Qu’ont en commun l’horticulture, le transport du bois de chauffage et le commerce de marchandises ? Ils représentent tous des voies d’entrée pour les espèces exotiques envahissantes (EEE), une réalité préoccupante et coûteuse à plusieurs égards.
Un nombre sans cesse grandissant d’EEE menace les écosystèmes forestiers. Si les échanges commerciaux entre pays favorisent leur introduction, une multitude d’autres vecteurs sont responsables des problèmes qu’ils causent. Insectes, maladies, plantes : les espèces envahissantes constituent, après la perte d’habitat, le plus important danger pour la biodiversité. Sans compter que leur lutte peut s’avérer très onéreuse.
« Certaines espèces envahissantes vont déplacer les communautés de végétaux indigènes et nuire à la régénération forestière, atteste Romy Jacob-Racine, agente de projets chez Nature-Action Québec. Il faut savoir que chaque plante a une biologie et une façon de s’implanter différentes, d’où la nécessité de bien connaître les EEE et leurs moyens de dispersion. La prévention, combinée à une action rapide et adéquate, peut permettre d’économiser beaucoup d’argent. »
Des exemples de désastres
Les scientifiques du Service canadien des forêts estiment que le Canada a connu, depuis 1882, plus de 80 introductions d’insectes ou de maladies exotiques, dont plusieurs se sont avérées très dommageables pour les forêts canadiennes. Un exemple bien connu est certainement celui de la maladie hollandaise de l’orme, qui, uniquement au Québec, a mené à la destruction ou à l’abattage de 600 000 arbres entre 1945 et 1965.
Actuellement, l’agrile du frêne – qui constitue une menace pour tous les individus appartenant à cette espèce –, la renouée du Japon, considérée comme une véritable peste végétale, et la berce du Caucase, qui provoque de graves réactions cutanées semblables à des brûlures, sévissent et font régulièrement la manchette. Le nerprun bourdaine, un arbuste exotique qui nuit à la régénération forestière, engendre également de graves problèmes pour les propriétaires de boisés.
Le cas du nerprun bourdaine
De plus en plus, le nerprun cause des maux de tête aux sylviculteurs du sud du Québec, en particulier dans les jeunes plantations. Originaire d’Eurasie, l’espèce a été introduite en Amérique du Nord à la fin du XIXe siècle comme plante ornementale les haies brise-vent. Sa présence diminue fortement la quantité de lumière disponible pour la croissance des semis de feuillus, tels que l’érable à sucre, l’érable rouge ou le frêne blanc.
« Le nerprun bourdaine s’installe en sous-bois dans tous les types de peuplements. Plus fréquent dans les forêts qui sont issues de terres agricoles abandonnées, il finit par prendre toute la place. S’il n’existe pas d’outils pour en limiter l’expansion de façon efficace présentement, il est important que la recherche se poursuive », intervient le directeur général d’Aménagement forestier et agricole des Sommets inc., Sylvain Rajotte.
Actions gouvernementales
Le gouvernement provincial a récemment lancé un programme d’aide géré par la Fondation de la faune du Québec. Le Programme pour la lutte contre les plantes exotiques envahissantes offre un appui financier aux initiatives visant à réduire ces menaces et leurs impacts sur la biodiversité et l’intégrité des milieux naturels du Québec.
De son côté, le gouvernement fédéral a mis sur pied une Stratégie nationale sur les espèces exotiques envahissantes basée sur la prévention, la détection précoce, l’intervention rapide et l’éradication, le confinement et le contrôle des EEE qui réussiraient malgré tout à s’introduire au pays.