Diverses mesures fiscales et exemptions de taxes sont à la disposition des propriétaires et producteurs forestiers du Québec, mais ceux-ci ne sont pas toujours au courant de leur existence.

À l’approche de la période des impôts, qui cause souvent des maux de tête aux producteurs forestiers, Forêts de chez nous a interrogé des spécialistes en fiscalité du domaine forestier afin de répertorier les mesures disponibles et la façon de s’y qualifier. Le directeur du Service de comptabilité et de fiscalité de l’UPA (SCF Estrie inc.), Bernard Lévesque, indique que la base pour les propriétaires de boisés est d’avoir un plan d’aménagement forestier et de posséder le statut de producteur forestier, puisque ces exigences sont obligatoires pour s’inscrire à plusieurs programmes, dont le remboursement de taxes municipales et scolaires. « Je recommande aussi aux propriétaires de conserver leur déclaration fiscale afin de démontrer les opérations agricoles. Le plus simple pour bien se préparer aux impôts, c’est d’apporter sa tenue de livres à son comptable et de demander le rapport d’ingénieur faisant état des travaux effectués en plus de fournir les comptes de taxes municipales et scolaires de la dernière année. Il y a des possibilités de récupération de la TPS et de la TVQ sur les achats d’équipements et de machinerie », dit-il.

Bernard Lévesque évoque aussi la possibilité d’obtenir un remboursement de la taxe d’accise provinciale sur le carburant, mais il recommande d’en parler à son spécialiste. « Ça s’applique uniquement aux véhicules hors route qui travaillent en forêt », signale-t-il.

M. Lévesque explique que chaque cas doit être examiné individuellement pour permettre au propriétaire de profiter des mesures qui sont le mieux adaptées à sa situation. « Dans certains cas, un REER fait mieux le travail que le programme d’étalement des revenus. Un comptable ou un fiscaliste pourra prendre de meilleures décisions s’il est en possession de toute l’information. On demande aux propriétaires de nous fournir le plus de détails possible », précise-t-il.

Étalement des revenus

Pour être admissible au programme d’étalement des revenus, mesure s’appliquant uniquement au provincial, il faut être considéré comme un particulier et être résident du Québec. « Il faut aussi être reconnu comme producteur forestier, c’est-à-dire avoir un certificat délivré en vertu de la Loi sur l’aménagement durable du territoire forestier attestant sa qualité de producteur forestier. Il faut également prouver des activités marchandes reconnues avec un acheteur ayant un établissement au Québec, et non pas seulement la vente au détail de bois de chauffage, par exemple », précise Mathieu Bernier, M. Fisc., fiscaliste et directeur du Service de comptabilité et fiscalité de la Fédération de l’UPA du Bas-Saint-Laurent.

M. Bernier explique qu’il est possible d’obtenir une déduction d’un montant qui ne dépasse pas 85 % du moins élevé des montants entre 200 000 $ et le revenu net de l’année relié à l’exploitation de son boisé. « Si un producteur vend du bois pour 50 000 $ et qu’il a 10 000 $ de dépenses pour un revenu net de 40 000 $, il pourra déduire 85 % de 40 000 $ et le répartir sur les sept années suivantes, mais il devra inclure au moins 10 % pendant cette période de sept ans jusqu’à l’inclusion du montant global. Cela peut être avantageux pour un producteur qui doit faire une coupe importante une année, mais qui ne prévoit pas d’autres coupes les années suivantes. Ce n’est cependant pas avantageux dans tous les cas. Il vaut mieux présenter son profil à un spécialiste », ajoute-t-il.

Vente de lots boisés

Il existe aussi des programmes visant à minimiser l’impact fiscal lors de la vente d’un lot boisé, que ce soit à un étranger ou à un membre de sa famille. «Pour la vente à un étranger, il faut apporter son contrat de vente, le contrat d’achat du terrain et les factures de travaux d’amélioration qui ont été effectués. Cela nous permet de calculer le gain en capital, qui est imposable à 50 % au Canada actuellement. Dans certains cas, il y a possibilité de demander une exemption pour gain en capital. Par contre, plusieurs critères doivent être respectés. Pour un transfert intergénérationnel, il y a possibilité que la transaction soit sans aucun impact fiscal si le cédant peut prouver que des activités agricoles ont été effectuées pendant plus de la moitié des années de possession, et cela se prouve en fournissant ses déclarations d’impôt. Pour le transfert intergénérationnel, la valeur de la propriété pour les impôts demeure celle du coût d’achat pour le parent. Il est important de vérifier auprès de son comptable quelles sont les meilleures options possibles avant de faire la transaction», souligne M. Lévesque.

« Il est possible de profiter des avantages fiscaux réservés aux producteurs agricoles dans la mesure où on qualifie nos activités de sylviculture. Pour pouvoir se qualifier comme sylviculteur, un producteur doit avoir comme activité principale la culture, l’entretien et le développement de son peuplement, et non la vente de bois », mentionne M. Lévesque.

Pour un transfert intergénérationnel sans impact fiscal, qui peut être effectué entre un parent et son enfant, ses petits-enfants, la conjointe d’un enfant ou la conjointe de petits-enfants, Mathieu Bernier précise qu’il faut détenir un plan d’aménagement forestier en vigueur et le respecter.

Il ajoute également qu’il est possible d’être admissible à l’exonération pour gain en capital sur les biens agricoles sous réserve de plusieurs critères à respecter. « On fait référence à une exonération pour gain en capital pouvant atteindre 1 M$ », précise M. Bernier.

Mathieu Bernier

Gérald Vinette

Raisonnable et justifiable

Gérald Vinette, comptable de formation et adjoint administratif à la Fédération des producteurs forestiers du Québec, résume bien la ligne directrice qui devrait guider les forestiers dans la préparation des dépenses admissibles à une déduction d’impôt. « Il faut que ce soit raisonnable et justifiable. Par exemple, il est raisonnable de penser qu’un propriétaire de boisé utilise un VTT pour effectuer des travaux sur sa propriété, mais pas quatre. Aussi, c’est un peu louche si le producteur ne peut démontrer aucun travail sur son boisé, mais réclame des dépenses. En même temps, il ne faut pas avoir peur de réclamer puisque les exemptions sont là pour être utilisées. Moi, je dis que dans le doute, il vaut mieux apporter les factures prouvant des dépenses à son comptable. Au pire, il va dire que ce n’est pas utilisable », mentionne-t-il.

«Également, il est important de déterminer si l’intention primaire du propriétaire est de faire des profits ou d’utiliser son boisé comme lieu de loisir. S’il y a un espoir raisonnable de faire des profits, il faudra déclarer ses revenus moins ses dépenses. Si c’est pour le loisir, les dépenses ne sont pas admissibles», ajoute Mathieu Bernier.

Éviter la boîte de chaussures ou le sac de plastique

M. Vinette souligne que plusieurs propriétaires de boisés ne vivent pas de l’exploitation de leur forêt et qu’ils ont tendance à négliger la tenue de livres des dépenses et des revenus liés à leur propriété. « Plus de 90 % des producteurs forestiers du Québec ne gagnent pas leur vie avec leur boisé. Certains ont un emploi à temps plein et font quelques travaux sur leur propriété lors des vacances. Plusieurs sont des producteurs agricoles qui tirent un revenu d’appoint de leur lot boisé. Souvent, ils n’ont pas ou peu de revenus, mais c’est important qu’ils prennent le temps de regrouper leurs factures. Certains nous apportent tout ça dans une boîte de chaussures ou un sac de plastique. On le prend pareil, mais ce n’est pas l’idéal. Ça allonge notre travail et on peut mettre de côté des factures qui auraient été admissibles par manque d’information. Je recommande une tenue de livres minimale avec une liste des dépenses et des pièces justificatives », ajoute-t-il.

Le spécialiste note que plusieurs producteurs oublient des dépenses importantes et passent ainsi à côté de déductions d’impôt auxquelles ils auraient eu droit. « Parfois, on peut partager l’utilisation d’un équipement entre le travail et le loisir, et réclamer un pourcentage des dépenses. Tant que c’est raisonnable et justifiable, ça va. On me dit souvent : “Je ne savais pas que cette dépense était admissible, je n’ai pas gardé mes factures.” Il vaut toujours mieux en garder plus que moins. Par exemple, un propriétaire ne pensait pas que les dépenses liées à l’utilisation d’une petite “pépine” étaient admissibles. Dans le doute, je conseille aux propriétaires de contacter leur comptable », mentionne M. Vinette. Le gouvernement accepte et comprend qu’un arbre ne pousse pas comme une carotte et que ça prend plusieurs années avant qu’on puisse le récolter pour en faire des profits. Avec une bonne tenue de bureau et un plan d’aménagement forestier, il est possible de présenter des dépenses sans revenus immédiats, encore une fois, tant que c’est raisonnable », précise Gérald Vinette.

Rappel des mesures fiscale accessibles aux producteurs forestiers

Remboursement des taxes foncières
Déduction sur le revenu des dépenses admissibles
Remboursement de la taxe sur le carburant
Étalement du revenu forestier
Remboursement des taxes de vente
• Autres mesures lors de l’achat et la vente d’un lot boisé

M. Vinette recommande aux propriétaires qui sont à la recherche de conseils sur la fiscalité ou la comptabilité forestière de consulter la section Je cherche du financement. « C’est un bon outil de consultation, facile à utiliser et à comprendre », assure-t-il. M. Vinette recommande également de communiquer avec les services de comptabilité et de fiscalité de l’UPA présents dans chacune des régions.

Article paru dans la revue Forêts de chez nous, édition février 2020.