En 2000, l’industrie papetière nord-américaine atteignait une production record de 45,2 millions de tonnes métriques de papiers graphiques. Cette année-là, les compagnies québécoises oeuvrant dans ce secteur affichaient des revenus substantiels[1]. Abitibi-Consolidated générait des ventes de 8,1 G$ CA, Cascades 4,3 G$ CA et Domtar 5,7 G$ CA.

À la suite de l’essor des médias numériques au début des années 2000, les différentes catégories de papiers graphiques ont connu un déclin structurel colossal. À raison d’une décroissance annuelle moyenne de 4,1 % pour le papier journal et de 2,8 % pour les papiers d’impression et d’écriture, la production nord-américaine de papiers graphiques de 2019 est retombée à un niveau comparable aux années 1960.

Production de papiers graphiques en Amérique du Nord
(en millions de tonnes métriques)

En 2020, l’industrie nord-américaine des papiers graphiques a subi un double choc. D’une part, la récession mondiale a causé un ralentissement de la consommation de la plupart des biens, y compris le papier. D’autre part, un changement d’habitudes de consommation causé par l’implantation du télétravail à grande échelle et la fermeture des écoles a provoqué une diminution importante des commandes. Récemment, Produits forestiers Résolu nous apprenait que la demande mondiale pour le papier journal avait chuté de 22 % depuis le début de l’année. Le PDG ajoutait également que « la pandémie aura provoqué un certain changement progressif dans la tendance baissière à long terme de la demande ».

Cette baisse importante s’est traduite par des fermetures temporaires chez plusieurs papetières québécoises. Pour l’instant, ces arrêts ont eu peu d’impacts pour les producteurs de bois, mais cela ne saurait durer. Effectivement, ces usines demeurent essentielles au bon fonctionnement du complexe industriel forestier puisqu’elles permettent l’écoulement des copeaux produits par les scieurs.

Tout comme lors de la récession précédente, nous pourrions espérer un léger rebond de la demande de papiers lors de la fin de la récession alors que l’économie reprendra de sa vigueur. Il est toutefois difficile de déterminer quelle proportion de la demande pour les papiers graphiques reviendra une fois que les gouvernements auront levé les restrictions sanitaires. Ces nouvelles habitudes de consommation deviendront-elles permanentes? Si oui, cela signifierait une accélération de la décroissance de la demande à long terme pour les papiers d’impression.

Malgré la baisse importante de la demande du segment des papiers graphiques, certains segments du secteur forestier, comme les pâtes qui sont utilisées dans la fabrication du papier hygiénique ainsi que le carton-caisse, sont demeurés stables ou en croissance.

Grâce à l’essor du commerce en ligne, la demande de carton-caisse n’a jamais été aussi florissante. Aux États-Unis, les ventes en ligne ont littéralement explosé pendant le confinement et représentent maintenant plus de 15 % du total des ventes au détail. Si ces habitudes de consommation demeurent, la demande pour le carton-caisse pourrait fortement augmenter puisque l’achat en ligne nécessite 7 fois plus de carton-caisse que le même achat réalisé en magasin.

Qu’en est-il alors pour l’industrie papetière québécoise qui subit ce ralentissement du côté des papiers d’impression? Pour l’instant, il n’y a pas de projet sur la table visant la conversion de machines à papier vers des segments plus prometteurs. Cascades et Domtar ont bien annoncé leur intention de profiter du marché du carton en convertissant chacune une usine. Toutefois, les projets mis de l’avant par ces deux compagnies sont malheureusement localisés aux États-Unis.

[1] En $CA de 2020.