Connaissez-vous les espèces en situation précaire présentes dans votre boisé?
La biodiversité constitue l’ensemble des gènes, des espèces et des écosystèmes d’une région ou d’un milieu naturel donné. Ce concept est au cœur de l’actualité depuis que des rapports font état d’une diminution rapide de la biodiversité dans le monde entier à mesure que les espèces et leurs habitats disparaissent, en raison notamment de l’activité humaine. Cet état de fait n’est pas pour autant irréversible et lorsque des mesures sont prises, la biodiversité peut se maintenir, voire se rétablir.
Une diversité d’espèces présentes dans les forêts privées québécoises
Le Québec ne fait pas exception à cette perte de biodiversité et la situation en forêt privée y est également préoccupante. Un récent rapport conjoint du ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques et du ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs souligne que la survie à long terme d’au moins 112 espèces de végétaux et 20 espèces fauniques se retrouvant principalement sur le territoire de la forêt privée est menacée. Pensons par exemple à la tortue des bois ou au ginseng à cinq folioles qui méritent une attention particulière de la part des propriétaires forestiers. La saine gestion des boisés des producteurs forestiers est une solution reconnue pour assurer la conservation de la biodiversité.
Les lois qui protègent les espèces menacées
Il existe différentes législations et réglementations qui assurent la protection des espèces au Québec et au Canada. Au Québec, la Loi sur les espèces menacées et vulnérables protège les espèces floristiques désignées comme étant menacées ou vulnérables, ainsi que leurs habitats. Pour les espèces fauniques menacées ou vulnérables, c’est la Loi sur la conservation et la mise en valeur de la faune qui permet la protection légale de l’espèce et de son habitat. Au Canada, la Loi sur les espèces en péril a pour objectif d’empêcher la disparition des espèces indigènes, des sous-espèces et des populations distinctes du Canada, de prévoir le rétablissement des espèces en voie de disparition ou menacées, et de favoriser la gestion des autres espèces pour empêcher qu’elles ne deviennent des espèces en péril.
La contribution essentielle des propriétaires forestiers
La collaboration des propriétaires forestiers est essentielle à la sauvegarde d’une grande proportion des espèces en situation précaire se trouvant ou fréquentant les milieux forestiers de tenure privée.
La faune et la flore s’adaptent généralement bien aux perturbations réalisées par des travaux forestiers puisqu’après tout, l’écosystème forestier est déjà résilient face à la dynamique de perturbations naturelles. Par contre, l’application de saines pratiques d’aménagement forestier est cruciale pour assurer le maintien de la biodiversité. Par exemple, de saines pratiques limitent les impacts des opérations forestières sur la régénération, les sols, les cours d’eau et le drainage. En parallèle, la conservation d’écosystèmes forestiers exceptionnels, d’îlots de vieilles forêts, d’une diversité d’essences, de chicots ou même d’arbres fruitiers permettra d’atténuer les effets de ces dernières sur de nombreuses espèces en situation précaire.
Malgré cela, certaines situations nécessitent des actions de protection spécifiques et adaptées au besoin de certaines espèces afin d’assurer leur pérennité.
Contrairement à certaines idées préconçues, la protection des espèces et l’aménagement forestier ne sont pas incompatibles. Il existe d’ailleurs des outils de planification à la disposition des propriétaires forestiers afin de mieux concilier ces enjeux, tels que des variantes au plan d’aménagement forestier détaillant les multiples ressources d’un boisé. Le plan d’aménagement forêt-faune permet d’ajouter un volet faunique et un volet biodiversité au plan d’aménagement forestier. En plus du portrait forestier, il fait le portrait des habitats fauniques et des éléments sensibles à conserver sur le lot afin de maintenir des conditions favorables à la faune. La Fédération des producteurs forestiers du Québec (FPFQ) milite également pour un financement permettant la bonification du plan d’aménagement forestier traditionnel avec des couches d’informations environnementales afin de répondre aux nouvelles exigences sociétales sur la conservation des milieux humides et hydriques et la préservation des habitats et des espèces en situation précaire. En fournissant de meilleurs outils de planification aux propriétaires, ceux-ci peuvent mieux maintenir, protéger et même améliorer la biodiversité tout en favorisant la mise en valeur de la faune lors des travaux forestiers.
Comment savoir si ces espèces se retrouvent dans mon boisé?
Les espèces en situation précaire sont généralement rares et difficiles à identifier. Le plan de protection et de mise en valeur des agences régionales de mise en valeur des forêts privées identifie les espèces auxquelles s’intéresser dans chaque région. Le propriétaire n’a pas toujours accès à la localisation de ces espèces, mais les conseillers forestiers et les organismes de conservation peuvent consulter le répertoire du Centre de données sur le patrimoine naturel du Québec si leurs objectifs visent à protéger les espèces ciblées. Il est aussi possible de faire réaliser des inventaires par des professionnels afin de déterminer la présence ou l’absence d’espèces en situation précaire.
Outiller et accompagner les propriétaires forestiers, un support indispensable pour mieux protéger la biodiversité
Afin d’améliorer la protection des espèces en situation précaire en forêt privée, il est essentiel de travailler sur différents outils et mécanismes qui faciliteront la prise en compte de ces espèces par les propriétaires forestiers. La première action consiste à sensibiliser et améliorer le partage des connaissances. Il existe peu de références sur l’impact des activités forestières sur les espèces en situation précaire et de nombreuses recommandations de protection proviennent essentiellement des grandes terres publiques administrées par le gouvernement. Avant d’intervenir auprès des propriétaires, ces recommandations doivent être adaptées pour une application dans un contexte de forêt privée. Il est également important que les propriétaires et les professionnels du milieu disposent d’informations de qualité et d’outils adéquats et adaptés afin de prendre des décisions éclairées quant à la protection des espèces en situation précaire lors de la réalisation de travaux en forêt.
Un autre mécanisme contribuant à la protection de ces espèces consiste à supporter financièrement les propriétaires forestiers lorsque la conservation d’un habitat implique obligatoirement une restriction importante des activités pouvant être réalisées sur un lot boisé. Prévoir des mécanismes d’indemnisation pour les pertes de revenus occasionnées peut fortement influencer le comportement des propriétaires forestiers et inciter au respect des recommandations.
Compenser les propriétaires forestiers pour les services environnementaux rendus à la collectivité
La protection de la biodiversité constitue une exigence sociétale imposée aux propriétaires de boisés. Les producteurs forestiers peuvent appliquer de nombreuses mesures de protection lors des activités en forêt. Toutefois, certaines requièrent davantage de ressources. Il est alors impératif de soutenir les producteurs forestiers puisqu’ils assument le coût de ces exigences pour le bénéfice de la collectivité. À ce titre, la FPFQ propose trois solutions :
- Financer la bonification du plan d’aménagement forestier traditionnel avec des couches d’informations environnementales afin de répondre aux nouvelles exigences sociétales sur la conservation des milieux humides et hydriques et la préservation des habitats et des espèces en situation précaire.
- Prévoir des mécanismes d’indemnisation pour les propriétaires devant renoncer à leur droit d’usage au-delà d’un seuil raisonnable, notamment par l’ajout de taux spécifique à la mesure de remboursement de taxes foncières.
- Diminuer le taux de taxation foncière de la nouvelle catégorie des immeubles forestiers afin de soutenir le travail des producteurs et reconnaître les objectifs de gestion durable des boisés sous aménagement.
La conservation des espèces en situation précaire présentes dans les forêts privées du Québec passe nécessairement par un aménagement durable et raisonné de ces forêts. C’est à nous de trouver ensemble les solutions les plus appropriées pour chaque propriétaire forestier.