Bien que la question du bois d’œuvre soit centrale en ce qui a trait à l’industrie forestière en général, celle des copeaux mérite qu’on s’y attarde. En effet, les sous-produits issus de la transformation primaire du bois dans les scieries jouent un rôle clé dans l’industrie forestière. Leur valorisation permet aux scieries de générer davantage de revenus et à d’autres industries de deuxième transformation de valoriser de la fibre de bois bon marché.

Le marché des sous-produits est tiraillé par deux grandes forces. D’un côté, les scieurs veulent traditionnellement diminuer la quantité de « déchets »; de l’autre, l’évolution des marchés transforme la demande. Longtemps confinés aux usines de pâtes et papiers, ces sous-produits trouvent maintenant niche dans différents secteurs comme les panneaux composites. La cogénération, la bioénergie et les granules de bois profitent aussi du déclin des papetières et incidemment de leur appétit pour cette ressource.

Le défi des inventaires et des rendements

Les scieurs s’efforcent d’accroître le rendement de leurs installations afin de réduire la proportion de sous-produits générés par les activités de transformation. Le « rendement matière des copeaux », qui désigne la proportion de bois rond transformé en copeaux par rapport à la quantité totale de bois scié, est un indicateur clé pour les scieries. Les équipements installés et la qualité de la main-d’œuvre jouent un rôle déterminant dans la capacité des scieries à produire davantage de bois d’œuvre à partir d’un lot donné de billes. Par exemple, de 2010 à 2020, les scieries québécoises de sapin-épinettes ont consommé 8,8 % moins de bois rond pour produire le même volume de bois d’œuvre.

Ce gain net s’est traduit par une diminution des sous-produits générés, en particulier des copeaux. Ces avancées démontrent les efforts considérables de l’industrie québécoise du sciage depuis la dernière crise forestière pour réduire la production de copeaux. Les scieurs, confrontés à une demande en déclin pour ces sous-produits à mesure que les machines à papier ferment, adaptent leurs pratiques année après année pour minimiser leur dépendance à ce marché secondaire, même s’il leur est impossible de s’en affranchir totalement.

Depuis 2020, les fermetures d’usines de pâtes et papiers, notamment celles de Baie-Comeau et d’Amos, ont engendré une perte de débouchés pour les scieries et une accumulation importante de copeaux. En 2021, les stocks ont atteint un niveau exceptionnel, quatre fois supérieur à la moyenne historique. Cette augmentation s’explique en partie par la reprise des activités de Nordic Kraft, dont l’usine, rouverte après 15 ans d’inactivité nécessitait de rebâtir des inventaires avec sa consommation de 600 000 TMA par année. Il faut aussi comprendre que cet évènement a coïncidé avec une période de prix record pour le bois d’œuvre, incitant les scieries à fonctionner à plein rendement, et ce sans égard pour les sous-produits inventoriés.

La recherche de nouveaux débouchés

Face à ce surplus, les scieries ont cherché de nouveaux débouchés. Longtemps destinées aux usines de pâtes et papiers, ces ressources diversifient aujourd’hui leurs marchés : des secteurs comme les panneaux composites, la cogénération, la bioénergie et les granules de bois profitent du déclin des papetières. En 2023, les copeaux représentaient 57 % de la production totale des sous-produits des scieries québécoises, contre 20 % pour les sciures et rabotures et 23 % pour les écorces. Ces dernières, autrefois perçues comme des résidus, sont désormais valorisées dans la production d’énergie renouvelable et l’aménagement paysager, tandis que les sciures et rabotures trouvent des débouchés dans la fabrication de granules et les litières animales.

Des partenariats stratégiques avec des usines de bioénergie et de granules, comme celles de Cacouna et de Barrette-Chapais, ont aussi contribué à réduire les excédents. À mesure que la capacité de production des usines de granules s’accroît, de plus en plus de copeaux y sont transformés. Malgré ces efforts, les fermetures anticipées d’autres usines de pâtes et papiers pourraient créer de nouveaux surplus, menaçant la rentabilité de nombreuses scieries.

La gestion des sous-produits forestiers reflète une adaptation aux nouvelles réalités économiques et environnementales. Jadis considérés comme des déchets, les copeaux sont devenus un pilier de l’économie circulaire. En réponse au déclin de l’industrie des pâtes et papiers, les scieries diversifient leurs débouchés vers des secteurs émergents tels que la bioénergie et les panneaux composites, contribuant ainsi à des solutions énergétiques plus durables et à une valorisation accrue des ressources.

Nonobstant, l’industrie des pâtes et papiers demeure encore et toujours le principal débouché pour les copeaux puisqu’elle en consomme 87%. Cependant, les usages se diversifient : 6 % des copeaux sont utilisés pour les panneaux de fibres et de particules, 4 % pour des usages énergétiques tels que la cogénération et les biocarburants, et le reste est exporté.

L’émergence des usines de bioénergie et de granules, souvent situées à proximité des scieries, constitue une solution prometteuse pour compenser la diminution des débouchés traditionnels. Cette diversification est cruciale pour absorber les surplus et maintenir la viabilité économique des scieries dans un contexte de marché en constante mutation.

Cependant, des défis demeurent, notamment ceux de la gestion des surplus et de l’équilibre entre l’offre et la demande. L’innovation et une diversification accrue des marchés seront essentielles pour garantir une valorisation optimale des copeaux et soutenir une industrie en pleine transition.