Consultation nationale sur le territoire et les activités agricoles

La forêt privée est sise au cœur du territoire agricole. Au même titre que les champs et pâturages, la forêt privée doit aussi être cultivée, protégée et mise en valeur si l’on souhaite maintenir le caractère productif de ce territoire et déployer tous ses attributs économiques ou environnementaux.

Depuis juin 2023, le ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation (MAPAQ) tient une consultation sur la mise en valeur du territoire et des activités agricoles. La Fédération des producteurs forestiers du Québec (FPFQ) et les syndicats de producteurs forestiers régionaux y participent activement puisque la forêt privée occupe 44 % de la zone agricole, alors que la Loi sur la protection du territoire agricole reconnaît le concept de sylviculture. Cette consultation s’imbrique dans un vaste chantier gouvernemental visant à moderniser la planification de l’aménagement du territoire privé, lequel a débuté par l’adoption de la Politique nationale de l’architecture et de l’aménagement du territoire.

La Consultation nationale sur le territoire et les activités agricoles aborde trois thématiques, soit le territoire agricole, les activités agricoles ainsi que la propriété et l’accès aux terres. Premièrement, cet exercice a permis à la FPFQ de recommander la protection intégrale du territoire agricole (et forestier) par l’entremise d’une réglementation stricte et réfléchie permettant la poursuite de sa mise en valeur, puis deuxièmement, de proposer la protection elle-même des activités agricoles et sylvicoles avec la même rigueur que le territoire agricole. Plusieurs raisons justifient cette réflexion :

 

  1. Le bois est une ressource renouvelable qui constitue un matériau vert par excellence.
  2. L’aménagement des forêts privées et la transformation du bois qui en découle sont des vecteurs économiques importants pour plusieurs communautés rurales.
  3. L’utilisation du bois et l’aménagement forestier permettant d’accroître les inventaires de carbone dans les forêts, d’améliorer la résilience des forêts face aux perturbations naturelles et faciliter leur adaptation. Ce sont des moyens éprouvés pour lutter contre les changements climatiques.
  4. La gestion durable des forêts permet de préserver plusieurs fonctions écologiques, telles que la régulation du climat, la captation de carbone, la conservation de la biodiversité, la protection des sols et des ressources en eau.
  5. Les forêts naturelles et aménagées constituent des habitats pour de nombreuses espèces, contribuant ainsi à la biodiversité, à la pratique de la chasse et d’autres activités récréatives.
  6. L’aménagement et la récolte sur un lot font partie intégrante de la culture populaire des producteurs forestiers, au même titre que le chauffage au bois.

Ainsi, dans le contexte d’une utilisation durable et responsable, le maintien de la capacité forestière productive sur un territoire est essentiel pour le bien-être économique, environnemental, culturel et social des populations locales ainsi que pour l’atteinte de nombreux objectifs gouvernementaux. La FPFQ a déposé deux mémoires dans le cadre de ces consultations, intitulés Protéger le territoire agricole pour protéger les activités sylvicoles et Miser sur la sylviculture pour mettre en valeur le territoire agricole, dont les principales recommandations sont présentées plus bas.

 

Protéger le territoire agricole pour protéger les activités sylvicoles

Sauvegarder l’intégralité de la zone agricole afin de préserver l’usage agricole et sylvicole

En zone agricole, la sylviculture est complémentaire à l’agriculture puisque la culture d’arbres et la mise en valeur de la forêt privée contribuent grandement à améliorer la qualité de l’environnement. Une révision du cadre législatif ne devrait jamais mener à une diminution de la zone agricole, ni mener à un affaiblissement des mesures de protection des peuplements forestiers pour un usage autre que l’agriculture ou la sylviculture. Toute implantation non agricole en zone agricole a pour conséquence potentielle d’engendrer des conflits d’usage, bien souvent résolus au détriment des activités agricoles et forestières. Il est de notre avis que le rôle et l’autorité de la Commission de protection du territoire agricole du Québec (CPTAQ) s’avère déterminant afin d’arbitrer les enjeux de cohabitation et de réglementation sur le territoire agricole. La FPFQ considère qu’une meilleure prise en compte de l’activité sylvicole dans la Loi sur la protection du territoire et des activités agricoles (LPTAA) (art. 79.1 et autres) permettrait d’empêcher l’adoption de règlements municipaux contraires à la mise en valeur des forêts privées en impliquant un arbitrage de la CPTAQ et une consultation du MRNF.

Maintenir les dispositions empêchant le morcellement des lots boisés

La taille des propriétés forestières affecte le niveau d’activité des propriétaires. Plus la superficie forestière sera grande, plus le propriétaire aura la propension à réaliser des activités de récolte de bois. Il est donc primordial pour le législateur de lutter contre le morcellement des lots boisés et la diminution de la taille des propriétés si l’on désire protéger la capacité de production de bois en forêt privée. Notons également que la superficie des travaux affectera aussi la capacité des producteurs à rentabiliser leurs activités forestières. Ces considérations doivent être prises en compte lors de l’analyse de dossiers par la CPTAQ.

Protéger le potentiel acéricole des érablières

Les forêts représentent 44 % de la zone agricole, dont le quart sont des peuplements d’érables protégés par la LPTAA. La FPFQ entrevoit la nécessité de maintenir les mécanismes qui permettront d’assurer la protection du potentiel acéricole des érablières, sans pour autant empêcher leur sylviculture, et ce, au bénéfice des générations futures de producteurs acéricoles et forestiers. 

 

Miser sur la sylviculture pour mettre en valeur le territoire agricole

Établir un cadre législatif et réglementaire favorisant la mise en valeur des forêts privées

Au cours des dernières années, le gouvernement du Québec a adopté plusieurs politiques pour augmenter la production forestière et accroître l’utilisation du bois. Toutefois, ce sont les municipalités qui disposent, en vertu de la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme (LAU), du pouvoir de réglementer l’abattage d’arbres afin d’assurer la protection du couvert forestier et de favoriser l’aménagement durable de la forêt privée. Les décisions des élus municipaux peuvent ainsi aider ou nuire aux perspectives d’aménagement des forêts privées. Par ailleurs, plusieurs ministères interviennent pour encadrer la production forestière ou le transport de bois. Prise individuellement, chacune des contraintes peut sembler raisonnable, mais l’effet cumulatif a une incidence drastique sur la possibilité d’aménager le territoire forestier. La FPFQ presse le gouvernement de simplifier l’environnement réglementaire afin d’obtenir un cadre clair et moderne pour pratiquer les activités d’aménagement forestier en forêt privée.  

Accroître le financement et la prévisibilité des mesures d’aide à la mise en valeur des forêts privées

L’État québécois intervient en forêt privée depuis plus de 60 ans afin d’inciter les propriétaires à protéger et mettre en valeur leurs boisés et ainsi accroître les retombées économiques de cette activité pour les communautés rurales. Selon les prévisions, les budgets consacrés à l’aide à la mise en valeur des forêts privées pourraient fléchir de manière significative dès 2024-2025. Une telle baisse pourrait s’avérer déstructurante pour les activités d’aménagement en forêt privée et c’est pourquoi le gouvernement devra prévoir rehausser ses investissements s’il souhaite maintenir le caractère productif de ce territoire.

Maintenir le soutien au financement de l’achat de boisés et de machinerie forestière

Devenir propriétaire forestier et s’engager dans la production de bois est un objectif parfois difficile à atteindre pour plusieurs étant donné les coûts importants d’achat de la terre et la machinerie nécessaire. Depuis 1975, l’État québécois soutient, par des conditions de prêts avantageuses, les personnes qui désirent faire l’achat de lots boisés, de parts d’entreprises forestières et d’équipements pour réaliser des travaux d’aménagement forestier. Cette aide prend la forme de prêts garantis par La Financière agricole du Québec (FADQ) offrant des rabais sur le taux d’intérêt. Ce soutien est important pour soutenir la relève forestière et favoriser un engagement envers la production forestière.