Politiques gouvernementales et réglementation en forêt privée : les nouvelles en un clin d’œil
Rectification des amendes pour l’abattage illégal d’arbres
Le projet de loi 39, adopté en décembre 2023, a eu pour conséquence de quintupler le montant des amendes en cas d’infraction à un règlement d’abattage d’arbres. Dès qu’elle a eu connaissance de cette modification réglementaire, la FPFQ a entrepris des démarches auprès du ministère des Affaires municipales et de l’Habitation (MAMH) pour faire corriger cette incohérence législative, notamment en réclamant un montant d’amende qui reflète le niveau de risque associé à l’activité forestière. À la suite de ces discussions, le gouvernement a accepté de revenir aux montants des amendes antérieurs, à quelques exceptions près. Ainsi, le montant d’amende maximal pour la coupe totale est doublé et les montants sont dorénavant établis en fonction de la superficie (1 000 m² et moins ou à l’hectare) et du type de coupe (partielle ou totale).

La révision à la baisse des exigences, introduite par le projet de loi 57 sanctionné le 6 juin 2024, constitue une demi-victoire, considérant les amendes prévues au projet de loi 39. Nonobstant, le niveau actuel des amendes commande de rappeler aux producteurs l’importance de respecter les lois et règlements en vigueur car les conséquences financières peuvent être graves. Fait à noter, les propriétaires ayant reçu un constat d’infraction entre décembre 2023 et juin 2024, soit sous le régime de la loi 39, devraient s’informer auprès d’un avocat pour diminuer les amendes. En effet, selon l’article 37.2 de la Charte des droits et libertés de la personne du Québec : « Un accusé a droit à la peine la moins sévère lorsque la peine prévue pour l’infraction a été modifiée entre la perpétration de l’infraction et le prononcé de la sentence ».
Nouvelles orientations gouvernementales en aménagement du territoire
En mai dernier, le gouvernement du Québec a adopté de nouvelles orientations gouvernementales en aménagement du territoire (OGAT) pour définir ses attentes concernant la révision des schémas des municipalités régionales de comté (MRC). Ces schémas peuvent influencer considérablement la gestion des forêts privées, car ils imposent aux municipalités des directives pour la mise à jour de leurs règlements de zonage encadrant les activités forestières.
Parmi les orientations et objectifs que les MRC devront intégrer dans leur schéma d’aménagement et de développement, la forêt privée est surtout concernée par les objectifs 2.1 – Conserver les milieux naturels d’intérêt, 2.2 – Contribuer à la résilience des écosystèmes et 6.3 – Favoriser la mise en valeur de la forêt privée de manière à contribuer à son aménagement durable. Pour atteindre les objectifs 2.1 et 2.2, les MRC devront identifier les territoires d’intérêt écologique, comme les milieux humides et les corridors écologiques, et prévoir des moyens visant à les conserver. De plus, dans le but d’atteindre l’objectif 6.3, les MRC devront s’assurer d’harmoniser les normes de conservation des milieux naturels avec celles de la mise en valeur des forêts privées. Elles devront également considérer les investissements sylvicoles de l’État lors de l’établissement des usages permis. L’intervention de la FPFQ lors des consultations obligera ainsi les MRC à étendre leur réflexion sur la conservation des forêts privées afin d’y intégrer des éléments de mise en valeur. Cette réflexion est essentielle si les municipalités souhaitent appuyer l’aménagement durable des forêts privées.
Démarche de réflexion sur l’avenir de la forêt
Le rapport synthèse des Tables de réflexion sur l’avenir de la forêt a été publié le 28 juin dernier par la ministre des Ressources naturelles et des Forêts, Mme Maïté Blanchette Vézina. Il fait suite à une consultation publique et des rencontres dans les différentes régions du Québec. La consultation s’est conclue par une table nationale tenue avec les partenaires du secteur forestier, dont la FPFQ. Parmi les 5 thèmes sur lesquels portait la démarche des Tables de réflexion sur l’avenir de la forêt, la participation plus importante de la forêt privée a été discutée sur le thème de l’approvisionnement en bois. L’amélioration des mesures de soutien à la mise en valeur, ainsi que la complexification du cadre légal et réglementaire ont été clairement identifiées par les nombreux participants.
Ainsi, le rapport contient plusieurs préoccupations et recommandations pour une meilleure valorisation de la forêt privée et des producteurs forestiers. À cet effet, les intervenants consultés recommandent que « l’État investisse davantage de ressources dans la forêt privée pour utiliser son plein potentiel, reconnaisse son importance stratégique dans les politiques ainsi que son rôle dans un contexte de changements climatiques. De plus, plusieurs suggestions visent des améliorations au cadre légal et réglementaire afin de l’alléger et d’être davantage en phase avec la science forestière, ce qui permettrait de faciliter le travail des intervenants du milieu municipal et forestier et d’optimiser les retombées sociales, économiques et environnementales. »
La FPFQ et les syndicats de producteurs forestiers régionaux poursuivront leur collaboration avec le MRNF et les partenaires du secteur pour voir à mettre en place des actions concrètes pour mieux valoriser la gestion durable des forêts privées et soutenir les producteurs forestiers. Consultez le mémoire de la FPFQ déposé dans le cadre de la Démarche de réflexion sur l’avenir de la forêt.
Plan nature 2030
Le Plan nature 2030 a été lancé le 7 octobre dernier par le ministre de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs (MELCCFP), M. Benoit Charrette. Ce plan vise à atteindre les objectifs fixés par le gouvernement du Québec en matière de lutte contre les changements climatiques et de conservation de la biodiversité. Il reconnaît les efforts réalisés par les propriétaires forestiers et leur offre l’accompagnement nécessaire à une mise en valeur réussie de leurs forêts. D’ailleurs, sur le budget de 922 M$ prévu d’ici 2027-2028 pour atteindre 14 cibles, un financement de 152 M$ est dédié à la cible 7 pour maintenir la durabilité des pratiques forestières, notamment par l’utilisation durable des ressources et le maintien des services écosystémiques. Les actions qui y sont associées sont le déploiement de plans d’aménagement forestier bonifiés identifiant les éléments relatifs à la biodiversité en forêt privée (7 M$), ainsi que la remise en production des superficies affectées par le feu qui ne pourront se régénérer naturellement (145 M$).
Les autres éléments notables du Plan nature 2030 pour les producteurs forestiers se retrouvent à la cible 5 avec l’objectif de prévenir l’introduction de nouvelles espèces exotiques envahissantes et de freiner la propagation de celles déjà présentes, et à la cible 12 qui vise à développer et soutenir des mécanismes de financement axés sur la biodiversité, dont l’implantation de projets pilotes en écofiscalité dans les municipalités. Afin de respecter les engagements de protection de 30 % du territoire québécois, le MELCCFP souhaite également développer plusieurs types d’aires protégées et conservées, tel que mentionné à la cible 3. En ce sens, la FPFQ avait soumis la proposition de servitudes forestières, qui pourraient constituer une solution efficace pour accroître rapidement les superficies soumises à des engagements légaux de conservation, tout en permettant l’utilisation durable des ressources forestières et acéricoles.
Les interventions de la FPFQ, résumées dans cette infolettre, ont fort possiblement permis d’identifier immédiatement des pistes d’action pour la forêt privée et de mettre en lumière la contribution inestimable des propriétaires de boisés dans la protection et la mise en valeur de la biodiversité. La FPFQ continue de suivre ce dossier pour s’assurer que les actions découlant de ce plan répondent aux préoccupations des propriétaires forestiers et respectent les activités d’aménagement forestier durable reconnues comme favorables à la biodiversité.
Délai supplémentaire pour l’implantation de la norme EUDR
Dans son infolettre de septembre 2024, la FPFQ informait les producteurs et les intervenants forestiers sur une nouvelle norme de traçabilité des bois : le Règlement européen contre la déforestation et la dégradation des forêts, communément appelé European Union Deforestation Regulation (EUDR). L’entrée en vigueur de ce règlement, prévue initialement le 30 décembre 2024, a été reportée d’un an. Ce report permettra aux intervenants de trouver les moyens adéquats pour se conformer à ces nouvelles exigences de traçabilité qui risquent d’endiguer la mise en marché du bois en forêt privée. La Commission européenne doit toutefois préciser la définition de la dégradation des forêts puisqu’il n’existe pas de consensus international à ce sujet. Pour l’instant, les discussions préliminaires nous laissent penser que l’aménagement forestier durable réalisé au Québec ne dégraderait pas les forêts. En filigrane, les efforts se poursuivent pour développer une plate-forme de traçabilité des bois québécois afin de faciliter le transfert d’informations entre les fournisseurs, les entreprises et les clients européens.