Un Plan Nature 2030 pour sauver la biodiversité

La COP-15 tenue récemment à Montréal a incité le monde à se mobiliser contre le déclin de la nature et l’effritement de la biodiversité. Encensant le pas, le Québec souhaite se doter d’un Plan Nature 2030 dont plusieurs cibles viseront nécessairement la forêt privée. La mise en œuvre de ce plan ne pourra s’effectuer avec succès sans la participation des propriétaires forestiers et des acteurs de la forêt privée.

La conclusion de la 15e réunion (COP-15) sur la Convention des Nations Unies sur la diversité biologique a débouché en décembre 2022 sur l’adoption du Cadre mondial de la biodiversité de Kunming-Montréal. Dans un contexte marqué par le déclin dangereux de la nature et de l’effritement de la biodiversité, ce plan stratégique adopté par 195 États comporte 23 cibles afin de protéger la nature, de mettre un frein et de remédier à la perte de biodiversité d’ici 2030.

Une cible phare de ce plan consiste à protéger 30 % des terres et des océans de la planète : engagement aussitôt repris par le Canada, le Québec et quelques municipalités. Fait d’intérêt pour les propriétaires forestiers, le plan vise à ce que les superficies consacrées à l’agriculture et à la sylviculture soient gérées de manière durable et plusieurs cibles du cadre font référence à la nécessité de respecter les droits des populations autochtones et des communautés locales (on comprendra ici l’inclusion des propriétaires forestiers).

Conséquemment, le gouvernement du Québec propose l’adoption d’un Plan Nature 2030 afin d’atteindre les cibles du Cadre mondial pour la biodiversité. Le ministère de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs (MELCCFP) a lancé en septembre 2023 un chantier de réflexion nationale et régionale pour établir ce Plan Nature 2030. La Fédération des producteurs forestiers du Québec (FPFQ) et ses syndicats affiliés ont participé activement aux consultations puisque l’atteinte de plusieurs cibles repose sur la participation des propriétaires forestiers et des intervenants en forêt privée.

La proposition de cibles du Plan Nature 2030

Le MELCCFP a d’abord regroupé et reformulé les objectifs internationaux conformément au contexte québécois. Les 14 cibles du Plan Nature 2030 du gouvernement du Québec s’articulent autour de quatre axes.

Les préoccupations des propriétaires forestiers

Depuis plusieurs années, les producteurs forestiers œuvrent à une meilleure cohabitation entre la mise en valeur des forêts privées et la préservation de la biodiversité. Pour réaliser les ambitions du Plan Nature, les interventions gouvernementales doivent être modulées pour fournir à ces gestionnaires du territoire les outils nécessaires.

La FPFQ propose de remettre au cœur de la démarche le concept de collaboration avec « les peuples autochtones et les communautés locales », car ce concept a été évacué des cibles provinciales. De toute évidence, une meilleure concertation avec les propriétaires forestiers et leurs organisations contribuera à faire de cette stratégie un succès. Ce faisant, le gouvernement pourra s’allier naturellement aux 134 000 propriétaires forestiers pour mettre en œuvre le Plan Nature en suivant les recommandations suivantes :

1.  Reconnaître de manière prépondérante les producteurs forestiers comme des acteurs incontournables dans la préservation et l’utilisation durable du territoire pour fins de conservation de la biodiversité au Québec

Malgré l’importance accordée au respect des communautés locales évoqué dans plusieurs cibles du Cadre mondial de la biodiversité, nous constatons jusqu’à présent que la voix des producteurs forestiers est minimisée par l’abondance des autres parties prenantes souhaitant imposer leurs solutions sur les terres des producteurs. La FPFQ recommande de passer du mode consultatif à celui de la concertation, qui est un processus de discussion et de collaboration beaucoup plus direct et respectueux des propriétaires responsables de la mise en œuvre des stratégies du plan dans leurs boisés.

2. Miser sur l’aménagement forestier et ses outils de gestion pour consolider les acquis en biodiversité

L’aménagement durable des forêts privées est un concept consacré par le gouvernement et les producteurs forestiers depuis des décennies. La majoration des programmes d’aide à la mise en valeur des forêts privées pourrait permettre d’enclencher des stratégies d’aménagement forestier permettant d’assurer la résilience des forêts aux changements climatiques et valoriser la biodiversité. Autrement, le financement de plans d’aménagement forestier bonifiés permettrait de s’assurer que les propriétaires forestiers bénéficient d’un outil de gestion complet pour s’attaquer aux enjeux de biodiversité. Finalement, il faudra prévoir des indemnisations aux propriétaires devant protéger des éléments essentiels de la biodiversité au détriment de leurs activités.

3. Reconnaître les écobénéfices de l’application de saines pratiques de gestion forestière

Les activités forestières et acéricoles contribuent à maintenir des forêts productives et résilientes, conservent la vocation forestière du territoire, constituent le meilleur rempart contre l’artificialisation des milieux naturels et maintiennent des corridors écologiques essentiels. Mieux encore, la réalisation d’interventions forestières durables permettra de générer une variété d’habitats favorables à l’ensemble de la biodiversité.

4. Développer une servitude forestière pour améliorer la connectivité et l’efficacité du réseau d’aires protégées

En forêt privée, le déploiement d’une servitude forestière en collaboration avec les producteurs forestiers et acéricoles pourrait constituer une solution efficace pour accroître rapidement les superficies soumises à des engagements légaux de conservation, tout en permettant l’utilisation durable des ressources forestières et acéricoles.

5. Appuyer les initiatives de protection de la biodiversité en forêt privée

Depuis plus de 30 ans, la FPFQ et les partenaires du secteur de la forêt privée ont développé des techniques d’aménagement forêt-faune et de protection adaptées aux besoins des propriétaires forestiers et des milieux fauniques qu’ils préservent. Il faudra majorer les budgets d’aide à la conservation volontaire, à la mise en valeur de la biodiversité et à l’aménagement forêt-faune afin de les rendre accessibles à davantage de propriétaires forestiers.

6. Accélérer le déploiement des crédits compensatoires de carbone forestier

L’utilisation des crédits compensatoire de carbone forestier pourrait permettre de générer beaucoup d’écobénéfices, tels que la restauration d’écosystèmes ou la protection de territoires. Pour que la biodiversité en profite, il faudra simplifier l’implantation de projets de crédits compensatoires de carbone forestier, accélérer leur déploiement et développer un protocole d’amélioration des pratiques forestières.

7. Reconnaître le matériau bois

La cible 11 du MELCCFP prévoit « encourager et donner les moyens aux Québécois de faire des choix de consommation durable ». Or, le bois est le seul matériau issu d’une ressource renouvelable, lorsque géré de manière durable comme au Québec.

8. Contrôler les gibiers en surabondance qui nuisent à la biodiversité

Il faut établir des cibles de prélèvement des gibiers en surabondance, comme le cerf de Virginie, en fonction de la capacité de support de l’habitat afin de conserver l’intégrité des écosystèmes au profit de la biodiversité.

Consultez le mémoire de la FPFQ pour comprendre la nécessité de confier la mise en valeur de la biodiversité des forêts privées aux producteurs forestiers.

[1] Résumé de la FPFQ à partir cibles présentées dans le cahier des participants du 27 sept 2023 lors du Rendez-vous national de la biodiversité.