Soubresaut de l’épidémie de la tordeuse en 2023

L’épidémie de tordeuse des bourgeons de l’épinette (tordeuse) sévit depuis 2006 en forêt privée. Cette année, les superficies défoliées ont diminué fortement pour une deuxième année consécutive. Toutefois, la dernière année a été marquée par l’apparition de nouveaux foyers d’infestation et une forte hausse de l’intensité des dégâts.

L’inventaire aérien effectué par le ministère des Ressources naturelles et des Forêts (MRNF) démontre que les superficies infestées en forêt privée ont régressé d’environ 232 000 ha depuis l’an dernier pour atteindre 705 000 ha en 2023. Cette diminution est en grande partie attribuable à un déclin significatif de l’épidémie au Bas-St-Laurent. Il est impossible de savoir si cette diminution est temporaire ou si nous pourrions assister à une résurgence de l’infestation au cours des prochaines années.

On remarque cependant que l’intensité des dégâts s’est accentuée par rapport à l’an dernier. En 2022, les superficies touchées présentaient pour la plupart une défoliation légère, seulement 10 % se trouvaient dans les classes de défoliation modérée ou grave. En 2023, c’est plus d’un tiers (36 %) des superficies qui sont touchées d’une défoliation grave à modérée.

 

Faits saillants de l’évolution de l’épidémie en forêt privée

Forêts privées du Québec : l’insecte est présent sur une superficie équivalente à 10 % de toutes les forêts privées du Québec. La superficie affectée par l’épidémie a diminué de 25 % cette année, mais on estime qu’environ 16 000 propriétaires de boisés sont toujours affectés par l’épidémie.

 

Abitibi-Témiscamingue : les superficies touchées ont augmenté de près de 50 % pour atteindre 184 941 ha et l’intensité de l’épidémie s’est aussi accentuée. Les secteurs affectés par la tordeuse se situent au nord-ouest de l’Abitibi avec une progression des dommages vers l’est.

Bas-Saint-Laurent : c’est dans cette région qu’on observe la baisse la plus drastique des superficies infestées, passant de 394 571 ha à 29 138 ha. Qui plus est, les niveaux de défoliation relevés sont surtout légers. Il faut toutefois rester vigilant car cette tendance à la baisse n’est pas forcément signe de fin d’épidémie dans la région.

 

Capitale-Nationale : la superficie couverte par l’épidémie a pratiquement doublé comparativement à 2022 et a augmenté en intensité. C’est près de la moitié des 51 293 ha touchés qui présentent une défoliation élevée. À noter que l’infestation est concentrée presqu’exclusivement dans la MRC de Charlevoix-Est.

Chaudière-Appalaches : l’infestation est concentrée dans la MRC de L’Islet. Les superficies affectées sont stables avec 18 721 ha touchés, mais l’intensité de l’épidémie est passée de majoritairement légère à modérée.

Côte-Nord : les superficies touchées ont plus que doublé. Elles sont de 31 971 ha en 2023 alors qu’elles s’élevaient à seulement 15 218 ha l’année précédente. L’épidémie est toujours située dans le secteur entre Tadoussac et Forestville, mais l’intensité de défoliation y est plus élevée.

Gaspésie : les superficies touchées sont sensiblement les mêmes que celles de l’année 2022. Il s’agit toutefois de la région présentant la plus grande superficie de forêts privées infestées, soit 200 226 ha. Autre fait notable, plus de 60 % de la forêt privée gaspésienne est touchée par la tordeuse.

Laurentides : la région est l’hôte d’un nouveau foyer d’infestation localisé dans le secteur de Mont-Laurier. Les 9 479 ha touchés présentent une défoliation légère.

Mauricie : alors qu’aucun signe d’épidémie n’avait été détecté en 2022, il y a désormais 23 926 ha infestés selon une intensité légère en forêt privée. Les deux secteurs où se concentrent l’épidémie se trouvent au réservoir Gouin et au Lac-des-Dix-Milles.

Nord-du-Québec : les superficies affectées par la tordeuse ont triplé depuis l’année précédente pour atteindre 9 727 ha touchés. L’infestation, majoritairement d’intensité légère, est localisée dans les forêts privées entourant Lebel-sur-Quévillon et dans le secteur de Waswanipi.

Outaouais : les superficies touchées font un bond substantiel, passant de 224 ha à 51 978 ha. Le foyer d’infestation présentant une défoliation légère est toujours situé autour de Maniwaki.

Saguenay-Lac-Saint-Jean : l’épidémie présente une évolution en dent de scie dans cette région où on observe un net recul des superficies infestées cette année, passant de 135 083 ha à 93 845 ha, alors qu’elles étaient en augmentation entre 2021 et 2022. Cependant, l’intensité de l’épidémie est plus élevée dans le secteur de l’Anse-St-Jean et de la frontière avec la Capitale-Nationale.

Il faut toutefois mentionner que les résultats des relevés aériens sont un portrait de l’étendue de l’insecte. Ils ne distinguent pas les forêts les plus à risque de dépérissement. Si on considère uniquement les peuplements vulnérables à la tordeuse, les superficies infestées s’avèrent beaucoup moins élevées.

 

Bilan du programme de protection des investissements sylvicoles en petites forêts privées

Les boisés privés de moins de 800 hectares d’un seul tenant peuvent bénéficier d’un programme de protection par arrosage d’insecticide biologique Btk (d’autres programmes étant conçus pour les plus grands propriétaires forestiers). Cet outil de contrôle des dommages de l’insecte se limite aux peuplements forestiers vulnérables ayant bénéficié d’investissements sylvicoles comme des plantations ou des éclaircies. La mise en œuvre du programme est confiée à la Société de protection des forêts contre les insectes et maladies (SOPFIM) qui travaille en collaboration avec les intervenants en forêt privée.

La superficie totale traitée par arrosage en 2023 s’est élevée à 5 125 hectares. Il s’agit d’une baisse de plus de 60 % par rapport à 2022 en raison de la diminution de l’intensité de l’épidémie principalement au Bas-Saint-Laurent. Au total, 316 propriétaires forestiers ont pu bénéficier des arrosages réalisés par la SOPFIM afin de protéger leurs investissements sylvicoles. Les propriétaires forestiers inquiets pour leurs investissements sylvicoles peuvent consulter le site Web de la FPFQ pour obtenir davantage d’informations.

 

 

La protection des investissements sylvicoles contre la tordeuse : une responsabilité partagée

La mise en œuvre du programme est principalement confiée à la SOPFIM, mais la responsabilité de la protection des investissements sylvicoles contre la tordeuse en forêt privée incombe également aux propriétaires et conseillers forestiers.

 

Préparation à l’épidémie

Il est possible de se préparer à la venue de l’épidémie en évaluant la vulnérabilité de son boisé. La vulnérabilité se définit par la probabilité que les arbres meurent après plusieurs années de défoliation grave. Les essences les plus à risque de mortalité sont principalement le sapin baumier, l’épinette blanche et l’épinette de Norvège. De plus, le risque de mortalité augmente si les arbres sont matures, s’ils ont peu de feuillage étant donné la densité de la forêt ou s’ils sont établis sur des sites peu productifs. La FPFQ met à la disposition des propriétaires forestiers une carte interactive permettant de visualiser la progression de l’épidémie. Elle permet de vérifier si un peuplement forestier vulnérable est présent sur un lot boisé simplement en entrant son adresse. 

Afin de minimiser les pertes en volume, les propriétaires forestiers sont encouragés à récolter de façon préventive les peuplements forestiers vulnérables. Ils sont également incités à récupérer rapidement le bois des peuplements fortement affectés. Néanmoins, avant d’entreprendre une récolte, les producteurs forestiers devraient s’informer des possibles débouchés sur les marchés auprès de leurs syndicats et offices de producteurs de bois. Il est également impératif qu’ils se préoccupent de rétablir une régénération naturelle adéquate ou de s’assurer de la disponibilité de plants forestiers pour le reboisement.

Les prochaines étapes

La FPFQ poursuit son travail de concertation en collaboration avec Groupements forestiers Québec, le MRNF et la SOPFIM afin d’atténuer l’impact de l’épidémie de la tordeuse sur les forêts privées. Les agences régionales de mise en valeur des forêts privées et les conseillers forestiers indépendants participent aussi aux efforts visant à atténuer les impacts de l’épidémie. Les travaux devront se poursuivre afin d’adresser les enjeux que vivent les producteurs forestiers des régions affectées comme :  

  • assurer une meilleure coordination de la récolte des volumes de bois provenant des forêts publiques et privées affectées par la tordeuse.
  • augmenter la disponibilité des plants forestiers et les budgets de mise en valeur pour remettre en production les sites récoltés. Le manque de ressources actuel est inquiétant pour l’avenir du potentiel forestier. Les plantations en forêt privée ont pourtant démontré d’excellents résultats de productivité.    
  • poursuivre la diffusion d’informations et l’analyse des besoins régionaux, notamment de l’Abitibi-Témiscamingue, de Chaudière-Appalaches, de la Capitale-Nationale, des Laurentides et de la Mauricie qui sont maintenant atteintes par l’épidémie.     

En terminant, la FPFQ rappelle que la vigilance des propriétaires forestiers est de mise pour détecter et remédier aux effets perturbateurs de l’épidémie.  

Pour tout savoir sur l’épidémie en cours, rendez-vous au foretprivee.ca/tordeuse.