Éditorial extrait du journal L’Information du forestier – Avril 2018
Au cours de l’année 2017, j’ai consacré beaucoup d’efforts à la mobilisation du bois des forêts privées. Au premier chef, en m’impliquant dans le développement de stratégies régionales, comme souhaité par le Plan d’action national sur la mobilisation des bois en forêt privée. Mais aussi en participant à l’équipe de suivi de ce Plan national et à diverses autres initiatives régionales et provinciales. Toutes ces initiatives se montrent riches de réflexions, de collaborations, de propositions et d’actions pour stimuler la production de bois. Ce qui devrait vous rassurer, c’est que nombre de ces initiatives s’assurent de placer le propriétaire forestier au centre des réflexions, ce qui m’apparaît comme la plus élémentaire des orientations.
Ce n’est cependant pas parce qu’on réfléchit intensément et qu’on se pose de nombreuses questions qu’on trouve toutes les réponses souhaitées. Après tous ces mois à penser « mobilisation », un constat m’a récemment frappé en consultant nos résultats de livraison : il s’est livré moins de bois en 2017 qu’en 2016. Et 2016 montrait déjà une baisse par rapport à 2015. En tenant compte d’une forte demande des usines, de l’offre de budgets gouvernementaux dédiés à la mobilisation et de la multiplication d’entrepreneurs mécanisés, ces résultats surprennent. Certaines explications viennent rapidement à l’idée, comme l’impact régional d’une fermeture d’usine ou l’incertitude assez grande qui a régné pendant les dernières années, en lien avec le contentieux sur l’exportation de bois d’œuvre aux États-Unis. Ces facteurs étaient bien présents et ont eu des effets perturbateurs certains. Mais que ce soit à la fin de 2016 ou à la fin de 2017, on en arrivait à la conclusion qu’on s’était inquiété à tort de la demande : celle-ci est demeurée robuste presque en tout temps.
Constater que la demande est demeurée bonne force à regarder du côté de l’offre de bois. Et là, on observe une tendance qui m’inquiète un peu, sans trop me surprendre : la baisse de production s’observe dans presque toutes les régions, aussi bien chez les petits producteurs que dans le groupe des entrepreneurs, groupements forestiers et grands propriétaires. Tendance à la baisse qui s’est développée, je le répète, dans un contexte favorable à la mobilisation de plus de bois. Qu’est-ce qui peut freiner ainsi l’offre ? Je suis persuadé qu’il y a plusieurs facteurs en jeu. En premier lieu, il faut prendre en compte que l’année 2015 a été une année de production record. Quand on est rendu très haut, c’est facile de redescendre ! Mais on peut aussi penser à l’absence de marchés pour certaines essences ou catégories de bois, aux pénuries de travailleurs et de machines qui s’amorcent, aux changements chez les propriétaires, aux contraintes environnementales toujours plus nombreuses… ou tout simplement aux prix qui ne sont pas assez attrayants !
Quelles conclusions tirer de ces observations ? Je l’ai indiqué d’entrée de jeu, pas facile de trouver les réponses à certaines questions. Ça prendra probablement quelques années avant de savoir s’il y a tendance structurelle en développement ou si nous faisons face à des évènements conjoncturels. Une comparaison avec d’autres régions pourra peut-être contribuer à mieux cerner et comprendre ce qui se passe. Tout ça reste donc à suivre et à analyser. Mais je peux vous faire part de mon intuition à ce jour : plus ça va aller, plus la mobilisation des propriétaires de forêt privée et de leur bois va se montrer ardue. On pourra connaître des succès à court terme, mais ça va prendre des efforts bien concertés et prolongés pour s’assurer de leur intérêt à long terme.
Jean-Pierre Dansereau, ing. f.
Directeur général