Le ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs (MFFP) a dévoilé à la toute fin de 2020 une Stratégie nationale de production de bois qui vise à faire fructifier la valeur des forêts québécoises. L’objectif poursuivi est d’accroître la richesse collective tout en contribuant activement à la lutte contre les changements climatiques.

Je me réjouis de constater que les producteurs forestiers sont aux premières loges de cette stratégie puisqu’un axe entier leur est dédié. En priorisant l’accroissement de la production et de la récolte de bois en forêt privée, le MFFP envoie le message clair aux producteurs forestiers qu’il compte sur leur apport pour faire de cette stratégie un succès.

Dès lors, il faudra que le MFFP prévoie des mesures d’aide concrètes pour soutenir davantage de propriétaires forestiers à réaliser plus de travaux sylvicoles. Pourquoi alors ne pas profiter de l’occasion pour procéder à la simplification de la mesure de remboursement de taxes foncières des producteurs forestiers? Voilà une façon simple d’accroître la capacité des producteurs forestiers à réaliser des investissements sylvicoles dans leurs forêts et ainsi contribuer de manière pérenne au succès de cette stratégie.

Bien entendu, la vigilance sera de mise pour s’assurer que les hausses de récolte également prévues en forêt publique ne viennent pas éroder les parts de marché des producteurs forestiers. Les producteurs nécessitent un accès prévisible aux marchés, sans quoi ils ne pourront produire plus.

Espérons que l’appétit des forestières pour le bois des forêts privées sera à l’image des ambitions du MFFP que nous partageons. Des volumes de bois importants sont déjà disponibles dans de nombreuses régions, mais ne sont pas mobilisés, faute de marchés. Je pense immédiatement à l’hécatombe qui sévit chez mes collègues des régions des Laurentides et de l’Outaouais depuis la fermeture inopportune de Fortress il y a plus d’un an déjà. La déstructuration des marchés se solde toujours par une démobilisation des producteurs qui y perdent leur gagne-pain. Après tout, pourquoi produirait-on plus de bois si nous ne pouvons le récolter et le vendre à un juste prix à l’industrie forestière?

La Politique d’intégration du bois dans la construction dévoilée simultanément par le gouvernement se veut une réponse partielle à cet enjeu puisqu’elle a pour objectif de stimuler la demande pour les produits de construction en bois. Toutefois, cela élude la problématique du marché du bois à pâte qui ne cesse de péricliter depuis une trentaine d’années. La sous-mobilisation de ces volumes de trituration dans de nombreuses régions heurte la capacité des producteurs à récolter plus et mieux. En ce sens, la réouverture officielle de l’usine de panneaux de Chambord viendra combler les attentes de bon nombre de producteurs. Cependant, je souhaite que l’ensemble des producteurs forestiers du Québec puisse aussi bénéficier de tels investissements structurants pour la filière.

En terminant, je demeure sensible aux inquiétudes de mes confrères acériculteurs qui craignent que la stratégie gouvernementale ne vienne mettre en danger le potentiel acéricole de nos forêts publiques. Après tout, 18 % de la production acéricole s’effectue actuellement sur cette tenure et un peu plus de la moitié du potentiel de développement s’y retrouve. Il serait évidemment regrettable que les acériculteurs fassent les frais des forestiers, alors qu’il s’agit en fait des mêmes producteurs. L’expérience nous montre que les producteurs qui ont su tirer parti des multiples ressources de leurs boisés sont souvent ceux qui s’en sont tirés le mieux.

Pierre-Maurice Gagnon
Producteur et président de la Fédération des producteurs forestiers du Québec

Éditorial paru dans la revue Forêts de chez nous, édition de février 2021.