Les enjeux des changements climatiques en forêt privée
Les 134 000 propriétaires forestiers du Québec risquent d’être aux premières loges pour constater les conséquences des changements climatiques. C’est le constat qui ressort du rapport Le Canada dans un climat en changement (Chapitre 2 – Québec, rédigé par Ouranos) du gouvernement fédéral ainsi que le projet de stratégie d’adaptation de la gestion et de l’aménagement des forêts aux changements climatiques du ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs (MFFP).
L’évolution du climat causera des impacts aux écosystèmes au-delà de leur capacité d’adaptation, conduira à des modifications de la biodiversité, affectera la façon d’assurer une saine gestion du territoire forestier et augmentera les risques en santé et sécurité pour les travailleurs du secteur forestier.
Les propriétaires forestiers constateront un peu plus chaque année l’ampleur et la diversité de ces conséquences sur leurs boisés. En parallèle, les forêts privées constitueront pour l’ensemble des Québécois une vitrine de l’impact des changements climatiques sur les écosystèmes forestiers en raison de leur localisation à proximité des milieux de vie des citoyens.
Les séquelles de ces perturbations climatiques sur les forêts privées seront amplifiées par de nombreux facteurs de stress. La fragmentation des habitats entravera la migration de certaines espèces vers le nord pour conserver un habitat propice à leur développement alors que l’anthropisation des écosystèmes forestiers diminue déjà la taille des niches écologiques.
La proximité entre les milieux habités et la forêt privée favorise l’introduction d’espèces exotiques envahissantes qui concurrencent la biodiversité locale. Pensons à titre d’exemple à l’agrile du frêne, au nerprun bourdaine et à la renouée du Japon qui sont fermement associés au territoire privé.
Le réchauffement plus rapide du climat peut permettre des gains en matière de croissance qui pourraient être limités par une hausse des températures au-delà du seuil de tolérance de plusieurs espèces telles que l’épinette noire et le sapin baumier1. « En effet, de 5 à 21 % de l’habitat actuel des principales essences forestières du Québec (épinette noire, sapin baumier, bouleaux blanc et jaune, et érable à sucre), qui ensemble représentent 72 % du volume total d’arbres marchands, pourrait devenir défavorable à leur présence d’ici la fin du 21e siècle (Périé et de Blois, 2016). »1 Dans les forêts feuillues et mélangées qui caractérisent une majorité des boisés privés, plusieurs essences forestières s’avèrent mésadaptées à ces changements puisqu’elles se situent déjà près de la limite sud de leur aire de distribution2.
1 Alberti-Dufort, A., Bourduas Crouhen, V., Demers-Bouffard, D., Hennigs, R., Legault, S., Cunningham, J., Larrivée, C. et Ouranos (2022). Chapitre 2; Québec, Rapport sur les perspectives régionales, 127 p.
2 MFFP (2022), Projet-Stratégie d’adaptation de la gestion et de l’aménagement des forêts aux changements climatiques, 41 p.
Une stratégie d’adaptation de la gestion et de l’aménagement des forêts aux changements climatiques inclusive au contexte de la forêt privée
Il devient alors de plus en plus urgent d’élaborer des mesures d’adaptation qui permettront de soutenir la vitalité et la productivité des boisés privés. C’est notamment ce que tente de faire le MFFP qui, par l’adoption d’une stratégie d’adaptation de la gestion et de l’aménagement des forêts aux changements climatiques, souhaite mettre de l’avant une approche concertée permettant d’interpeller l’ensemble des acteurs concernés. Or, cette stratégie devra être modulée pour prendre en compte les contextes différents entre la forêt publique qui couvre de grands espaces plus homogènes en termes d’écosystèmes forestiers et la forêt privée morcelée, fragmentée et recelant une biodiversité beaucoup plus grande.
La FPFQ s’est évidemment montrée favorable à l’adoption d’une telle stratégie lors des consultations et a soumis au MFFP quelques recommandations afin de la bonifier et mieux l’adapter au contexte de la forêt privée.
- Améliorer la lutte contre l’introduction et le contrôle des espèces exotiques envahissantes
L’action gouvernementale ne pourra pas à elle seule suffire pour lutter efficacement contre les espèces exotiques envahissantes. Le gouvernement devra déployer une stratégie de communication et de mobilisation communautaire misant sur les réseaux existants des différentes organisations de propriétaires forestiers. Il faudra aussi mieux outiller techniquement et financièrement les intervenants qui désirent contrôler ou éradiquer ces espèces nuisibles. - Diversifier les sources de financement des mesures de soutien à la mise en valeur des forêts privées
L’accroissement des perturbations naturelles et la nécessité d’adapter les forêts au climat du futur augmenteront sensiblement les besoins en travaux sylvicoles (coupe de récupération ou d’assainissement, remise en production ou regarni permettant l’enrichissement d’essences forestières). Le gouvernement devra trouver le moyen de bonifier les investissements en sylviculture des forêts privées, ou à tout le moins qu’il facilite la mise en œuvre d’opportunités de financement externe. Par exemple, il pourrait développer et rendre disponibles aux acteurs de la forêt privée des outils simples et efficaces de mesurage du carbone forestier séquestré par les peuplements forestiers. Une telle initiative permettrait d’accélérer le déploiement de la vente de crédit de carbone forestier en forêt privée tout en réduisant la pression sur les programmes d’aide à la sylviculture. - Optimiser les plans d’aménagement spéciaux de récolte en forêt publique afin de minimiser les impacts pour les producteurs forestiers
La multiplication des perturbations naturelles à grande échelle pourrait provoquer une hausse sporadique des volumes de bois à récupérer, autant en forêt publique qu’en forêt privée. Ces variations dans l’offre de bois peuvent provoquer un déséquilibre hypothéquant potentiellement les conditions de mise en marché des producteurs. La coordination des actions de récupération du bois des forêts publiques et privées sera primordiale afin d’assurer un écoulement efficace des volumes récoltés. Il faudra notamment optimiser l’élaboration et la mise en œuvre des plans d’aménagement spéciaux de récolte en forêt publique afin de minimiser les impacts sur les marchés pour le bois de la forêt privée, et ce, conformément aux orientations ayant guidé l’adoption du principe de la résidualité. - Élaborer un plan de prévention et d’intervention lors de catastrophes naturelles en forêt privée
La susceptibilité des peuplements forestiers aux diverses perturbations naturelles peut être diminuée par la réalisation de traitements sylvicoles préventifs. Le MFFP détient un effet de levier pour atténuer les impacts causés par ces perturbations grâce aux mesures et aux programmes d’aide à la mise en valeur des forêts privées ainsi qu’au réseau de conseillers forestiers œuvrant à travers le Québec. En revanche, lorsqu’une catastrophe naturelle survient dans une région donnée, il y aurait lieu pour les intervenants de cette région de pouvoir accéder à des fonds supplémentaires afin de procéder hâtivement aux travaux de récupération du bois et de remise en production. - Accorder de la souplesse aux interventions des producteurs forestiers
L’aménagement forestier constituera un moyen privilégié à notre disposition afin d’accélérer l’adaptation des écosystèmes forestiers. Malheureusement, la multiplication des réglementations limite, et parfois interdit, l’aménagement des forêts privées. Au-delà de ces réglementations qui se superposent l’une à l’autre, la délégation de certains aspects réglementaires aux municipalités complexifie la réalisation d’interventions forestières dans un contexte d’adaptation de l’écosystème forestier aux changements climatiques. Pour ce faire, il faut prévoir l’adoption d’une réglementation sur l’abattage d’arbres et la protection du couvert forestier permettant l’application d’une gestion forestière adaptée aux changements climatiques.
Les lecteurs désireux de mieux connaître les propositions de la FPFQ sont invités à consulter le mémoire Mobiliser les propriétaires forestiers pour faire face aux changements climatiques.
Version révisée du contrat de récolte de bois
La FPFQ a mis à jour le modèle de contrat de récolte de bois et de vente de droit de coupe entre le propriétaire et l’entrepreneur forestier. Ce contrat vise à encadrer les transactions d’affaires entre les deux parties. Avoir recours à un entrepreneur forestier est une solution pratique pour celui ou celle qui ne dispose pas du temps, de l’expertise ou de l’équipement nécessaires pour effectuer la récolte de bois sur sa propriété. Le contrat précise les obligations de chacune des parties, ce qui permet de réduire le risque de conflits ou de faciliter son règlement.
Les révisions mineures portent sur l’ajout d’une mise en garde afin de vérifier les droits de propriété avant d’engager les travaux, sur l’ajout de la définition d’un milieu humide à l’annexe E et sur les extraits du guide des saines pratiques d’intervention en forêt privée à l’annexe C, plus particulièrement les extraits 6 et 7 ayant pour objet le drainage sylvicole et les bandes de protection le long des rives, lacs et cours d’eau.
Rendez-vous dans la section bibliothèque/contrats types pour consulter le contrat de récolte de bois. En terminant, assurez-vous d’avoir la bonne version, soit celle de juillet 2022, en vérifiant dans le coin inférieur droit de la dernière page du contrat.