Nouveaux calculs de possibilité de récolte forestière en forêt privée
La possibilité de récolte forestière constitue le volume de bois qu’il est permis de prélever chaque année dans une zone donnée afin de réglementer le niveau de récolte pour garantir un approvisionnement durable en boisa. Le respect de cette possibilité constitue d’un indicateur essentiel permettant d’assurer l’aménagement durable des forêts.
En forêt publique, le Forestier en chef est responsable d’évaluer puis déterminer les possibilités forestières. Ce résultat est prescriptif puisqu’il constitue un volume maximal des récoltes annuelles de bois par essence ou groupe d’essence. Pour plusieurs raisons, dont la volonté de chaque propriétaire de récolter ou non du bois, la notion de possibilité forestière en forêt privée est davantage de nature indicative que prescriptive.
La détermination de la possibilité de récolte forestière en forêt privée est un exercice qui ne permet pas d’orienter les récoltes ou les investissements sylvicoles dans les peuplements forestiers les plus propices. Cette décision appartient aux propriétaires forestiers qui sont plus souvent qu’autrement soutenus par un conseiller forestier, un entrepreneur forestier ou leur syndicat de producteur de bois.
En forêt privée, les agences régionales de mise en valeur sont tenues de se fixer des objectifs quantifiables de production des ressources forestières dans leur plan de protection et de mise en valeur (PPMV). Qui plus est, compte tenu de la nécessité de se donner des objectifs de production de bois prévisibles et stables, la FPFQ et les syndicats de producteurs de bois se sont maintes fois impliqués dans la réalisation des calculs en forêt privée.
De 2013 à 2015, la FPFQ avait proposé aux partenaires de la forêt privée d’utiliser une nouvelle méthode simplifiée basée sur l’accroissement des volumes de bois sur pied et la disponibilité de bois mature pour déterminer la possibilité forestièreb. À l’époque, 14 agences sur 17 avaient eu recours à cette méthode pour réaliser les calculs de possibilité forestière en forêt privée. Cette possibilité fut alors chiffrée à 17,0 Mm³ par année.
Près d’une décennie plus tard, la FPFQ et la firme WSP se sont réassociées pour réaliser de nouveaux calculs de possibilité forestière sur la base des nouvelles données provenant du 5e inventaire écoforestier. Toutefois, la modification substantielle des intrants (inventaires et courbes de croissance) a nécessité la réalisation d’un banc d’essai pour adapter et valider la méthodologie utilisée lors des derniers calculs.
Le volume de bois sur pied en forêt
Chaque décennie, et depuis maintenant 50 ans, le MRNF réalise des travaux d’inventaire sur le territoire forestier du Québec. L’inventaire écoforestier permet, entre autres, d’estimer la qualité et le volume de bois sur pied, de caractériser la végétation et d’estimer la productivité des forêts. Depuis le premier inventaire réalisé dans les années 1970, le volume de bois sur pied en forêt privée n’a cessé de progresser, passant de 520 Mm³ au 1er inventaire écoforestier à 750 Mm³ lors du 4e inventaire (+44 % en environ 40 ans). L’agrandissement des superficies boisées, la sylviculture des plantations à meilleur rendement et un niveau de récolte inférieur à la croissance expliquent l’augmentation significative du stock sur pied.
Le 5e inventaire écoforestier ne fait pas exception à la tendance. Pour l’instant, les résultats disponibles pour 9 territoires d’agence indiquent une progression des volumes marchands de l’ordre de 30 %. Plus spécifiquement, on remarque une augmentation significative des volumes du groupe d’essence sapin-épinettes-pin gris (+53 %) qui constitue le groupe le plus limitatif au niveau de la possibilité en raison de la popularité de sa récolte.
Fait à noter, le nombre de placettes-échantillons par territoire d’agence ayant diminué drastiquement par rapport à l’exercice antérieur ne permet pas de prendre en compte la variabilité pouvant exister à l’échelle des peuplements. En d’autres mots, les marges d’erreur relatives s’avèrent plus importantes lorsqu’on compile les volumes par essence et par classe d’âge, et ce, bien qu’elles demeurent faibles dans leur globalité.
Les taux de croissance
Depuis quelques années, les tables de rendement utilisées pour identifier les taux de croissance ont été remplacées par des outils de simulation de la croissance du MRNF, comme Artémis. Ce modèle permet l’intégration de variables climatiques, comme la température annuelle et les précipitations annuelles moyennes, et tient compte partiellement de la variabilité régionalec. Artémis réagit aux conditions de densité et permet de mieux prévoir les décroissances.
Banc d’essai du calcul de possibilité forestière en forêt privée
Afin d’adapter la méthodologie de calcul aux limites du 5e inventaire et d’Artémis, la FPFQ et WSP ont réalisé un banc d’essai de leur calcul pour le compte des agences régionales de mise en valeur des forêts privées de la Chaudière et des Appalaches. Le MRNF, le bureau du Forestier en chef et Consultants forestiers DGR ont tour à tour été sollicités pour parfaire la méthode. Les calculs de possibilité ont ensuite été réalisés dans l’outil de simulation Forposs.
Entre le 4e et le 5e inventaire écoforestier, le volume de bois a progressé de 62 % pour le territoire de l’agence Appalaches et de 21 % pour le territoire de l’agence Chaudière. Le calcul de possibilité permet le maintien des volumes au cours de l’horizon afin de ne récolter que l’accroissement simulé (volume en croissance) et d’y ajouter des volumes conjoncturels. En effet, les inventaires révèlent que les deux tiers des forêts de ces territoires sont maintenant matures et propices à la récolte. Ce faisant, des volumes conjoncturels ont été simulés principalement dans les peupliers et bouleaux papiers matures puisque leur longévité est limitée et dans le groupe des autres feuillus, car le frêne et le hêtre sont menacés par des ravageurs forestiers.
En Appalaches, la possibilité de récolte forestière atteint dorénavant 1,78 Mm³, en progression de 0,66 Mm³ (+59 %). Cette hausse est principalement causée par une croissance accrue dans le groupe sapin-épinettes (+113 %) et par une décision visant à récolter des volumes conjoncturels dans les autres groupes d’essence. En conséquence, la réalisation de ce scénario de récolte se solderait par une baisse de 9,3 % du volume sur pied.
En Chaudière, la possibilité de récolte forestière ne s’accroît que de 7,3 % pour atteindre 1,36 Mm³. L’analyse des placettes-échantillons a révélé des accroissements inférieurs dans l’ensemble des strates. La hausse de 92 500 m³ de possibilité forestière est entièrement causée par la simulation de récolte de volumes conjoncturels, alors que le groupe sapin-épinettes enregistre même une diminution du volume en croissance étant donné l’augmentation du volume par hectare. La réalisation de ce scénario de récolte se traduirait par une diminution de 6,0 % des volumes inventoriés au cours de l’horizon de calcul.
Évolution de la possibilité de récolte forestière pour le territoire des agences Appalaches et Chaudière
(en m3/ha/année, sauf si spécifié)
Le banc d’essai a aussi permis le développement d’un outil cartographique d’aide à la mobilisation du bois. Cet outil cartographique permet aux acteurs régionaux d’évaluer géographiquement les peuplements propices à la récolte à partir d’une série de critères établis en concertation avec l’agence. Ces derniers sont les peuplements matures, les peuplements vulnérables à la tordeuse (lorsqu’applicable), les plantations et investissements sylvicoles à potentiel d’éclaircie commerciale, et les lots visés par la catégorie des immeubles forestiers. À noter que les secteurs de haute valeur de conservation ont été soustraits de cette carte.
Travail à venir
La réalisation d’un banc d’essai a permis d’établir une méthodologie simplifiée adaptée en permettant de traiter adéquatement les données du 5e inventaire écoforestier, de déterminer des taux de croissance essentiels au calcul et d’implanter ces nouvelles variables dans l’outil Forposs afin de calculer la possibilité de récolte forestière d’un territoire de forêts privées. La FPFQ entend proposer aux autres agences de mise en valeur des forêts privées d’évaluer la nouvelle possibilité forestière de leur territoire grâce à cette méthodologie modifiée.
c Fortin, M. et Langevin, L. 2010. Artémis-2009 : un modèle de croissance basé sur une approche individuelle pour les forêts du Québec. MRNF.