En décembre 2023, le gouvernement du Québec nous a donné un coup de massue en adoptant le projet de loi 39 sur la fiscalité municipale. Tel un faiseur de veuve[1], cette législation est apparue du ciel pour s’abattre sur notre tête à un moment inattendu.

Le gouvernement a d’abord aboli à tout jamais la possibilité pour un propriétaire d’obtenir une indemnité pour expropriation déguisée advenant l’introduction d’une règlementation protégeant des milieux humides et hydriques ou des boisés à valeur écologique importante. Pour ainsi dire, nous pourrons être à la merci des municipalités désirant protéger nos boisés en nous empêchant de les aménager, et ce, sans avoir le droit d’être compensés.

Cette pilule était passablement dure à avaler, mais ça ne s’arrête pas là. En commission parlementaire, les députés ont eu l’idée de quintupler le montant des amendes en cas d’infraction à un règlement d’abattage d’arbres afin de couper court aux ambitions des développeurs immobiliers qui faisaient fi de la protection du couvert forestier en milieu périurbain. Un geste certes louable, mais réalisé sans consultation.

Une simple étude d’impact aurait permis aux députés de conclure que les amendes constituent un risque collatéral excessif pour quiconque réalise des activités en forêt privée. Une comparaison avec le montant nettement inférieur des amendes prévues en forêt publique aussi.

Pouvant culminer à 1 000 $ par arbre ou 100 000 $ par hectare, les amendes proposées ne reflètent pas le niveau de risque de l’activité forestière puisqu’elles surpassent de loin la valeur des bois récoltés, et même la valeur foncière des terres forestières où ils poussent. Comment a-t-on pu associer le déboisement illégal au travail des producteurs qui cultivent leurs forêts de manière durable et pérenne?

Soyons clair. Je condamne toute forme d’abattage illégal. En revanche, je m’explique mal comment des erreurs humaines ou d’interprétation des règlements pourraient mener à des faillites. D’autant plus que nous dénonçons depuis belle lurette la complexification de la réglementation au détriment des citoyens et des employés municipaux chargés de leur application.

Votre fédération est à pied d’œuvre pour régler d’urgence cette situation. Au moment de publier ces lignes, une rencontre doit avoir eu lieu avec le ministère des Affaires municipales.

Vous conviendrez qu’il faut une fois pour toute régler la confusion qui règne en mettant la hache dans les dispositions sur l’abattage d’arbre. Pourquoi ne pas départager le régime réglementaire lié aux activités forestières de celui visant le déboisement pour fins d’artificialisation de milieux naturels? Une telle modification permettrait d’adopter un régime de sanction correspondant à la fois aux réalités urbaines et rurales, et donc adapté au niveau de risque de l’activité correspondante.

[1] Le terme faiseur de veuve fait référence aux arbres morts et chicots qui se brisent dans les airs lorsque l’on tente de les abattre et qui mettent en danger la vie des bûcherons lorsque la partie aérienne s’affaisse au sol.

Gaétan Boudreault
Producteur et président de la Fédération des producteurs forestiers du Québec

Éditorial paru dans la revue Forêts de chez nous, édition de février 2024.