D’aussi loin que je me souvienne, les syndicats, les offices et votre fédération ont toujours martelé l’idée de développer l’accès aux marchés des producteurs forestiers.

Ce message, nous le portons aux industriels qui achètent notre bois (et surtout à ceux qui en achètent peu ou pas!). Nous le portons également au ministère des Ressources naturelles et des Forêts qui, par sa gestion des forêts publiques, constitue bien malgré lui notre plus féroce concurrent.

À force de persévérance, le gouvernement a adopté en 1989 le principe de « résidualité » qui confère un caractère résiduel au bois de la forêt publique par rapport aux autres sources d’approvisionnement dans l’établissement des scénarios d’approvisionnement des usines de transformation du bois. En d’autres mots, le ministère consulte les autres fournisseurs, dont la forêt privée, afin de n’accorder que le bois nécessaire aux entreprises forestières pour combler leurs besoins.

Il est vrai que le ministère offre une performance d’équilibre dans l’application du principe de résidualité, lui qui doit jongler avec ses allocations afin de maintenir une structure industrielle forestière vigoureuse sans pour autant léser les producteurs de bois.

Ces fréquents déséquilibres entre l’offre et la demande hypothèquent la capacité des producteurs et de leurs syndicats à négocier des conditions de mise en marché satisfaisantes. Pire encore, certains volumes ne peuvent être récoltés par manque de débouchés.

Au cours de la dernière année, les syndicats et offices de producteurs forestiers ont justement participé à l’exercice de consultation du ministère qui vise à évaluer les volumes disponibles en forêt privée et ainsi déterminer les volumes des forêts publiques qui seront accordés aux industriels entre 2023 et 2028. Il s’agit du socle sur lequel repose le principe de résidualité. Nous saurons donc bientôt quelle place sera accordée aux producteurs forestiers.

Bien évidemment, je souhaiterais plutôt que l’on priorise d’office l’achat de notre bois, car la crainte de ne pouvoir récolter constitue un frein pour le développement de nos entreprises.

Dans une contrée si riche en forêts, les sources d’approvisionnement en bois sont nombreuses, mais j’ai la prétention de penser que nous pouvons aspirer à devenir les meilleurs fournisseurs. Peut-être en améliorant nos services aux acheteurs en contrepartie de meilleures conditions?

À nous de prouver au ministère et aux industriels que nous sommes les mieux placés afin d’assurer un approvisionnement durable, et à ces derniers de nous prouver que l’achat du bois des forêts privées est véritablement priorisé.

Gaétan Boudreault
Producteur et président par intérim de la Fédération des producteurs forestiers du Québec

Éditorial paru dans la revue Forêts de chez nous, édition de février 2023.