Accroître la cohérence entre les politiques de soutien à la production de bois et le régime d'aménagement des forêts privées

Adoption d’une stratégie nationale d’urbanisme et d’aménagement des territoires

En janvier dernier, le ministère des Affaires municipales et de l’Habitation (MAMH) a procédé au lancement de la conversation nationale sur l’urbanisme et l’aménagement du territoire afin de permettre au gouvernement du Québec de consulter la population sur le cadre législatif d’aménagement.

Cette consultation se soldera par l’adoption de la Stratégie nationale d’urbanisme et d’aménagement des territoires au printemps 2022 qui permettra de favoriser le respect et la mise en valeur des différents territoires et de renforcer leur attractivité. Cette plate-forme permet de rappeler que la forêt privée doit être reconnue comme un territoire où la production forestière et acéricole doit être valorisée par des réglementations et politiques d’aménagement cohérentes.

L’incohérence entre les politiques de production de bois et le régime d’aménagement en forêt privée

La forêt privée, qui appartient à 134 000 propriétaires de boisés, représente 64 % du territoire municipalisé du Québec. Sans aucun doute, le régime d’aménagement des forêts privées doit considérer les efforts des producteurs forestiers qui sont des gestionnaires locaux responsables de la mise en valeur de la majorité du territoire municipalisé du Québec.

Portrait géographique de la forêt privée du Québec

Au fil du temps, la sylviculture des forêts privées par les producteurs forestiers a permis d’assurer le développement et l’occupation dynamique de nombreuses régions. La mise en valeur des forêts privées est à la source d’importantes retombées économiques pour une panoplie de communautés. Après tout, un cinquième des approvisionnements en bois rond de l’industrie forestière québécoise provient des forêts privées.

Toutefois, la faible rentabilité des activités d’aménagement forestier force l’État à mettre en place des mesures pour soutenir le travail des producteurs forestiers afin d’assurer une mise en valeur du potentiel de leurs boisés pour sécuriser l’approvisionnement de l’industrie forestière. Au cours des dernières années, le gouvernement du Québec a adopté plusieurs politiques pour augmenter la production forestière et accroître l’utilisation du bois afin que les Québécois profitent des multiples retombées du secteur forestier. La Stratégie nationale de production de bois vise même à y faire passer la récolte de bois des forêts privées à 7,8 Mm³ annuellement d’ici 2025 (comparativement à 6,2 Mm³ en 2020).

En parallèle, ce sont les municipalités qui disposent, en vertu de la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme, du pouvoir de réglementer l’abattage d’arbres afin d’assurer la protection du couvert forestier et de favoriser l’aménagement durable de la forêt privée. Les décisions des élus municipaux sont donc déterminantes pour favoriser ou nuire aux perspectives d’aménagement des forêts privées.

À ces réglementations municipales s’ajoutent d’autres niveaux de réglementations provinciales et fédérales qui peuvent à leur tour complexifier le régime d’aménagement des forêts privées. Prise individuellement, chacune des contraintes peut sembler raisonnable, mais l’effet cumulatif a une incidence drastique sur la possibilité d’aménager le territoire forestier.

Cette complexification mène à la diminution du caractère productif du territoire, à un désengagement des propriétaires de boisés, à une réduction de la mise en valeur de ce potentiel forestier et, éventuellement, à une déstructuration de cette activité économique. 

Pourtant, l’activité forestière peut très bien être complémentaire à une majorité d’autres usages du territoire tout en maintenant les fonctions écologiques des écosystèmes forestiers. Toutefois, l’incohérence entre les politiques de soutien de l’État et l’encadrement réglementaire engendre une sous-optimisation des services économiques, sociaux et environnementaux générés par la forêt privée.

Des solutions pour accroître la mise en valeur et la protection du territoire forestier

La Stratégie nationale d’urbanisme et d’aménagement des territoires est une occasion de corriger la problématique d’aménagement afin de rehausser le niveau d’activité dans les forêts privées, et ce, sans pour autant diminuer leurs fonctions écologiques et sociales. Concrètement, la FPFQ recommande au gouvernement de profiter du dévoilement de cette stratégie pour réaffirmer l’importance de la production forestière en forêt privée conformément à ses autres politiques en misant sur les éléments suivant :

  • 1

    Transfert des réglementations sur les activités forestières aux MRC
    Transférer le pouvoir d’établir des réglementations sur les activités forestières aux MRC plutôt qu’aux municipalités locales permettrait d’harmoniser les réglementations existantes, faciliter les échanges entre les élus municipaux et les acteurs du secteur forestier, et mieux concilier les différents usages du territoire régional. L’uniformisation à l’échelle de la MRC permettrait de véhiculer une réglementation sur le couvert forestier cohérente, basée sur les sciences forestières et qui assure un aménagement durable du territoire forestier.

  • 2

    Redéfinir le rôle des municipalités dans le développement durable des forêts privées
    Les réglementations adoptées par les municipalités peuvent parfois provoquer des recours judiciaires entre les tenants de l'aménagement forestier et ceux qui prônent la conservation. Or, les structures judiciaires sont mal outillées pour définir et interpréter la pertinence d'une réglementation pour un aménagement durable du territoire forestier puisque les légistes ne sont malheureusement pas des spécialistes de la gestion des forêts. Plutôt que de judiciariser ce débat, la FPFQ demande de redéfinir le rôle du monde municipal dans l'aménagement durable de la forêt afin que les aspects sociaux, environnementaux et économiques soient soupesés équitablement.

  • 3

    Définir un cadre minimal d’activités forestières autorisées
    Certaines municipalités adoptent des réglementations ou structures de tarification qui empêchent le déroulement d’activités forestières même si elles constituent un risque négligeable pour l’environnement. Ces restrictions ont pour conséquence d’empêcher de nombreux propriétaires de boisés de bénéficier de mesures et programmes mis en place par le gouvernement pour soutenir la mise en valeur des forêts privées. Ceci engendre une problématique d’équité entre les propriétaires forestiers de différentes municipalités et remet en question l’universalité des mesures offertes par l’État. L’établissement d’un cadre minimal d’activités forestières autorisées, puisque à risque négligeable pour l’environnement, permettrait de circonscrire cette problématique.

  • 4

    Maintenir les acquis de la Loi sur la protection du territoire et des activités agricoles
    Un objectif poursuivi par cette loi est de protéger contre le morcellement des lots en territoire agricole, dont les érablières, afin de préserver le caractère productif du territoire. La littérature scientifique révèle effectivement que la réduction de la superficie détenue diminue la vue utilitaire du boisé par leurs propriétaires, et donc l’activité forestière et les perspectives de récolte.

  • 5

    Promouvoir l’utilisation de la nouvelle catégorie d’immeubles forestiers
    Les municipalités disposent dorénavant de la nouvelle catégorie d’immeubles forestiers pour contrer la hausse du fardeau fiscal des producteurs forestiers. En effet, elles peuvent maintenant moduler le taux de taxation des boisés des producteurs forestiers enregistrés afin de diminuer la fiscalité foncière de ceux-ci et ainsi accroître la mise en valeur des forêts privées, développer le couvert forestier et dynamiser l’économie régionale.

  • 6

    Rémunérer les services environnementaux offerts par les producteurs forestiers
    Mettre sur pied un programme de rémunération des services environnementaux fournis à la collectivité par les producteurs forestiers lorsqu’ils protègent des milieux naturels sensibles de telle manière que cela empiète sur le droit de production forestière. Cette reconnaissance de l’effort individuel des producteurs forestiers au profit de la communauté pourrait s’effectuer par le biais de la mesure de remboursement de taxes foncières des producteurs forestiers.

Consultations et prochaines étapes

Le MAMH prévoit plusieurs mécanismes de consultation pour établir la Stratégie nationale d’urbanisme et d’aménagement des territoires. La FPFQ interviendra au cours du processus de consultation puisque le régime d’aménagement a une incidence directe sur la capacité des producteurs forestiers de réaliser une pleine mise en valeur de leurs boisés.

La FPFQ a déjà participé à des laboratoires d’innovation publique tenus par le MAMH, alors que l’UPA fait partie du comité consultatif. Cet été, des consultations régionales auront lieu et les syndicats et offices de producteurs de bois pourront alors intervenir. La FPFQ entend également proposer ses recommandations lors des consultations numériques qui se poursuivront jusqu’à l’automne. Pour comprendre plus en détail les positions défendues par la FPFQ, nous vous invitons à lire le mémoire qui sera déposé dans le cadre de cette consultation.