Anomalie de la relation commerciale entre le Canada et les États-Unis, le libre-échange n’existe pas dans les échanges transfrontaliers de bois d’œuvre résineux.

Éditorial FCN

Des accords sont négociés entre les deux pays pour permettre aux scieries canadiennes d’avoir un accès limité aux marchés américains. Selon ces accords, des quotas sont imposés pour réduire les volumes de bois d’œuvre canadien exportés aux États-Unis ou augmenter leur prix sur ce marché par l’imposition d’une taxe à l’exportation. Si le Canada n’accepte pas de négocier de tels accords, les États-Unis déclenchent alors une guerre commerciale en imposant unilatéralement une taxe sur le bois d’œuvre canadien. Historiquement, cette menace s’est répétée à l’échéance de chacun de ces accords négociés pour quelques années.

Pour justifier ce comportement, les Américains prétendent que le prix du bois de la forêt publique représente une subvention aux scieurs canadiens en raison du faible taux de redevances exigé par les gouvernements. De savantes analyses viennent appuyer ou contredire cette prétention, selon le point de vue qu’on adopte sur cette question.

Les producteurs de bois de la forêt privée subissent les contrecoups de cette guerre commerciale entre les deux pays, car les accords prévoient peu pour tenir compte de leur situation différente. Pourtant, les 450 000 propriétaires forestiers canadiens ne diffèrent pas des 10 millions de propriétaires forestiers américains. Ces deux groupes tentent d’obtenir le meilleur prix sur le marché lorsqu’ils commercialisent le bois récolté dans leurs boisés. Voilà l’autre anomalie: dans les faits, le bois d’œuvre produit en transformant du bois de la forêt privée est traité de la même façon que le bois de la forêt publique, mis à part chez quelques scieurs frontaliers bénéficiant d’une exemption.

La Fédération des producteurs forestiers du Québec et les associations de propriétaires forestiers des autres provinces canadiennes revendiquent donc une clause d’exemption pour les bois provenant des forêts privées dans l’entente actuellement en négociation. Nous croyons que la proportion du bois d’œuvre produit dans les scieries à l’aide de bois rond provenant de forêts privées, canadiennes ou américaines, devrait être exempte de taxes ou quotas à l’exportation. Autrement, les Américains s’attaquent à la petite entreprise privée constituée de dizaines de milliers de producteurs forestiers. Un non-sens.

Nous ne sommes cependant pas à la table des négociations, et la prise en compte de notre réalité passera par la volonté des ministres provinciaux Luc Blanchette et Dominique Anglade et de la ministre fédérale Chrystia Freeland de nous défendre face à l’intransigeance américaine. Le feront-ils?

Pierre-Maurice Gagnon
Producteur et Président de la Fédération des producteurs forestiers du Québec

. Éditorial paru dans la revue Forêts de chez nous, édition de septembre 2016