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Les 134 000 propriétaires forestiers et leurs familles doivent s’inquiéter de la perte progressive et rapide de l’espace médiatique qui est consacré aux enjeux des milieux ruraux. C’est près de 19 % de la population québécoise qui vit aujourd’hui dans des municipalités de moins de 1 000 habitants, soit plus de 1,5 million de personnes. Leur réalité est différente de celle des milieux urbains; la densité d’occupation du territoire est plus faible, les services de proximité moins présents et les voisins plus éloignés physiquement.

Pour les habitants des milieux ruraux, les médias régionaux demeurent LA façon la plus efficace pour informer, contrer le sentiment d’isolement, et surtout avoir l’information la plus transparente. Or, avec la fermeture ou les fusions de plusieurs journaux locaux, il devient de plus en plus difficile d’être bien informé. Les nouvelles sont diluées, moins variées, plus centralisées. Et pour ajouter à cette perte d’espace médiatique sur des sujets qui nous concernent, on nous donne de moins en moins accès à des journalistes spécialisés. Généralistes pour la plupart, ces journalistes ont peine à s’imprégner des sujets spécifiques à la réalité rurale. On leur demande de parler de tout, en surface, on ne leur donne pas toujours le temps de se pencher sur les vrais problèmes. Les dossiers traités en profondeur sont ainsi devenus de plus en plus rares.

Cette perte d’espace médiatique rural est aussi le fruit de la « montréalisation » de l’information, mais surtout de la crise engendrée par les géants du Web qui ont vampirisé les revenus publicitaires des journaux. Faute de revenus, les médias ont dû s’ajuster. Pour sauver des coûts, on demande à un journaliste de Montréal d’écrire sur un sujet qui se déroule dans une autre région. On priorise également les événements qui se passent dans les grandes villes, à défaut d’avoir des journalistes en région. Oui, c’est une décision économique, me direz-vous. On réduit ainsi le nombre de journalistes dans les salles de presse, on évite les frais de déplacement, tout en ayant l’opportunité de reprendre un même article pour le diffuser dans d’autres journaux du même groupe médiatique.

Oui, des sujets comme l’intelligence artificielle, la création de jeux vidéo ou les Canadiens de Montréal sont l’apanage des grandes villes, mais les milieux ruraux ont aussi des sujets qui leur appartiennent, tout en étant susceptibles d’intéresser bien des urbains.

Pour informer les gens de ce qui se passe en région, il est essentiel de maintenir une couverture rurale. Pour s’en convaincre, il suffit de lire le traitement de l’actualité par les journalistes de La Terre de chez nous, des bureaux régionaux de Radio-Canada ou du Quotidien au Saguenay–Lac-Saint-Jean, le journal de ma région. Autrement, c’est la vie d’un cinquième des Québécois et Québécoises qui passe inaperçue.

Le rapport des audiences de la commission parlementaire sur l’avenir des médias d’information qui se terminaient en août dernier nous offrira, je l’espère, des recommandations pour conserver une couverture régionale.

Pierre-Maurice Gagnon
Producteur et Président de la Fédération des producteurs forestiers du Québec

Éditorial paru dans la revue Forêts de chez nous, édition de février 2020.