L’importance d’assurer la traçabilité du bois en forêt privée

Dans tous les secteurs d’activités, les gouvernements, la société civile et ultimement les consommateurs exigent toujours plus de transparence sur l’origine des produits afin de s’assurer qu’ils respectent certains critères de qualité. Le secteur forestier n’échappe pas à cet enjeu puisqu’on exige que la matière première transformée soit issue de sources respectant l’encadrement légal local et l’environnement forestier. Afin de répondre à ces exigences, plusieurs compagnies forestières ont procédé à l’implantation d’une chaîne de traçabilité pour leurs produits.

La traçabilité est un processus offrant la possibilité d’identifier l’origine et de reconstituer le parcours d’un produit aux différents stades de la chaîne d’approvisionnement. C’est une méthode efficace de préservation de l’identité d’un produit ainsi que de ses qualités marchandes tout au long de son mouvement dans la chaîne d’approvisionnement et de sa transformation. Dans le secteur forestier, cela se résume à être en mesure de suivre à la trace un produit à partir de la récolte du bois en passant par sa transformation, jusqu’à la commercialisation du produit fini.

Bien que la traçabilité puisse ajouter une lourdeur administrative, elle comporte plusieurs avantages :

  • la production d’informations et de données utiles à la prise de décisions;
  • l’amélioration de l’efficacité dans la gestion des incidents;
  • un meilleur accès aux marchés et une confiance accrue des consommateurs, notamment envers une image de marque permettant de se différencier de la concurrence;
  • une meilleure protection des producteurs et de l’entreprise face aux risques liés à la mise en marché.

Des exemples illustrant l’importance d’assurer la traçabilité du bois en forêt privée

Pourquoi discuter de traçabilité du bois? Simplement parce que cela accentue la valeur ajoutée du produit en accroissant son potentiel de conformité. En forêt privée, il peut s’avérer difficile de documenter l’origine de la matière première étant donné les milliers de producteurs impliqués dans la commercialisation du bois chaque année. Heureusement, le travail des syndicats et offices de producteurs forestiers permet souvent de répondre à plusieurs de ces exigences, appuyant ainsi les processus établis par les industriels.

Voici quelques exemples militant pour une meilleure traçabilité des volumes de bois produits en forêt privée.

Réglementations existantes

La traçabilité permet de s’assurer que le bois transformé respecte les différentes réglementations existantes. Prenons par exemple le Lacey Act, une loi américaine interdisant le commerce du bois récolté illégalement. Pour se conformer, les acheteurs de bois et de produits manufacturés en bois doivent s’assurer que le bois a été récolté selon les dispositions de la législation et des réglementations de la région d’origine et le documenter. Les contrevenants à cette loi s’exposent à des amendes sévères et c’est pourquoi la certification de la traçabilité du bois, de l’approvisionnement à la transformation, diminue le risque de contrevenir à cette loi.

Vente de crédits de carbone

Les propriétaires de lots boisés pourront éventuellement vendre des crédits compensatoires à la bourse du carbone. En effet, certains travaux qu’ils réalisent dans leurs lots boisés accentuent la séquestration du carbone forestier. La comptabilisation des gains de carbone et leur vente devront certainement s’inscrire dans un processus de traçabilité rigoureux.

Certification forestière

La majorité du bois récolté en forêt privée ne provient pas de territoires proprement dits certifiés. Pourtant, le bois récolté doit respecter certaines normes puisque de nombreux industriels forestiers détiennent une certification environnementale pour leurs produits (FSC, SFI ou autre). Bien que les exigences diffèrent d’une norme à l’autre, les approvisionnements en bois des usines doivent respecter plusieurs critères d’aménagement durable. Dans certains cas, les compagnies forestières doivent effectuer un suivi serré de la chaîne d’approvisionnement puisqu’ils détiennent un certificat de chaîne de traçabilité (consultez notre infolettre sur la certification).

Accord sur le bois d’oeuvre résineux

La FPFQ revendique que le bois d’œuvre canadien produit à partir du bois rond de forêts privées soit exempt de taxes et quotas dans un futur accord sur le bois d’œuvre résineux avec les États-Unis. Or, une condition essentielle à son application est d’être en mesure de démontrer la traçabilité des volumes de bois de sciage résineux en forêt privée (consultez notre infolettre sur l’exemption demandée).

Complexité de la traçabilité du bois des forêts privées

Quelques chiffres permettent de bien illustrer la complexité de la logistique de la chaîne d’approvisionnement des produits forestiers, de la récolte jusqu’à la vente au détail sur les marchés. Chaque année, entre 15 000 et 20 000 propriétaires forestiers du Québec récoltent du bois à destination du marché de la pâte, du sciage, des panneaux ou de la bioénergie (à l’exception du bois de chauffage). En tout et pour tout, la conduite de ces milliers de chantiers permet de récolter une quantité époustouflante d’arbres d’espèces et de tailles différentes. En 2019, on estime que les producteurs forestiers du Québec ont récolté presque 37 millions d’arbres sur leurs propriétés. La récolte et le façonnage de ce bois ont généré un volume de 6 444 500 mètres cubes solides de bois. Cette récolte fut chargée sur plus de 160 000 voyages différents et fut acheminée à plus de 200 sites de transformation ou cours de transfert.

Finalement, la transformation du bois récolté a permis à l’industrie forestière de confectionner des centaines de produits différents qui ont généré un chiffre d’affaires de 3,77 G$ en 2018. En 2019, ces produits furent exportés à 149 pays différents, générant des ventes finales aux consommateurs de plusieurs milliards de dollars.

Schéma représentant la complexité de la traçabilité du bois issu des forêts privées dans la chaîne d’approvisionnement de la transformation des produits forestiers

Le rôle des syndicats et offices de producteurs dans la traçabilité du bois

Les syndicats de producteurs forestiers du Québec jouent un rôle déterminant dans cette chaîne de traçabilité. En effet, la législation autorise les plans conjoints des producteurs forestiers à collecter systématiquement un prélevé sur tous les volumes de bois rond en provenance des forêts privées vendus aux usines de transformation afin de leur permettre d’organiser la mise en marché. Dans plusieurs régions, ces mêmes syndicats s’occupent du paiement aux producteurs, c’est-à-dire que les producteurs expédient leur bois rond à l’usine, l’usine expédie ensuite les talons de réception ainsi qu’un paiement global au syndicat de producteurs forestiers qui paiera directement chacun des producteurs forestiers ayant récolté du bois.

Cette collecte d’informations permet de répondre aux exigences de traçabilité pour une majorité du bois produit en forêt privée puisque les syndicats de producteurs forestiers peuvent agir comme tierce partie pour assurer la conformité sur l’origine du bois rond, allégeant au passage les processus de traçabilité pour l’industrie forestière. Ainsi, ces organisations peuvent assurer la traçabilité du bois dans une large partie de la chaîne d’approvisionnement des produits forestiers, soit les étapes encadrées dans le schéma précédent.

La FPFQ s’implique également lors des consultations pour l’établissement des normes de certification de chaîne de traçabilité. Dans les dernières années, ce travail aura permis de trouver des solutions permettant de s’assurer que ces normes conviennent au contexte de production ayant cours dans la forêt privée québécoise.