durée de vie. Il existe notamment plusieurs guides dont le Guide de saines pratiques pour éviter les erreurs courantes, comme la création d’affouillements, des tourbillons qui se créent de chaque côté à la sortie du ponceau, causant de l’érosion. « Pour éviter l’érosion, il faut bien appliquer le géotextile et s’assurer que les matériaux sont bien compactés », dit-il.

Une bonne compaction soutiendra le tuyau et évitera un effondrement hâtif, renchérit André Jetté. « Tous les ponceaux de moins de 24 pouces (60 centimètres) doivent être remblayés d’un minimum de 12 pouces (30,48 centimètres) de matériel. Pour les plus gros, ce sera davantage », ajoute-t-il.

Les structures en béton, vendues en sections de 8 pieds (2,44 mètres), peuvent aussi être utilisées pour de gros cours d’eau, mais leur installation nécessite de plus grosses machines, remarque André Jetté. Dans le doute, les propriétaires de forêts privées devraient toujours faire appel à un expert qualifié afin de maximiser leurs investissements et les pérenniser, soutient Marc Hauben.

Liens intéressants

 

Article paru dans la revue Forêts de chez nous, édition de mai 2018.

TBE : L’épidémie menace les peuplements en forêt privée

La tordeuse des bourgeons de l’épinette ne fait pas de distinction entre la forêt publique et privée. Pourtant, les moyens mis en place par le gouvernement du Québec pour lutter contre le ravageur excluent pour l’instant la forêt privée.

Les gouvernements tardent à investir dans la lutte à la tordeuse des bourgeons de l’épinette, et près de 850 000 ha de forêts privées subissent les attaques du ravageur. Crédit photo : Ressources naturelles Canada

Les superficies touchées par la tordeuse des bourgeons de l’épinette (TBE) augmentent rapidement. Le ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs (MFFP) évalue à 7 millions d’hectares les superficies infestées en 2016, une hausse de 11 % comparativement à 2015. En forêt privée, le ravageur inquiète particulièrement au Bas-Saint-Laurent et au Saguenay–Lac-Saint-Jean, où 53 % et 39 % respectivement des superficies privées sont infestées (voir le tableau 1 à la page 14). En Gaspésie et dans Chaudière-Appalaches, la présence de l’insecte se fait également sentir. Mais le déplacement de la TBE est difficile à prévoir, car plusieurs facteurs influencent sa dispersion, comme les vents dominants et les conditions climatiques au printemps et à l’automne.

À la Fédération des producteurs forestiers du Québec (FPFQ), on fait pression sur les gouvernements provincial et fédéral afin qu’ils interviennent et investissent les sommes nécessaires pour atténuer les impacts de l’épidémie en forêt privée. On estime présentement que 14 000 propriétaires subissent les conséquences de l’épidémie. Et ce n’est que le début. Il est clair que les programmes d’aide actuels ne pourront pas répondre aux besoins d’aménagement forestier. Ainsi, les producteurs de boisés privés demandent de l’aide pour offrir un encadrement technique aux propriétaires touchés, favoriser la récupération des bois dépérissants, protéger par des arrosages à l’insecticide biologique Btk les peuplements forestiers trop jeunes pour être récoltés et, finalement, reboiser les sites récoltés.

En début d’épidémie, les arbres légèrement affectés peuvent toujours être envoyés aux scieries. Par contre, au fur et à mesure que la sévérité des dommages augmente, le bois récolté ne répond plus aux critères de ces dernières. Si, dans le passé, ces arbres trouvaient preneurs chez les petites papetières aujourd’hui disparues, les producteurs forestiers se retrouvent aujourd’hui devant un défi majeur : trouver des débouchés pour leur bois. Pour éviter de récolter du bois trop endommagé, ils procèdent actuellement à de la prérécupération.

Un décompte des larves de tordeuse est effectué pour évaluer l’efficacité des arrosages. Crédit photo : GDG Environnement

DES ACTIONS CONCERTÉES

La www.foretprivee.ca et le Regroupement des sociétés d’aménagement forestier du Québec (RESAM) ont mis sur pied une cellule d’urgence sur la gestion de l’épidémie de la TBE en forêt privée. En effet, l’épidémie est considérée comme une crise majeure dont les impacts négatifs seront fort importants pour tout le secteur de la forêt privée. La cellule vise à faire circuler les informations et à appuyer les régions dans leurs efforts pour atténuer les impacts de l’épidémie.

Des initiatives régionales

Au Bas-Saint-Laurent, la TBE a fait son apparition en 2012. Aujourd’hui, un peu plus de la moitié des superficies de la forêt privée est affectée d’une défoliation légère, modérée ou grave. Le dernier relevé aérien réalisé par le MFFP a permis de constater que les superficies gravement atteintes sont en recul. De 2015 à 2016, le pourcentage de défoliation grave est passé de 22 % à 12 % et la défoliation légère de 25 % à 59 %. « Cela donne un répit aux arbres », mentionne Martin Lepage, directeur des services forestiers à l’Agence régionale de mise en valeur des forêts privées du Bas-Saint-Laurent. En fait, la mortalité des arbres survient lorsque la sévérité de la défoliation est importante et récurrente. Ainsi, la diminution de l’intensité de la défoliation donne un temps supplémentaire pour étaler la récolte. L’Agence développe actuellement un plan d’intervention pour les 10 prochaines années. « On souhaite pouvoir améliorer notre façon d’anticiper l’épidémie et croiser les informations afin de minimiser les pertes de bois dans le temps », explique Martin Lepage. Cela permettrait de déterminer la fenêtre optimale pour récolter tout en minimisant les pertes. « Présentement, le plan d’intervention vise les superficies matures. Leurs récoltes seront moins étalées dans le temps. Par contre, pour les plantations plus jeunes, on intervient seulement en cas de force majeure, lorsque la mortalité est imminente. C’est notre réservoir de bois pour les 20 ou 30 prochaines années », indique Martin Lepage. L’Agence commence aussi à documenter les plantations d’âge intermédiaire (de 20 à 35 ans). « Ces peuplements sont intéressants pour la TBE, mais les chercheurs affirment que ces arbres devraient être en mesure de résister. Nous, on veut documenter le phénomène », précise Martin Lepage.

Et l’arrosage comme solution? « Ce serait un outil supplémentaire intéressant qui pourrait permettre d’étaler encore davantage la récolte. Cependant, la forêt privée est très morcelée et compte de nombreux propriétaires. La coordination ne serait pas si facile », ajoute-t-il.

Au Syndicat de producteurs de bois de la Côte-du-Sud, l’ingénieur forestier Vincent Lévesque précise que la TBE commence à peine à faire son arrivée sur le territoire, mais ajoute que ce n’est qu’une question de temps avant que les vents l’amènent dans la région la saison prochaine. Pour mieux faire face à l’éventuelle attaque de la TBE, le secteur tente de s’organiser. Ainsi, trois syndicats de producteurs – Québec, Beauce et Côte-du-Sud – et deux agences de mise en valeur de la Chaudière et des Appalaches développent actuellement un plan de caractérisation de la vulnérabilité des peuplements forestiers et des investissements sylvicoles à protéger.

« On souhaite devancer l’épidémie et récupérer les peuplements les plus vulnérables », mentionne Vincent Lévesque. En cartographiant les boisés les plus vulnérables et en évaluant les volumes de bois menacés, on pourrait indiquer aux propriétaires forestiers où commencer la récolte avant que des dommages trop importants ne soient causés. Du financement pour l’organisation d’activités de transfert de connaissances, notamment des journées d’information sur les méthodes d’aménagement en période d’épidémie, a été obtenu.

Équipée d’une flotte aérienne spécialisée en épandage, GDG Environnement a réalisé un projet-pilote d’arrosage d’insecticide biologique Btk chez 83 propriétaires de forêts privées au Saguenay-Lac-Saint-Jean. Crédit photo : GDG Environnement

DES ÉPANDAGES EN FORÊT PRIVÉE

Au Saguenay–Lac-Saint-Jean, un projet pilote d’arrosage à l’insecticide biologique Btk a été réalisé sur 1100 hectares. En effet, la TBE progresse dans la région et 39 % de la superficie des forêts privées est touchée à divers degrés. « Exceptionnellement, nous avons procédé à des coupes de peuplements âgés de 30 à 35 ans afin de récupérer le bois en perdition », indique Martin Lavoie, directeur général des agences de mise en valeur des forêts privées du Saguenay et du Lac-Saint-Jean. Ainsi, les acteurs de la région, le Syndicat des producteurs de bois du Saguenay–Lac-Saint-Jean, les agences de mise en valeur des forêts privées et les sociétés sylvicoles de Mistassini, Saguenay et Chambord, se sont mobilisés pour lancer un projet pilote d’arrosage. En tout, 83 producteurs forestiers privés ont participé au projet. Les peuplements choisis sont ceux ayant été traités en éclaircie précommerciale et les plantations de 20 à 35 ans souffrant de défoliation sévère. « Les parcelles identifiées ont toutes été validées sur le terrain et le propriétaire devait démontrer un intérêt et s’engager à assumer 50 % des coûts », précise Martin Lavoie.

La réalisation du projet a été confiée à GDG Environnement, un centre d’expertise multidisciplinaire regroupant entre autres des biologistes et des entomologistes. « Nous avons développé différents protocoles de suivi et des stations témoins pour le sapin baumier et l’épinette blanche », souligne Richard Vadeboncoeur, responsable du contrôle de la TBE à GDG Environnement. Le projet s’est déroulé du 3 au 18 juin à des stades précis de développement des larves de la TBE et des bourgeons de l’arbre. Dans cette courte fenêtre d’intervention, deux applications de Btk ont été réalisées à 5-7 jours d’intervalle. Le pourcentage de défoliation des parcelles témoins a atteint 80 à 100 % et celui des parcelles traitées, 10 à 12 %. « L’application de Btk permet vraiment de sauver des arbres », indique Richard Vadeboncoeur.

Article paru dans le Forêts de chez nous, édition de novembre 2016.

Épidémie de la tordeuse des bourgeons de l’épinette

Une importante épidémie de la tordeuse des bourgeons de l’épinette est en cours au Québec. Il s’agit de l’insecte le plus destructeur des peuplements de conifères en Amérique du Nord.

Bien que cet insecte fasse partie du cycle naturel de la régénération de la forêt, les propriétaires voulant limiter le dépérissement de leur boisé peuvent se préparer et agir pour atténuer les impacts.

La mortalité des arbres dans un peuplement réduit les revenus par la perte de volume de bois et la diminution de la productivité des travailleurs. De plus, une quantité importante d’arbres morts peut augmenter les risques d’incendie forestier, nuire aux activités récréatives et entraver les activités de reboisement nécessaires lorsque la régénération naturelle est déficiente.

Les sections suivantes présentent les informations essentielles à la gestion d’un lot boisé en période d’épidémie.

tordeuse_suivi_epidemie_foret_privee_fpfqtordeuse_carte_foret_privee_www.foretprivee.catordeuse_me-preparer-a-l'epidemie_foret_privee_www.foretprivee.catordeuse_papillon_foret_privee_www.foretprivee.catordeuse_travaux_sylvicoles_foret_privee_www.foretprivee.catordeuse_protection_foret_privee_www.foretprivee.catordeuse_reboisement_foret_privee_www.foretprivee.ca

Crédit photo: Ressources naturelles Canada et Société de protection des forêts contre les insectes et maladies

À lire aussi:
Infolettre 2017-10-01 – Tordeuse des bourgeons de l’épinette : la forêt privée durement affectée

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