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Si la création de richesse est primordiale dans une société, la distribution de celle-ci l’est tout autant pour obtenir une relation harmonieuse entre les diverses couches sociales qui la composent. L’industrie de la transformation joue ainsi un rôle critique en générant de la valeur aux ressources forestières que nous récoltons, mais elle est moins préoccupée à assurer une distribution optimale de cette valeur à ses fournisseurs de bois. Ce n’est d’ailleurs pas son rôle.

Préférant s’appuyer sur les concepts de concurrence et de ruissellement  économique pour distribuer les revenus du marché tout au long de la filière économique, plusieurs minimisent l’effet d’un rapport de force inégal entre les acteurs de la filière sur ce
partage.

C’est ici que le syndicalisme forestier prend tout son sens. Les syndicats de producteurs forestiers procurent un levier pour mieux équilibrer la discussion avec les industriels concernant le partage des revenus forestiers obtenus du marché. Autrement, chaque producteur ne peut compter que sur lui-même pour tirer son épingle du jeu. Est-ce souhaitable?

Les 60 dernières années ont montré que cette relation peut être profitable aux parties lorsque celles-ci se respectent en cherchant à considérer les préoccupations de l’autre (voir mon éditorial de février 2019, La prévisibilité accroît la robustesse d’une filière économique). Dans le cas contraire, des conflits émergent.

Depuis quatre ans, cinq syndicats régionaux de producteurs forestiers travaillent, chacun à leur façon, à accroître leur rôle dans l’établissement des conditions de vente du bois de sciage sur leur territoire. Des industriels s’y opposent avec énergie devant la Régie des marchés agricoles et alimentaires du Québec, le tribunal chargé d’arbitrer les différends sur cette question. J’ai un parti pris évident dans ce débat, mais je n’ai pas l’impression que les approches proposées ont été suffisamment analysées par les opposants, ce qui explique selon moi une partie de leur réaction. Les initiatives syndicales n’entraveront pas la création de richesse par l’industrie de la transformation des bois, mais favoriseront son partage. J’ose même croire que ce meilleur partage contribuera à accroître la richesse.

Le syndicalisme forestier n’est certainement pas la seule initiative favorisant une meilleure répartition de la richesse – l’impôt sur le revenu ou la formule des coopératives en sont d’autres exemples –, mais c’est un modèle qui fonctionne au Québec depuis plusieurs générations et qui donne des résultats.

Pierre-Maurice Gagnon
Producteur et Président de la Fédération des producteurs forestiers du Québec

Éditorial paru dans la revue Forêts de chez nous, édition de novembre 2019.