Guide de gestion sur le nerprun bourdaine pour les propriétaires forestiers

L’Agence de mise en valeur de la forêt privée de l’Estrie a publié le Guide de gestion sur le nerprun bourdaine pour les propriétaires forestiers. Le nerprun bourdaine est une plante exotique envahissante qui menace la biodiversité et la succession naturelle des forêts.

Ce guide se veut un outil de référence sur le nerprun bourdaine et il s’adresse principalement aux propriétaires forestiers. Toutefois, les municipalités et les organismes dédiés aux milieux naturels y puiseront des informations précieuses adaptées à leurs enjeux d’envahissement. En plus de faire part de l’identification de la plante et de sa stratégie d’envahissement, le guide propose des méthodes de lutte et émet des directives sur les pratiques sylvicoles en présence de la plante.

Le nerprun bourdaine: un envahisseur exotique qui menace l’établissement des plantations

Le nerprun bourdaine (Rhamnus frangula ou Frangula alnus) est un arbuste exotique envahissant, bien connu dans l’est des États-Unis depuis quelques décennies. Par ses effets documentés sur la flore et les sols, il menace la biodiversité des écosystèmes forestiers. De plus en plus, le nerprun pose aussi des problèmes aux sylviculteurs du sud du Québec, notamment dans les jeunes plantations. Sa croissance très vigoureuse en pleine lumière, pouvant atteindre deux mètres par année, en fait une espèce concurrente particulièrement agressive.

Nerprun bourdaine
Nerprun bourdaine

Description et historique

Le nerprun bourdaine est un arbuste de la famille des rhamnacées, originaire d’Eurasie, où il était utilisé dans la production de poudre à canon et en médecine douce comme laxatif. Ce petit arbre et son cousin, le nerprun cathartique (Rhamnus cathartica), ont été introduits en Amérique du Nord à la fin du XIXe siècle, comme plantes ornementales dans les haies brise-vent. Depuis, les deux espèces ont graduellement colonisé le continent, notamment le nord-est des États-Unis. Elles s’installent sur une large gamme de stations et de textures de sols. Le nerprun bourdaine préfère les stations plus humides et les sols plus acides que le nerprun cathartique, mais il peut aussi croître sur des sols secs.

Le nerprun bourdaine peut atteindre la taille d’un arbre, avec un diamètre allant jusqu’à 15 cm mesuré à 1,30 m de hauteur. Son écorce brune porte de nombreuses lenticelles jaunes, rappelant certaines espèces d’aulnes. Ses feuilles sont généralement très lustrées et d’un vert clair sur leur face supérieure. Contrairement à celles du nerprun cathartique, les feuilles du nerprun bourdaine ne sont pas dentelées et comportent des nervures parallèles. À l’automne, elles deviennent jaune clair, puis rouges.

Une reproduction efficace

La période de floraison et de fructification du nerprun bourdaine s’étale sur plusieurs mois, une caractéristique de plusieurs plantes envahissantes. Les fruits contiennent de 2 à 3 graines, et chaque individu peut porter de 430 à plus de 1 800 fruits. Les oiseaux, notamment l’étourneau sansonnet (Sturnus vulgaris), agissent comme agents de dispersion. Les graines peuvent rester en dormance au moins trois ans et former une banque souterraine. Lorsqu’il est coupé, le nerprun bourdaine peut également produire une grande quantité de rejets de souche.

L’ouverture du couvert forestier favorise l’envahissement

Même si le nerprun bourdaine constitue une plante semi-tolérante à l’ombre, qui peut s’installer et croître en milieu fermé, sa vigueur est reliée à la disponibilité de la lumière. En milieu ouvert et lorsque le sol est exposé, il forme rapidement des bosquets denses et pro+te de la lumière ambiante pour croître en largeur et occuper la majeure partie de l’étage arbustif. De plus, la saison de croissance de cette plante est très longue; les feuilles apparaissent tôt au printemps, bien avant les espèces indigènes, et leur sénescence survient tard en automne, après celle des autres espèces. La présence du nerprun diminue fortement la quantité de lumière disponible pour la croissance des semis d’espèces feuillues comme l’érable à sucre (Acer saccharum), l’érable rouge (Acer rubrum) et le frêne blanc (Fraxinus americana). Dans certains milieux envahis, le nerprun peut représenter plus de 90 % de la biomasse présente. De plus, comme il n’a pas de préférence particulière pour un type de peuplements forestiers, il colonise tout aussi facilement les forêts feuillues, mixtes ou résineuses, et même les tourbières.

Territoires où les résultats s'appliquent
Territoires où les résultats s'appliquent

Moyens de contrôle

Plusieurs moyens de contrôle ont été testés aux États-Unis, dans les États aux prises avec cet envahisseur. Pour traiter une petite superficie, l’arrachage manuel s’avère peu coûteux et efficace, pourvu que les individus disposent d’un diamètre à la souche de moins de 1 cm. S’ils affichent un plus fort diamètre (de 1 à 5 cm), ils peuvent être arrachés à l’aide d’un appareil manuel. Le dégagement mécanisé à la débroussailleuse est inefficace pour le nerprun bourdaine, car il faut parfois jusqu’à quatre dégagements par saison pour obtenir des résultats. À l’heure actuelle, l’application d’herbicides en automne lorsque les autres plantes se trouvent en dormance constitue la méthode la plus efficace pour traiter une grande surface. Quelques produits peuvent traiter le nerprun, notamment le glyphosate.

Que faire dans un contexte où l’on ne peut utiliser d’herbicides?

Depuis 2001, l’emploi de phytocides est banni dans les forêts publiques du Québec. Afin de développer des méthodes de rechange pour la maîtrise du nerprun dans les plantations forestières, la Direction de la recherche forestière a installé un dispositif expérimental en Estrie, une région où le nerprun s’avère déjà bien présent. Nous y testons des traitements mécanisés de préparation du sol, dans le but de limiter l’expansion du nerprun lors de l’établissement des plantations. Quatre traitements de préparation de terrain ont été appliqués en 2012, dans des coupes forestières récentes envahies par le nerprun bourdaine :

  • 1
    La mise en andains, qui sert de témoin;
  • 2
    La herse forestière;
  • 3
    Le broyeur forestier;
  • 4
    L’application d’un herbicide.

L’été suivant, en 2013, nous avons mis en terre des plants de fortes dimensions d’épinettes blanches (Picea glauca). La survie, la croissance et la physiologie de l’épinette blanche seront mesurées après trois ans pour vérifier l’effet compétitif du nerprun sur les arbres mis en terre. Des inventaires annuels de végétation seront aussi réalisés pour suivre l’évolution du couvert de nerprun dans chacun des traitements.

Pour en savoir plus…
. CATLING, P.M., et Z.S. POREBSKI. The History of Invasion and Current Status of Glossy Buckthorn, Rhamnus frangula, in Southern Ontario, Canadian Field-Naturalist, no 108, 1994, p. 305-310.
. GODWIN, H. Frangula Alnus Miller, Journal of Ecology, no 31, 1943, p.77-92.

Remerciements
La Direction de la recherche forestière (DRF) du ministère des Ressources naturelles remercie Mario Dionne, de l’Agence de mise en valeur de la forêt privée de l’Estrie, pour sa collaboration et son implication dans l’établissement du dispositif expérimental présenté dans cet Avis de recherche.

Les informations de cet article sont issues d’une publication de la DRF du ministère des Ressources naturelles.

Vous pouvez joindre la DRF par téléphone : 418 643-7994 ou par courriel :  recherche.forestiere@mrn.gouv.qc.ca

Article paru dans le Forêts de chez nous de mai 2014.

Espèces exotiques envahissantes: des ennemies parmi nous

Qu’ont en commun l’horticulture, le transport du bois de chauffage et le commerce de marchandises ? Ils représentent tous des voies d’entrée pour les espèces exotiques envahissantes (EEE), une réalité préoccupante et coûteuse à plusieurs égards.

Un nombre sans cesse grandissant d’EEE menace les écosystèmes forestiers. Si les échanges commerciaux entre pays favorisent leur introduction, une multitude d’autres vecteurs sont responsables des problèmes qu’ils causent. Insectes, maladies, plantes : les espèces envahissantes constituent, après la perte d’habitat, le plus important danger pour la biodiversité. Sans compter que leur lutte peut s’avérer très onéreuse.

« Certaines espèces envahissantes vont déplacer les communautés de végétaux indigènes et nuire à la régénération forestière, atteste Romy Jacob-Racine, agente de projets chez Nature-Action Québec. Il faut savoir que chaque plante a une biologie et une façon de s’implanter différentes, d’où la nécessité de bien connaître les EEE et leurs moyens de dispersion. La prévention, combinée à une action rapide et adéquate, peut permettre d’économiser beaucoup d’argent. »

Des exemples de désastres

Les scientifiques du Service canadien des forêts estiment que le Canada a connu, depuis 1882, plus de 80 introductions d’insectes ou de maladies exotiques, dont plusieurs se sont avérées très dommageables pour les forêts canadiennes. Un exemple bien connu est certainement celui de la maladie hollandaise de l’orme, qui, uniquement au Québec, a mené à la destruction ou à l’abattage de 600 000 arbres entre 1945 et 1965.

Actuellement, l’agrile du frêne – qui constitue une menace pour tous les individus appartenant à cette espèce –, la renouée du Japon, considérée comme une véritable peste végétale, et la berce du Caucase, qui provoque de graves réactions cutanées semblables à des brûlures, sévissent et font régulièrement la manchette. Le nerprun bourdaine, un arbuste exotique qui nuit à la régénération forestière, engendre également de graves problèmes pour les propriétaires de boisés.

Le cas du nerprun bourdaine

De plus en plus, le nerprun cause des maux de tête aux sylviculteurs du sud du Québec, en particulier dans les jeunes plantations. Originaire d’Eurasie, l’espèce a été introduite en Amérique du Nord à la fin du XIXe siècle comme plante ornementale les haies brise-vent. Sa présence diminue fortement la quantité de lumière disponible pour la croissance des semis de feuillus, tels que l’érable à sucre, l’érable rouge ou le frêne blanc.

« Le nerprun bourdaine s’installe en sous-bois dans tous les types de peuplements. Plus fréquent dans les forêts qui sont issues de terres agricoles abandonnées, il finit par prendre toute la place. S’il n’existe pas d’outils pour en limiter l’expansion de façon efficace  présentement, il est important que la recherche se poursuive », intervient le directeur général d’Aménagement forestier et agricole des Sommets inc., Sylvain Rajotte.

Actions gouvernementales

Le gouvernement provincial a récemment lancé un programme d’aide géré par la Fondation de la faune du Québec. Le Programme pour la lutte contre les plantes exotiques envahissantes offre un appui financier aux initiatives visant à réduire ces menaces et leurs impacts sur la biodiversité et l’intégrité des milieux naturels du Québec.

De son côté, le gouvernement fédéral a mis sur pied une Stratégie nationale sur les espèces exotiques envahissantes basée sur la prévention, la détection précoce, l’intervention rapide et l’éradication, le confinement et le contrôle des EEE qui réussiraient malgré tout à s’introduire au pays.

Nerprun bourdaine
Nerprun bourdaine
Renouée du Japon Crédit : Romy Jacob-Racine
Renouée du Japon - Crédit : Romy Jacob-Racine

Qu’est-ce qu’une espèces exotique envahissante?

Une espèce exotique envahissante (EEE) est un végétal, un animal ou un micro-organisme (virus, bactérie ou champignon) qui est introduit hors de son aire de répartition naturelle. Son établissement ou sa propagation peut constituer une menace pour l’environnement, l’économie ou la société.

Source : MELCC

Un outil de détection

Composé d’une application mobile et d’un système cartographique accessible sur le Web, l’outil de détection Sentinelle a été mis au point par le ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques (MELCC). Celui-ci permet de faire et de consulter les signalements des plantes et des animaux exotiques envahissants les plus préoccupants et rend disponible un guide basé sur les principaux critères permettant d’identifier les EEE suivies.

Que faire pour éviter la propagation?

• Privilégier l’achat local de bois de chauffage et éviter de le transporter sur de grandes distances. Des espèces très nuisibles à la santé de nos forêts pourraient s’y cacher.
• Végétaliser les sols laissés à nu par des espèces non envahissantes ou par des plantes indigènes du Québec.
• Localiser les espèces envahissantes sur les sites avant d’effectuer des travaux et s’assurer de bien planifier les interventions pour
contrôler leur progression.
• Éviter de composter et de jeter les EEE dans la nature, car elles pourraient survivre, produire de nouvelles pousses et se propager.
• Inspecter et nettoyer ses souliers ou ses bottes, son équipement et son véhicule après chaque sortie. Jeter la terre, la boue, les plantes et les autres organismes visibles aux ordures.
• Effectuer un suivi durant plusieurs années pour éliminer les espèces nuisibles susceptibles de s’établir.
• Rester informé et se faire accompagner au besoin par des spécialistes dans toute démarche.

Source : MELCC

Article paru dans la revue Forêts de chez nous, édition mai 2019.

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