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Actuellement, environ deux millions de mètres cubes de bois mobilisables en forêt privée peuvent difficilement trouver preneur, car la demande structurelle pour certaines essences et classes de qualité est trop limitée au Québec. Autrement dit, il n’y a plus suffisamment d’usines pour transformer les volumes disponibles de peupliers au Saguenay–Lac-Saint-Jean, de bois résineux de petite dimension ou de trituration dans les régions de la vallée du Saint-Laurent, de peupliers en Abitibi-Témiscamingue ou de résineux dans l’ouest du Québec.

Au même moment, on assiste à un accroissement des exigences des acheteurs de bois relativement aux essences acceptées et aux classes de qualité des tiges livrées aux usines restantes. La hausse de ces exigences s’explique par un surplus d’offres de bois sur les marchés, provenant de divers endroits, dont la forêt publique. Des bois qui normalement auraient trouvé preneur sont aujourd’hui rejetés.

Pour en ajouter, l’intensification des travaux d’éclaircies dans les jeunes plantations résineuses et la récupération des peuplements affectés par l’épidémie de la tordeuse des bourgeons d’épinette généreront des volumes de bois sans grands débouchés.

Cette situation freine l’effort d’aménagement chez les propriétaires forestiers, qui jugent sévèrement une récolte laissant trop de déchets sur les parterres ou des parties de leurs boisés non traitées faute de marchés adéquats.

Il faut se rappeler qu’environ 180 usines ont fermé leurs portes dans les 10 dernières années, parce que le secteur forestier était en crise. Sans souhaiter le retour d’unités de production d’une autre époque, un potentiel forestier inutilisé existe dans toutes les régions du Québec. L’exploitation de ce plein potentiel aiderait les communautés rurales qui sont à la recherche de sources de développement économique.

Cela doit se traduire par des investissements de la part d’industriels qui voient une utilisation potentielle pour ces bois : de nouvelles usines fabriquant des produits forestiers d’avenir. Malheureusement, le Québec échappe plusieurs de ces projets d’investissements au profit d’autres juridictions en Amérique du Nord. Oui, il se construit encore des usines de produits forestiers en Amérique du Nord.

Ces investissements ne se réaliseront pas sans un soutien de l’État. Le Québec a pu développer une industrie pharmaceutique, aérospatiale et de jeux vidéo en faisant un démarchage agressif à l’échelle internationale. Il est grand temps que celui-ci se fasse également pour les régions forestières. Le secteur forestier aura un avenir si les investissements pour moderniser les usines existantes ou en construire de nouvelles se multiplient.

J’espère donc que le Forum Innovation Bois, organisé le 31 octobre dernier par le ministre des Forêts, de la Faune et des Parcs, se traduira en projets concrets… rapidement.

Pierre-Maurice Gagnon
Producteur et Président de la Fédération des producteurs forestiers du Québec

. Éditorial paru dans la revue Forêts de chez nous, édition de novembre 2016