Taxer l'effort sylvicole

L’accroissement des taxes municipales imposées aux propriétés forestières est une cause d’inquiétude chez les producteurs forestiers. L’analyse des taxes et des valeurs foncières municipales au cours des 20 dernières années met en évidence un transfert du fardeau fiscal municipal vers les producteurs forestiers. La progression des charges fiscales des propriétaires forestiers nuit à la rentabilité des activités de récolte en forêt privée et incidemment, à la mobilisation du bois.

Pour dresser ce constat, la FPFQ a analysé l’évolution de près de 60 000 unités d’évaluation de terrain forestier dans l’ensemble des municipalités du Québec[1] sur une période de 20 ans, à partir du sommaire du rôle d’évaluation foncière tenu par le ministère des Affaires municipales et de l’Habitation. Il s’agit d’un échantillon très important en regard des 134 000 propriétaires forestiers que l’on retrouve au Québec.

Entre 1999 et 2019, les taxes municipales des terres boisées du Québec[1] ont augmenté en moyenne de 5,7 % par année[2]. À titre indicatif, les taxes municipales moyennes payées sur une propriété forestière en 1999 s’élevaient à 191 $ alors qu’en 2019, elles atteignaient 581 $ par unité d’évaluation, soit une progression de 204 % en l’espace de deux décennies. Cette progression dépasse largement l’inflation (≈1,7 % par an).

La figure suivante illustre les hausses relatives des valeurs foncières et des taxes municipales des propriétés boisées du Québec. À titre comparatif, nous avons inclus les hausses pour les immeubles résidentiels de type unifamilial puisque ceux-ci constituent généralement la base de l’assiette foncière municipale. Bien que la croissance de la valeur foncière des résidences unifamiliales ait été supérieure à celle des boisés au cours des 20 dernières années (284 % par rapport à 244 %), celle du fardeau fiscal fut plutôt inversée. En effet, le fardeau fiscal des boisés (+204 %) a augmenté plus rapidement que celui des résidences unifamiliales (+159 %). Il y a donc eu, à l’échelle du Québec, un transfert du fardeau fiscal des municipalités vers les propriétaires forestiers.

Hausse du fardeau fiscal et de la valeur foncière des immeubles résidentiels et forestiers du Québec de 1999 à 2019

L’analyse par région permet de constater que l’ampleur de la problématique diffère d’une région à l’autre. En effet, des régions comme Chaudière-Appalaches, le Témiscamingue et la Mauricie ont connu un transfert du fardeau fiscal important vers les propriétaires forestiers. À la différence, la hausse des taxes sur les boisés et les résidences unifamiliales fut similaire au Saguenay-Lac-Saint-Jean et dans la Capitale-Nationale.

[1] Excluant les régions de Laval, Montréal, la Montérégie, la Côte-Nord, le nord du Québec et l’Abitibi.
[2] Croissance annuelle composée.

Évolution des taxes municipales des propriétaires forestiers québécois

Une part grandissante des revenus du bois remise aux municipalités

Les taxes municipales réduisent de plus en plus la rentabilité des activités forestières. En effet, la proportion du fardeau fiscal municipal sur les revenus générés par la vente de bois ne cesse de s’accroître au fil des ans puisque le prix du bois rond augmente moins rapidement que les comptes de taxes. En 1999, les charges fiscales municipales représentaient 3,9 % des revenus générés par les activités de récolte du bois. En 2019, cette proportion atteignait plutôt 9,4 %. Chaque année, le fardeau fiscal gruge une part plus importante des revenus, à l’exception de 2018 où extraordinairement, le prix du bois a crû plus rapidement en raison d’une flambée du prix du bois d’œuvre. Néanmoins, en 2019, cette lourde tendance reprenait son cours.

Comparaison du coût des taxes municipales sur les revenus générés par la production de bois

Au Québec, cet enjeu est d’autant plus critique que les forêts publiques, principales sources de concurrence des producteurs de bois sur terres privées, ne sont pas taxées. Ceci crée nécessairement un écart de compétitivité entre les deux modes de tenures forestières. La diminution de la rentabilité de la production de bois affecte le dynamisme des activités sylvicoles en forêt privée. Par conséquent, plusieurs municipalités rurales se privent ainsi de retombées liées à une plus grande mise en valeur des ressources des forêts privées.

Fort heureusement, des solutions sont à notre portée pour insuffler une dose de dynamisme aux activités forestières en forêt privée. En mars dernier, l’Assemblée nationale du Québec a adopté les modifications à la Loi sur la fiscalité municipale afin de permettre aux municipalités de miser sur la fiscalité pour accroître l’aménagement forestier et stimuler la mise en valeur des forêts privées. Les municipalités pourront dorénavant mettre de l’avant des incitatifs fiscaux pour une nouvelle catégorie d’immeubles forestiers. Nous reviendrons plus amplement sur ces nouvelles mesures et les raisons qui militent en faveur d’une adoption de celles-ci par les municipalités lors de notre prochaine infolettre.