Plus de 2 Mm3 de bois rond toujours disponibles en forêt privée
La forêt privée dispose toujours d’importants volumes de bois qui permettraient à l’industrie forestière de combler ses besoins en approvisionnement de bois et ainsi réaliser des opportunités d’affaires intéressantes. En tout et pour tout, environ 2,6 Mm³ de bois rond demeurent disponibles en forêt privée pour soutenir des usines de sciage et de trituration.
Pour la période 2018-2023, les 13 gestionnaires régionaux de plans conjoints de producteurs de bois et le ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs (MFFP) ont conjointement évalué qu’il serait réaliste de mobiliser annuellement 8,8 Mm³ de bois par année en forêt privée, sur une possibilité de récolte forestière de 17,0 Mm³. Ce volume correspond à la somme de tous les produits, résineux et feuillus, de qualité trituration, sciage et déroulage. Le bois de chauffage, estimé à 1,8 Mm³, est exclu de cette évaluation.
Le volume mobilisable est déterminé à l’aide des données de possibilités de récolte forestière, les historiques de production, les conditions d’achat sur le marché, les ressources disponibles pour accompagner les propriétaires dans la récolte et le transport de bois, en plus d’une estimation de la volonté des propriétaires de récolter ou de faire récolter du bois dans leur boisé.
La comparaison entre la récolte réelle et l’estimation du volume de bois mobilisable permet d’établir les volumes de bois sans preneur pouvant soutenir le développement des usines de produits forestiers. À l’échelle de la province, toutes essences confondues, les propriétaires forestiers ont récolté 70 % du bois mobilisable en 2020. Globalement, 86 % des volumes mobilisables de bois de sapin, épinettes et pin gris ont été mis en marché par les producteurs forestiers. À l’inverse, à peine 49 % des feuillus mélangés, 48 % des peupliers et 59 % des autres résineux ont trouvé preneurs. Évidemment, ces volumes de bois délaissés demeurent disponibles pour générer d’importantes retombées économiques liées à leur transformation.
Proportion de bois de la forêt privée récolté en 2020 par rapport au bois mobilisable
Territoires de mise en marché du bois
La réalité du bois de sciage de sapin, épinettes et pin gris
L’accélération des activités de construction résidentielle et de rénovation a provoqué une hausse de la demande de matériaux en bois qui aura permis aux producteurs forestiers de mobiliser d’importants volumes de bois de sciage de sapin-épinettes. À preuve, en 2020 les producteurs ont récolté l’équivalent de 97 % de l’estimation globale pour ce groupe. Néanmoins, cette proportion cache des disparités régionales que nous devons adresser.
En effet, les volumes récoltés au Centre du Québec surpassent de 23 % les estimations initiales pour cette région. On peut penser que cela est dû en partie à un transfert des volumes initialement destinés aux marchés de la trituration vers le sciage, mais également à un rattrapage en raison d’une sous-récolte pendant plusieurs années. Cela force aujourd’hui les gestionnaires de plan conjoint de territoire à revoir à la hausse leurs estimations et surveiller de plus près le respect de la possibilité de récolte forestière sur leur territoire respectif. Il s’agit néanmoins d’une bonne nouvelle puisque les investissements sylvicoles des dernières décennies semblent porter fruit. En contrepartie, il existe toujours des volumes disponibles d’environ 560 000 m³ dans les 4 autres territoires.
La réalité du bois de trituration
Entre 2019 et 2020, les livraisons de bois de trituration de la forêt privée ont diminué de 16 %, occasionnant au passage une hausse des volumes de ces bois sans preneur. Deux phénomènes expliquent ce recul fondamental. D’une part, la fermeture de l’usine de Fortress à Thurso a provoqué une baisse des livraisons du bois à pâte feuillu dans l’Ouest du Québec ainsi qu’un afflux de bois des forêts publiques sur les marchés limitrophes. D’autre part, la pandémie a causé un ralentissement important des livraisons de bois de la forêt privée vers les usines de panneaux entre les mois d’avril et de juin. Malgré la forte demande pour ce matériau de construction, le retard accumulé dans les livraisons au cours de cette période n’a pu être comblé au cours des mois suivants.
En somme, seulement 42 % des volumes mobilisables de qualité trituration ont été récoltés en 2020. Des volumes significatifs demeurent disponibles dans toutes les régions et dans la très grande majorité des groupes d’essences. La forêt privée dispose donc d’un important bassin de bois de trituration à la disposition de projets industriels d’envergure. À cet effet, on peut espérer que la réouverture tant attendue de l’usine de panneaux OSB de West Fraser à Chambord contribuera à accroître la mobilisation de peupliers de trituration sur le territoire du Saguenay-Lac-Saint-Jean. Évidemment, d’autres régions bénéficieraient de projets similaires, notamment l’Ouest du Québec depuis la perte de Fortress.
Des solutions à notre portée
Prochainement, le MFFP et les gestionnaires de plans conjoints procéderont à une réévaluation des volumes de bois mobilisables dans les forêts privées. Il s’agit d’une étape préliminaire à l’évaluation des droits forestiers sur les terres publiques qui seront accordés à l’industrie forestière pour la période 2023-2028. D’ici là, les acteurs de la filière forestière peuvent déjà tenter de mettre à profit l’ensemble des volumes mobilisables en forêt privée en :
- combinant les volumes de bois sans preneur dans les forêts privées et publiques afin de soutenir l’agrandissement ou le démarrage d’installations industrielles;
- évaluant les effets des mesures de soutien aux opérations en forêts publiques sur la commercialisation du bois des forêts privées afin d’éviter de créer des écarts de compétitivité entre les deux modes de tenure sous l’effet de décisions gouvernementales;
- mettant en œuvre une formule de « récompense » pour les usines qui respectent ou dépassent leurs scénarios d’achat de bois de la forêt privée établis par le MFFP lors de l’allocation de bois de la forêt publique, afin de mettre en pratique le « principe de résidualité »;
- établissant un mécanisme de reddition de compte sur une base annuelle qui permettrait de s’assurer en toute transparence du respect du principe de la résidualité.