Le fardeau fiscal foncier des producteurs forestiers

Entre 1997 et 2022, les taxes municipales des terres boisées du Québec ont augmenté en moyenne de 5,3 % par année, soit à un rythme supérieur aux taxes résidentielles ou bien à l’inflation. La progression des charges fiscales des propriétaires forestiers nuit à la rentabilité de la sylviculture et des activités de récolte en forêt privée. Pour freiner cette hausse, une trentaine de municipalités ont diminué leur taux de taxation foncière pour la catégorie des immeubles forestiers.

L’accroissement des taxes municipales imposées aux propriétés forestières est une cause d’inquiétude chez les producteurs forestiers. L’analyse des taxes et des valeurs foncières municipales au cours des 25 dernières années met en évidence un transfert du fardeau fiscal municipal vers les producteurs forestiers. La progression des charges fiscales des propriétaires forestiers nuit à la rentabilité des activités de récolte en forêt privée et incidemment, à la mobilisation du bois.

Pour dresser ce constat, la FPFQ a analysé l’évolution de près de 65 000 unités d’évaluation de terrain forestier dans l’ensemble des municipalités du Québec (en excluant les régions de Laval, Montréal, la Montérégie, la Côte-Nord, le Nord du Québec et l’Abitibi) sur une période de 25 ans, à partir du sommaire du rôle d’évaluation foncière tenu par le ministère des Affaires municipales et de l’Habitation. Il s’agit d’un échantillon très important en regard des 134 000 propriétaires forestiers que l’on retrouve au Québec.

Entre 1997 et 2022, les taxes municipales des terres boisées analysées du Québec ont augmenté en moyenne de 5,3 % par année (croissance annuelle composée). À titre indicatif, les taxes municipales moyennes payées pour une propriété forestière en 1997 s’élevaient à 178 $ alors qu’en 2022, elles atteignaient 645 $ par unité d’évaluation, soit une progression de 263 % en l’espace d’un quart de siècle. Cette progression dépasse largement l’inflation (≈2,1 % par an). 

Évolution des taxes municipales des propriétaires forestiers québécois

À titre comparatif, nous avons inclus les hausses pour les immeubles résidentiels de type unifamilial puisque ceux-ci constituent généralement la base de l’assiette foncière municipale. Bien que la croissance de la valeur foncière des résidences unifamiliales ait été supérieure à celle des boisés au cours des 25 dernières années (395 % par rapport à 344 %), celle du fardeau fiscal fut plutôt inversée. En effet, le fardeau fiscal des boisés (+263 %) a augmenté plus rapidement que celui des résidences unifamiliales (+203 %). Il y a donc eu, à l’échelle du Québec, un transfert du fardeau fiscal des municipalités vers les propriétaires forestiers.

L’analyse par région permet de constater que l’ampleur de la problématique diffère d’une région à l’autre. En effet, des régions comme la Mauricie, Chaudière-Appalaches et le Centre-du-Québec ont connu un transfert du fardeau fiscal important vers les propriétaires forestiers. À la différence, la hausse des taxes sur les résidences unifamiliales fut légèrement plus élevée que celle des boisés au Témiscamingue, en Gaspésie et en Estrie.

Une part grandissante des revenus du bois remise aux municipalités

Les taxes municipales réduisent de plus en plus la rentabilité des activités forestières. En effet, la proportion du fardeau fiscal municipal sur les revenus générés par la vente de bois ne cesse de s’accroître au fil des ans puisque le prix du bois rond augmente moins rapidement que les comptes de taxes. En 1997, les charges fiscales municipales représentaient 4,7 % des revenus générés par les activités de récolte du bois. En 2022, cette proportion atteignait plutôt 9,4 %. Chaque année, le fardeau fiscal gruge une part plus importante des revenus, à l’exception de 2021 et 2022 où, extraordinairement, le prix du bois a crû plus rapidement que les taxes municipales en raison d’une flambée du prix du bois d’œuvre. Néanmoins, cette lourde tendance semble se poursuivre à travers les années.

Miser sur la catégorie d’immeubles forestiers pour alléger le fardeau fiscal des producteurs

La diminution de la rentabilité de la production de bois affecte le dynamisme des activités sylvicoles en forêt privée. Par conséquent, plusieurs municipalités rurales se privent ainsi de retombées liées à une plus grande mise en valeur des ressources des forêts privées. Fort heureusement, l’introduction de la catégorie d’immeubles forestiers peut permettre aux municipalités de freiner la hausse du fardeau fiscal des producteurs forestiers.

Cette catégorie regroupe les propriétés forestières de 4 hectares et plus dont la gestion est encadrée par un plan d’aménagement forestier rédigé par un ingénieur forestier et dont le propriétaire est enregistré comme producteur forestier auprès du ministère des Ressources naturelles et des Forêts (MRNF). Ce changement offre aux municipalités la possibilité de moduler le taux de taxation de ces boisés à l’intérieur d’une fourchette de 66 à 100 % du taux de base afin d’encourager la mise en valeur des forêts. En diminuant le fardeau fiscal municipal des producteurs forestiers, les municipalités favorisent l’encadrement professionnel et la saine gestion des boisés privés, encouragent la sylviculture sur leur territoire et soutiennent l’industrie de l’aménagement forestier et de la transformation du bois.

À ce jour, près d’une trentaine de municipalités du Québec ont adopté une baisse de taux de taxation foncière des immeubles forestiers sur leur territoire. La baisse se chiffre en moyenne à 20 %, soit un rabais d’environ 132 $ à l’égard des charges fiscales moyennes des boisés répertoriés par l’étude. Les producteurs forestiers ont intérêt à manifester cette solution auprès de leurs élus municipaux.

Municipalités ayant adopté une baisse de taux pour la catégorie des immeubles forestiers