Évolution de l'épidémie de la tordeuse des bourgeons de l'épinette
Les superficies de forêts privées affectées par l’épidémie de la tordeuse des bourgeons de l’épinette (TBE) ont fortement augmenté entre 2019 et 2020. L’inventaire aérien effectué par le ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs (MFFP) a dénombré 1,26 million d’hectares de boisés privés affectés par l’insecte, ce qui représente une progression de 30 % par rapport à l’année précédente. L’épidémie affecte l’équivalent de 18 % du territoire de l’ensemble des forêts privées québécoises. Il faut toutefois mentionner que ces résultats sont présentés à l’échelle du paysage. Si on considère uniquement les peuplements vulnérables à la TBE, les superficies infestées sont beaucoup moins élevées. La FPFQ estime qu’environ 25 000 propriétaires de boisés subissent actuellement les conséquences de cette épidémie, quoiqu’on constate des variations importantes des dommages d’une région à l’autre.
Faits saillants de l'évolution de l'épidémie en forêt privée par région
Abitibi-Témiscamingue : la superficie touchée a plus que triplé cette année, passant de 48 153 à 171 305 hectares. Les boisés de nombreux producteurs sont maintenant affectés.
Bas-Saint-Laurent : on note une augmentation de 17 % de l’infestation alors que plus de la moitié des superficies forestières privées de cette région est attaquée. La défoliation est surtout légère ou modérée, à l’exception du secteur de La Matapédia où le niveau de défoliation est toujours qualifié de grave.
Capitale-Nationale : la progression reste limitée à la MRC de Charlevoix-Est. La superficie infestée est passée de 19 229 hectares touchés en 2019 à 24 155 hectares en 2020 (+26 %).
Chaudière-Appalaches : les premiers signes d’infestation ont fait leur apparition sur ce territoire jusque-là épargné.
Côte-Nord : 88 % de la superficie des boisés privés sont affectés par l’insecte. Bien que la superficie touchée soit sensiblement la même que l’an dernier, l’épidémie s’étend désormais à l’est de Sept-Îles.
Gaspésie : les superficies touchées ont diminué de 6 % cette année. Il semble que l’intensité de défoliation soit passée en grande majorité à un niveau léger, à l’exception du territoire de la MRC de la Haute-Gaspésie.
Laurentides : un nouveau foyer d’infestation a été détecté au nord du réservoir Baskatong. Le foyer à Sainte-Adèle a quant à lui pris de l’ampleur puisque la superficie touchée atteint maintenant 1 377 hectares.
Mauricie : le foyer d’infestation présent à Saint-Élie-de-Caxton s’est étendu à 382 hectares.
Outaouais : les forêts privées ne sont pas encore affectées, mais on note une forte progression de l’épidémie en provenance du Témiscamingue.
Saguenay-Lac-Saint-Jean : les aires défoliées en 2020 ont augmenté de 86 290 hectares, soit une progression de 54 %. La moitié des forêts privées de la région est infestée.
Superficies infestées par la tordeuse à l’été 2020
Bilan du programme de protection des petites forêts privées
Les forêts privées de moins de 800 hectares d’un seul tenant peuvent bénéficier d’un programme de protection par arrosage d’insecticide biologique Btk, qui est doté d’un budget total de 20 M$ pour des arrosages jusqu’en 2022. En 2018 et 2019, 2,2 M$ ont été dépensés dans ce programme. La mise en œuvre est confiée à la Société de protection des forêts contre les insectes et maladies (SOPFIM) qui travaille en collaboration avec les intervenants en forêt privée. Pour bénéficier de ces interventions, les propriétaires doivent être enregistrés comme producteurs forestiers.
Malgré les difficultés liées au contexte de la pandémie de la COVID-19, les opérations de protection en forêts privées n’ont pas été affectées et les traitements se sont déroulés tel que prévu. La superficie totale traitée par arrosage s’est élevée à 17 610 hectares, soit deux fois plus que les superficies traitées l’année précédente. L’une des raisons expliquant cette augmentation est l’assouplissement du critère d’admissibilité lié à la superficie.
Changements au programme de protection par arrosages d’insecticide
La superficie minimale d’un bloc d’arrosage est dorénavant de 4 hectares, au lieu de 10 hectares. Évidemment, ce changement a permis de rendre davantage de peuplements forestiers admissibles aux arrosages. À noter qu’un bloc d’arrosage peut regrouper plusieurs peuplements forestiers contigus. Pour être admissibles, les peuplements visés par le programme de protection doivent :
- être issus d’investissements sylvicoles, comme des plantations ou des éclaircies;
- être principalement composés d’essences vulnérables à l’insecte (sapin baumier, épinette blanche ou épinette de Norvège);
- être âgés de 21 à 60 ans;
- avoir été affectés sévèrement ou modérément par la tordeuse pendant au moins une année;
- être localisés par un conseiller forestier et l’information transmise à la SOPFIM.
La hausse des besoins pour la sylviculture en forêt privée
Afin de minimiser les pertes en volume, les producteurs forestiers sont encouragés à récolter préventivement les peuplements forestiers vulnérables ainsi qu’à récupérer rapidement le bois issu de peuplements fortement affectés. En ce sens, et contre toute attente, la bonne tenue du marché du bois d’œuvre résineux favorise la mise en marché du bois de sciage résineux produits par les producteurs forestiers. Toutefois, avant même de penser à couper, les producteurs doivent préalablement s’assurer que les superficies à récolter pourront bénéficier d’une régénération naturelle adéquate ou de plants forestiers pour le reboisement.
L’épidémie actuelle influencera éventuellement la possibilité forestière régionale, la composition des essences disponibles pour les récoltes futures, la qualité du bois qui sera transformé et la prévisibilité des approvisionnements en bois des usines. Ces conséquences négatives peuvent être atténuées par la réalisation d’activités sylvicoles. Au cours de la dernière année, la cellule d’urgence sur la gestion de l’épidémie de la TBE en forêt privée, à laquelle participent la Fédération des producteurs forestiers du Québec, Groupements forestiers Québec et le ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs, a comparé les budgets disponibles pour la réalisation de travaux sylvicoles en fonction des besoins recensés par les agences régionales de mise en valeur des forêts privées. Or, les besoins se chiffrent à 6,8 M$ supplémentaires en budget et 3 millions de plants additionnels par année.
Un outil pour vérifier la vulnérabilité de votre boisé
Il est possible de se préparer à la venue de l’épidémie de la TBE grâce à cet outil cartographique. Visualisez la progression de l’épidémie et vérifiez si un peuplement forestier vulnérable à l’insecte est présent sur votre boisé simplement en entrant l’adresse municipale de votre lot. La vulnérabilité se définit par la probabilité que les arbres meurent après plusieurs années de défoliation grave. Les essences les plus à risque de mortalité sont principalement le sapin baumier, l’épinette blanche et l’épinette de Norvège. Quoique plus résilientes que les précédentes, l’épinette rouge et l’épinette noire sont également vulnérables.
Le risque de mortalité augmente pour les arbres matures possédant peu de feuillage. Les peuplements denses établis sur des sites peu productifs, par exemple sur des sols trop humides ou trop secs, sont plus à risque d’être affectés gravement par la tordeuse. Ainsi, le risque de mortalité dans une sapinière mature, dense et établie sur un site humide sera très élevé à la suite des attaques répétées de l’insecte. Par ailleurs, les propriétaires de boisés devraient garder un œil vigilant sur leurs peuplements contenant beaucoup de sapins matures.