La montée des taxes municipales impose un fardeau croissant pour les propriétaires forestiers
L’accroissement des taxes municipales imposées aux propriétés forestières est une cause d’inquiétude chez les producteurs forestiers. L’analyse des taxes et des valeurs foncières municipales au cours des 25 dernières années met en évidence un transfert du fardeau fiscal municipal vers les producteurs forestiers. La progression des charges fiscales des propriétaires forestiers nuit à la rentabilité des activités de récolte en forêt privée et incidemment, à la mobilisation du bois.
Pour dresser ce constat, la Fédération des producteurs forestiers du Québec (FPFQ) a analysé l’évolution de près de 68 000 unités d’évaluation de terrain forestier dans l’ensemble des municipalités du Québec (en excluant les régions de Laval, Montréal, la Montérégie, la Côte-Nord, le Nord du Québec et l’Abitibi) sur une période de 25 ans, à partir du sommaire du rôle d’évaluation foncière tenu par le ministère des Affaires municipales et de l’Habitation. Il s’agit d’un échantillon très important en regard des 134 000 propriétaires forestiers que l’on retrouve au Québec.
Entre 1998 et 2023, les taxes municipales des terres boisées analysées ont augmenté en moyenne de 5,6 % par année (croissance annuelle composée). À titre indicatif, les taxes municipales moyennes payées pour une propriété forestière en 1998 s’élevaient à 191 $ alors qu’en 2023, elles atteignaient 746 $ par unité d’évaluation, soit une progression de 291 % en l’espace d’un quart de siècle. Cette progression dépasse largement l’inflation (≈2,1 % par an).
Évolution des taxes municipales des propriétaires forestiers québécois

Un impact limité sur les municipalités pour des gains significatifs aux producteurs
La FPFQ s’est intéressée aux possibles économies que pourrait représenter cette mesure utilisée à son plein potentiel dans sa plus récente étude. Pour ce faire, nous avons considéré que chaque municipalité du Québec appliquerait en 2023 un taux pour les immeubles forestiers équivalent à 66,6 % du taux de base. Le rabais de taxes foncières potentiel correspond à la différence entre les taxes si un taux de base est appliqué aux immeubles forestiers à celles dont le taux simulé à 66,6 % s’applique. L’impact sur les recettes de la municipalité représente le rabais de taxes foncières potentiel sur les recettes fiscales foncières totales de la municipalité. Nous pouvons ainsi estimer pour chaque municipalité le coût d’implantation de cette mesure et quantifier le soutien accordé aux producteurs forestiers.
Nous avons brossé un portrait de la situation actuelle afin de mettre en perspective les résultats de notre analyse. Ces résultats sont issus d’une sommation partielle puisque des données manquantes nous ont empêché d’effectuer une analyse complète pour l’ensemble des municipalités du Québec. De plus, nous n’avons considéré que les taxes générales à des fins de simplification et en raison de la disponibilité de l’information.
En tenant compte de notre analyse, si toutes les municipalités du Québec appliquaient un taux distinct à 66,6 % du taux de base pour la catégorie des immeubles forestiers, cela représenterait une économie totale de 9,9 M$ pour les producteurs forestiers, soit en moyenne 295 $ par producteur forestier reconnu par année. Cependant, l’impact sur les recettes fiscales des municipalités serait limité puisqu’une baisse de taxation de la catégorie des immeubles forestiers se traduirait par une diminution de moins de 1% des recettes fiscales pour plus de 600 municipalités.
À titre comparatif, nous avons inclus les hausses pour les immeubles résidentiels de type unifamilial puisque ceux-ci constituent généralement la base de l’assiette foncière municipale. Bien que la croissance de la valeur foncière des résidences unifamiliales ait été supérieure à celle des boisés au cours des 25 dernières années (405 % par rapport à 355 %), celle du fardeau fiscal fut plutôt inversée. En effet, le fardeau fiscal des boisés (+291 %) a augmenté plus rapidement que celui des résidences unifamiliales (+177%). Il y a donc eu, à l’échelle du Québec, un transfert du fardeau fiscal des municipalités vers les propriétaires forestiers.
L’analyse par région permet de constater que l’ampleur de la problématique diffère d’une région à l’autre. En effet, les régions de la Mauricie, de l’Estrie et de Chaudière-Appalaches ont connu un transfert du fardeau fiscal important vers les propriétaires forestiers. Au contraire, la hausse des taxes sur les résidences unifamiliales fut légèrement plus élevée que celle des boisés au Témiscamingue, en Gaspésie et dans Lanaudière.
Une part grandissante des revenus du bois remise aux municipalités
Les taxes municipales réduisent de plus en plus la rentabilité des activités forestières. En effet, la proportion du fardeau fiscal municipal sur les revenus générés par la vente de bois ne cesse de s’accroître au fil des ans puisque le prix du bois rond augmente moins rapidement que les comptes de taxes. En 1998, les charges fiscales municipales représentaient 5,2 % des revenus générés par les activités de récolte du bois. En 2023, cette proportion atteignait plutôt 11,5 %. Chaque année, le fardeau fiscal gruge une part plus importante des revenus, à l’exception de 2021 et 2022 où, extraordinairement, le prix du bois a crû plus rapidement que les taxes municipales en raison d’une flambée du prix du bois d’œuvre. Néanmoins, cette lourde tendance a repris en 2023.

Miser sur la catégorie d’immeubles forestiers pour alléger le fardeau fiscal des producteurs
La diminution de la rentabilité de la production de bois affecte le dynamisme des activités sylvicoles en forêt privée. Par conséquent, plusieurs municipalités rurales se privent ainsi de retombées liées à une plus grande mise en valeur des ressources des forêts privées. Fort heureusement, l’introduction de la catégorie d’immeubles forestiers peut permettre aux municipalités de freiner la hausse du fardeau fiscal des producteurs forestiers enregistrés en diminuant le taux de taxation de ces boisés à l’intérieur d’une fourchette de 66,6 à 100 % du taux de base afin d’encourager la mise en valeur des forêts. En diminuant le fardeau fiscal municipal des producteurs forestiers, les municipalités favorisent l’encadrement professionnel et la saine gestion des boisés privés, encouragent la sylviculture sur leur territoire et soutiennent l’industrie de l’aménagement forestier et de la transformation du bois.
Pour en savoir davantage sur la catégorie des immeubles forestiers et l’impact d’un changement de taux pour les municipalités et les producteurs forestiers, vous pouvez consulter l’infolettre suivante : Mettre à profit la catégorie des immeubles forestiers.