Le 3 avril 1970, des syndicats régionaux de producteurs forestiers se sont réunis à Lévis pour former une fédération provinciale. Ses fondateurs, dont mon père Henri-Paul, ont misé sur ce regroupement pour assurer une coordination entre ses membres, fournir une assistance technique aux syndicats régionaux et accroître la voix des producteurs forestiers sur la scène provinciale. On comptait alors 10 syndicats et 5 offices, administrant 26 plans conjoints de producteurs de bois.
L’examen du travail des 50 dernières années montre que la principale raison justifiant notre action collective est toujours d’actualité, même si les propriétaires forestiers et leur environnement institutionnel ont bien changé au cours des années.
Le bilan est appréciable lorsqu’on considère le régime graduellement mis sur pied par le gouvernement pour soutenir la protection et la mise en valeur des potentiels des forêts privées québécoises. Les gains ont été nombreux et significatifs, même s’ils étaient souvent obtenus suivant des décennies de représentations ou sous l’effet d’une crise.
À l’époque, les producteurs réalisaient à forte majorité leurs travaux sylvicoles, à la scie à chaîne, sans soutien financier gouvernemental. Mis à part les syndicats de producteurs forestiers, les usines de pâtes et papiers, et le ministère des Terres et Forêts, peu d’organismes se souciaient de la gestion des forêts privées. Le droit de propriété l’emportait encore sur les demandes sociétales et les réglementations environnementales n’étaient pas encore à l’ordre du jour.
Au fil des ans, les producteurs forestiers ont revendiqué et initié de multiples mesures pour soutenir leurs projets individuels ou collectifs. Il suffit de lire les vieux rapports annuels de la FPFQ pour constater l’énorme travail de consultation des producteurs forestiers qui a mené à la formulation des recommandations pour établir le régime que nous connaissons aujourd’hui. Notre organisation était au centre des débats et doit continuer de l’être si nous voulons que les politiques gouvernementales soient incarnées dans la réalité des gens vivant dans nos communautés rurales.
Parallèlement, le mécanisme pour commercialiser le bois des forêts privées demeure inachevé, d’autant plus que les déséquilibres sur les marchés demeurent. Les réglementations de plans conjoints ont démontré leur performance dans d’autres productions agricoles, au bénéfice des producteurs, de l’industrie de la transformation, des communautés rurales et des gouvernements. Ce parachèvement passe logiquement par l’élargissement de la portée de nos réglementations régionales pour couvrir l’ensemble des bois récoltés en forêt privée et une amélioration de notre performance à les appliquer, en collaboration avec les groupements forestiers et les entrepreneurs forestiers.
Nous avons aussi assisté à la multiplication des organisations s’intéressant à la gestion du territoire forestier privé, mettant à mal le droit de propriété pour tenir compte des exigences sociétales. Cela s’est traduit par une multiplication des réglementations afin de conserver la biodiversité, protéger les paysages agroforestiers et maintenir la qualité des bassins versants des cours d’eau. Encore ici, le travail de la FPFQ a permis, d’une part, de défendre le droit de propriété en proposant des mesures raisonnables, et d’autre part, de sensibiliser les producteurs forestiers et les entrepreneurs de récolte aux saines pratiques d’intervention à adopter sur le territoire forestier privé.
Tous ces dossiers avaient en commun de placer la FPFQ comme un relais de communication entre l’État, la société civile, incluant l’industrie forestière, et les dizaines de milliers de propriétaires et producteurs forestiers de toutes les régions du Québec.
En cette année d’anniversaire, j’espère que le plus grand nombre reconnaîtra ce rôle et ces réalisations.
Pierre-Maurice Gagnon
Producteur et président de la Fédération des producteurs forestiers du Québec
Éditorial paru dans la revue Forêts de chez nous, édition de mai 2020.