capture-pierre-maurice-gagnon-edito

Les discussions portant sur la gestion des forêts semblent davantage se dérouler à l’échelle locale et régionale. Pourtant, cette question fait également l’objet d’intenses pourparlers à l’échelle internationale pour combattre la pauvreté, assurer le développement du monde rural, lutter contre le réchauffement climatique, conserver la biodiversité et protéger les cours d’eau de la planète. Les enjeux des autres pays ressemblent étrangement à ceux d’ici.

Afin de faire entendre la voix de dizaines de millions de propriétaires forestiers à travers le monde, une modeste organisation, l’Alliance internationale pour la foresterie familiale, effectue des représentations auprès des différents organismes des Nations unies débattant des mesures à prendre pour protéger et mettre en valeur les forêts de la planète. Bien que ces discussions internationales apparaissent lointaines, elles finissent par influencer nos politiques forestières nationales. Depuis plusieurs années, mon ami Peter deMarsh, du Nouveau-Brunswick, préside ce réseau dont le secrétariat est actuellement situé en Norvège.

Le message porté par les représentants de ce réseau est simple et mérite d’être répété. À la lumière de l’expérience des forestiers de différents pays, la gestion durable des forêts familiales est facilitée lorsque quatre conditions sont réunies1 :

• Les droits fonciers des propriétaires sont définis et respectés;
• Les propriétaires forestiers détiennent un accès équitable aux marchés pour leurs produits;
• Des services d’appui professionnel pour réaliser des projets d’aménagement forestier existent;
• Les propriétaires disposent de solides organisations pour se regrouper et défendre leurs points de vue.

Les défis pour faire respecter ces principes diffèrent d’un pays à l’autre, mais ils s’appliquent à tous. Si certains peuvent n’y voir que des défis pour les pays en voie de développement, il est nécessaire de rappeler que les propriétaires forestiers québécois les vivent toujours. De plus en plus, ils peinent à faire respecter leur droit de propriété face aux besoins exprimés par la société qui les entoure. Ils luttent pour obtenir des conditions équitables sur les marchés du bois et du sirop d’érable. Ils continuent de revendiquer des programmes gouvernementaux pour soutenir leurs projets d’aménagement forestier. Ils doivent toujours défendre le bien-fondé de l’action de leurs associations auprès de membres de la nouvelle génération de propriétaires forestiers, d’industriels de produits forestiers et des autorités gouvernementales.

Le respect de ces conditions est d’autant plus critique que la proportion de forêts privées est passée de 13 % à 19 % à l’échelle mondiale entre 1990 et 2010. De plus, la forêt privée mondiale est de plus en plus sous le contrôle d’individus et de familles2.

Le mois de l’arbre et de la forêt est une occasion de faire valoir les rôles des 134 000 propriétaires forestiers québécois dans notre société, mais surtout les conditions devant être réunies pour assurer la protection et la valorisation de leur patrimoine. Pour reprendre les mots de Peter deMarsh, la diffusion et la reconnaissance de ce message sera un travail lent, de longue haleine et qui nécessitera la persévérance d’un nombre grandissant de gens. Soyez de ce nombre.

Pierre-Maurice Gagnon
Producteur et Président de la Fédération des producteurs forestiers du Québec

Éditorial paru dans la revue Forêts de chez nous, édition de mai 2018.


1. DEMARSH, P., et autres. Making Change Happen. What can governments do to strengthen forest producer organizations? [En ligne], 2014. [www.fao.org/3/a-h0038e.pdf].
2. FOOD AND AGRICULTURE ORGANIZATION. Global Forest Resources Assessment 2015: How the world’s forests changing? [En ligne], 2015. [www.fao.org/3/a-i4793e.pdf].