Frappant nos forêts de façon cyclique environ tous les 30 ans, la tordeuse des bourgeons de l’épinette est en recrudescence dans plusieurs régions du Québec. En 2017, 13% de la forêt privée totale était déjà affectée par la tordeuse.

Les municipalités ont un rôle à jouer dans la gestion de cette catastrophe naturelle qui aura un impact important sur le couvert forestier régional. Des récoltes de récupération des bois seront nécessaires pour les peuplements forestiers vulnérables à l’insecte, car autrement, les arbres mourront sur pied. Ces récoltes demanderont l’émission de permis d’abattage d’arbres pour des situations qui ne sont pas toujours prévues au règlement de la municipalité. Des arrosages d’insecticide biologique seront également réalisés dès l’été 2018 pour protéger les jeunes forêts ne pouvant pas être récoltées de façon préventive. Toutes les actions à mettre en place pour atténuer les impacts de cette épidémie nécessiteront une bonne communication entre le milieu municipal et les acteurs du milieu forestier.

La tordeuse revient de façon cyclique. Cette photo aérienne montre, en 1982, un peuplement de sapin baumier et d’épinette noire affecté (à droite) par la TBE dans le secteur de la rivière St-Jean en 1982. Source : Ressources naturelles Canada

 

Source : Ressources naturelles Canada

La tordeuse des bourgeons de l’épinette, souvent appelée TBE ou tordeuse, est l’insecte le plus destructeur des peuplements de conifères en Amérique du Nord. Lors de la dernière épidémie, jusqu’à 35 millions d’hectares de forêt ont été perturbés au milieu des années 70 où toutes les régions du Québec avaient été affectées. Le retour de cet insecte au stade épidémique est une préoccupation importante pour les forestiers. Déjà, sept millions d’hectares sont infestés par l’insecte, dont 913 000 hectares de boisés privés. La Fédération des producteurs forestiers du Québec (FPFQ) estime que 15 000 propriétaires de boisés subissent actuellement les conséquences de cette épidémie à divers degrés.

Superficies infestées par la TBE selon le mode de tenure en 2017

Source : Ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs. Compilation : Fédération des producteurs forestiers du Québec

L’insecte s’attaque principalement au feuillage annuel du sapin baumier, de l’épinette blanche, ainsi qu’à un degré moindre, de l’épinette rouge et de l’épinette noire. À la suite des attaques de la TBE, c’est le sapin baumier qui est le plus vulnérable à mourir. Cette vulnérabilité des arbres à mourir augmente avec l’âge et la densité des peuplements.  Au moins quatre années rapprochées de défoliation grave sont nécessaires avant que les premiers arbres meurent, ce qui laisse un certain temps aux propriétaires pour agir avant de perdre leur bois.

Photos montrant la défoliation grave des sapins dans un boisé privé du Témiscouata en septembre 2017

Source : Fédération des producteurs forestiers du Québec

 

Source : Fédération des producteurs forestiers du Québec

D’après les experts, il est impossible de prédire l’évolution de l’épidémie au cours des prochaines années. Mais toutes les régions ayant des peuplements forestiers vulnérables à la TBE sont à risque de subir des dommages. Les conséquences de cette épidémie sont graves pour les propriétaires de boisés et les communautés rurales. Lors de la dernière épidémie, les actions ont tardées à venir et de nombreux propriétaires de boisés ont vu une partie de leur forêt dépérir sans que l’on puisse intervenir efficacement pour limiter les pertes. De plus, une quantité importante d’arbres morts dans les peuplements augmente les risques d’incendie forestier, nuit aux activités récréatives comme la chasse et entrave les activités de reboisement nécessaires lorsque la régénération naturelle est déficiente.

Au niveau provincial, l’envergure de la problématique surpasse la capacité des organisations œuvrant en forêt privée à faire face seules à cette nouvelle épidémie. C’est pourquoi la FPFQ, le Regroupement des sociétés d’aménagement forestier du Québec (RESAM) et le ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs (MFFP) ont convenu de former une cellule d’urgence afin de coordonner les actions à réaliser pour atténuer les impacts pour les propriétaires de boisés et les communautés. Un plan de concordance des actions régionales et provinciales a été établi pour travailler à atténuer les impacts de l’épidémie en forêt privée.

Au niveau régional, une des premières étapes pour les municipalités est de prendre conscience de la vulnérabilité des peuplements forestiers. Cette vulnérabilité dépend en grande partie de la présence du sapin mature dans les peuplements forestiers. Des cartes régionales sont souvent disponibles auprès des agences régionales de mise en valeur des forêts privées. Afin de rendre accessibles ces informations, la FPFQ a publié une carte interactive qui permet de visualiser la situation de l’épidémie ainsi que les peuplements forestiers vulnérables. Présentement, sept régions administratives sont maintenant cartographiées et le travail se poursuit pour ajouter les autres régions.

Carte interactive montrant les peuplements vulnérables à la TBE dans la région de Chaudière-Appalaches

Au niveau du lot boisé, les propriétaires voulant limiter le dépérissement de la forêt peuvent se préparer et agir pour atténuer les impacts. Ainsi, la récolte des sapinières et pressières blanches matures avant l’arrivée de l’épidémie est le meilleur moyen d’éviter les pertes de bois. Cette récolte hâtive permet de favoriser l’établissement de jeunes peuplements plus diversifiés et donc plus résistants aux attaques de l’insecte. D’autres travaux sylvicoles préventifs peuvent aussi être réalisés. Ils consistent à diminuer la présence de sapins et à modifier la composition des peuplements pour favoriser la présence d’essences moins vulnérables à l’insecte.

Photo de récolte dans un peuplement mixte à dominance de sapin gravement affecté par la TBE dans la région du Témiscouata en septembre 2017

Source : Fédération des producteurs forestiers du Québec

Cette catastrophe naturelle occupera l’actualité forestière pour encore plusieurs années. Puisqu’il s’agit du début de cette épidémie, il faut s’attendre à ce que les dégâts causés par l’insecte augmentent, tout comme le nombre de propriétaires forestiers touchés. Déjà, les programmes gouvernementaux de protection et de mise en valeur des forêts privées ne suffisent plus aux besoins. Avec l’augmentation de la récolte, il faudra notamment bonifier les fonds disponibles pour le reboisement.  Le retour rapide à un capital forestier est important afin de permettre aux municipalités rurales de maintenir une activité économique reliée à la transformation des produits forestiers.

Pour tout savoir sur l’épidémie en cours, consultez foretprivee.ca/tordeuse.

Marc-André Rhéaume, ing. f.
Fédération des producteurs forestiers du Québec
2018-01-16