Impact des millénariaux sur la demande de maisons aux États-Unis

Contrairement aux précédents cycles économiques, on constate que le nombre de maisons construites est en dessous de la demande historique des 50 dernières années. En effet, la Banque TD estime qu’avec le niveau de croissance économique et démographique des dernières années, la construction de maisons aurait dû être beaucoup plus élevée aux États-Unis.

Depuis la crise immobilière, les années 2017 et 2018 ont été les deux meilleures années des mises en chantier avec près de 1,2 million d’unités (graphique 1). Cependant, ce niveau correspond aux périodes de crise économique des dernières décennies. Lorsqu’on examine de plus près cette problématique, on remarque que le segment des maisons unifamiliales a beaucoup plus de difficulté à rejoindre la moyenne historique contrairement au segment des logements multifamiliaux (graphiques 2 et 3). Plusieurs raisons ont été soulevées afin de comprendre la source de cet écart. Cependant, toutes semblent pointer vers les difficultés des millénariaux à accéder à la propriété.

Les millénariaux sont nés entre 1982 et 2000. Ils forment maintenant la plus grande génération d’Américains avec plus du quart de la population des États-Unis. Cette génération de 83,1 millions de personnes surpasse en nombre la génération des baby-boomers qui représente 75,4 millions de personnes. Puisque la grande majorité des millénariaux sont maintenant âgés entre 25 et 34 ans, l’étude de cette cohorte devient très intéressante afin de comprendre la trajectoire des mises en chantier aux États-Unis. En effet, cette cohorte génère maintenant environ la moitié de la demande de constructions neuves aux États-Unis. Cette forte consommation de maisons de la part de cette tranche d’âge est beaucoup plus importante dans le segment des maisons d’entrée de gamme. La vigueur de la demande dans ce dernier segment à un effet considérable sur des gammes de maisons plus dispendieuses. En effet, la nouvelle demande de maison d’entrée de gamme permet à l’ancienne cohorte des 25-34 ans de vendre leur première maison d’entrée de gamme et de stimuler la demande de maisons plus dispendieuses. Cette dynamique implique que la demande de maisons de la cohorte des 25-34 ans à des effets collatéraux importants sur le reste du marché immobilier.

Diminution du taux d’accès à la propriété

Dans les années 1990 et 2000, le taux d’accès à la propriété était de près de 46 % chez les jeunes de 25-34 ans. En 2016, ce taux chez les jeunes était de 38 %. Selon la National Association of House Builders (NAHB), cette diminution du taux de formation de ménage depuis 2008 a eu un impact négatif de près de 2,4 millions d’unités sur les mises en chantier américaines. Ce manque à gagner est immense et représente environ 2 années entières de mises en chantier aux niveaux actuels. La NAHB estime qu’il est peu probable que les jeunes de 25-34 ans repoussent leur achat de maison à plus tard puisque la cohorte suivante, les 35-44 ans, a elle aussi enregistré une diminution notable du taux d’accès à la propriété au cours de la même période.

Toutefois, il est important de mentionner que cette diminution du taux d’accès à la propriété aux États-Unis est polarisée sur le plan géographique. Effectivement, les États côtiers comme la Californie, le New Jersey, New York et la Floride enregistrent un très faible taux de formation des ménages, comparativement à la moyenne nationale. Par contre, les États du Midwest, beaucoup plus ruraux, ont de meilleurs taux. Cette diminution du taux d’accès à la propriété implique que les jeunes trouvent des moyens plus abordables de se loger. De 2000 à 2016, la proportion de jeunes adultes âgés de 25 à 34 ans qui habitent avec leur parent est passée de 11,6 % à plus de 21,1 %. On observe également une augmentation de 3,7 % à 5,2 % des jeunes adultes qui habitent avec leur famille élargie et de 5,1 % à 7,5 % pour ceux en cohabitation. Au global, c’est deux fois plus de jeunes qui choisissent une alternative de cohabitation à l’achat d’une maison.

Dans un contexte où la demande de maisons est en dessous du potentiel, il est important de comprendre les motivations de la cohorte des 24-35 ans à retarder l’achat d’une propriété. En effet, la décomposition des facteurs affectant les comportements de ces consommateurs permet de mieux comprendre l’écart entre la demande actuelle et potentielle. Certains facteurs semblent avoir un caractère temporaire, alors que d’autres sont reliés à différentes composantes sociodémographiques.

Perte de pouvoir d’achat

Selon la Banque TD, la différence entre le taux de croissance des salaires et des prix des maisons est le principal élément qui réduit l’accès à la propriété. Lors des 3 dernières décennies, le revenu réel médian des Américains âgés entre 25 et 44 ans a décliné. Entre 1999 et 2013, le salaire réel médian des 25-34 ans a chuté de 36 794 $ US à moins de 31 863 $ US (-13 %). Durant cette période, le prix des maisons a augmenté de 13 %. Cet écart entre le revenu réel médian et le prix des maisons est également perceptible au cours des dernières années où la dynamique des prix était différente. En effet, les salaires ont augmenté de 10 % entre 2011 et 2017. Quant au prix des maisons, il a augmenté de plus de 32 % durant le même intervalle. Encore une fois, le prix des maisons a eu une trajectoire beaucoup plus favorable que les salaires. Ainsi, l’institution financière Freddie Mac estime que cette réalité explique environ la moitié de la diminution du taux de formation des ménages aux États-Unis entre 2000 et 2016.

L’importance de la dette étudiante

En 2018, l’ensemble de la dette étudiante américaine s’élevait à plus de 1 500 milliards de dollars américains et représentait environ 10 % de tous les prêts aux États-Unis. Ce sommet a été atteint en raison d’une croissance soutenue au cours des 12 dernières années. Entre 2006 et 2018, la dette étudiante réelle moyenne par personne de 24 à 35 ans a plus que doublé. Elle est passée de 6 000 $ US à environ 15 000 $ US. Cette aggravation de la situation financière des jeunes adultes provient d’un côté de l’augmentation des montants empruntés, mais également du nombre d’étudiants nécessitant un prêt. En effet, la proportion des étudiants nécessitant un prêt est passée de 30 à 40 % entre 2005 et 2014. Cette forte hausse de la dette concorde avec la baisse du taux de formation des ménages chez les jeunes adultes aux États-Unis. Un sondage conjoint entre la National Association of Realtor (NAR) et le American Student Assistance estime que le premier obstacle à l’achat d’une maison chez les jeunes adultes non-propriétaires est la présence d’une dette étudiante. Évidemment, une plus grande partie des revenus est octroyée aux paiements des prêts étudiants. Il est donc plus difficile pour cette cohorte d’épargner pour une mise de fond. De plus, cette charge se traduit souvent par une réduction du pointage de crédit. Cette diminution impacte directement leur capacité à se qualifier pour un prêt hypothécaire. Selon la Federal Reserve (FED), la forte augmentation des emprunts reliés aux études postsecondaires expliquerait environ 20 % du déclin dans le taux de formation des ménages chez les jeunes adultes entre 2005 et 2014.

Repoussement de l’âge médian du mariage et de la naissance des enfants

Le taux de formation des ménages est fortement affecté par l’âge médian du mariage. Selon le US Census Bureau (USCB), entre 1975 et 2018, l’âge médian du mariage est passé de 21 à plus de 27 ans pour les femmes et de 24 à 30 ans chez les hommes. Cette augmentation de l’âge médian du mariage coïncide avec la diminution de la proportion de jeunes femmes au foyer, qui est passée de 43 à 14 % durant la même période. Cette lourde tendance commencée depuis les années 1970 s’est amplifiée à la suite de la Grande Récession de 2008. Selon l’étude de V.K. Oppenheimer (2003) relayée par le USCB, les jeunes adultes sont moins susceptibles de se marier ou de fonder une famille lorsqu’ils s’inquiètent de leur situation financière comme c’est le cas lors d’une grave récession économique. Puisque le mariage est habituellement précurseur de l’achat d’une maison, on peut en déduire que les Américains seront moins longtemps propriétaires d’une maison au cours de leur vie. C’est cette réduction du temps de propriété qui a un impact négatif sur le taux de formation des ménages. Par conséquent, l’augmentation de l’âge médian du mariage pèse sur la demande de maisons et fait en sorte qu’elle est moins importante que chez les générations précédentes.

Diversité ethnique 

Le U.S. Census Bureau estime que la population des personnes de 15 ans et plus augmentera de 2,3 millions chaque année au cours des 5 prochaines années. De cette croissance, c’est la cohorte des 30-34 ans qui croîtra le plus rapidement avec près de 450 000 nouveaux membres chaque année. Cependant, la composition ethnique de cette cohorte est bien différente des précédents cycles économiques. Effectivement, la Banque TD soulève qu’environ 85 % de cette augmentation de la population proviendra de minorités visibles. Cette plus grande diversité ethnique chez les millénariaux implique des choix de consommation différents. En effet, les taux de formation des ménages des Afro-Américains et des Hispaniques sont 40 % moins élevés que ceux des blancs. Cette nouvelle composition de la croissance de la population fait en sorte que le taux de formation des ménages sera moins important que par le passé. Ce facteur creusera donc l’écart entre la demande potentielle, observée dans des contextes de croissance démographique similaires, et la demande réelle.

Urbanité des millénariaux

Comparativement aux années 2000, la génération actuelle des 25-34 ans est beaucoup plus urbaine. Cette migration des millénariaux éduqués vers les grands centres fait partie d’un phénomène plus large nommé le « Rural Brain Drain ». Entre 2000 et 2016, la population de jeunes habitants en milieu urbain est passée de 62,8 % à 81,6 %. Ceci s’explique en partie par le fait que les jeunes adultes détenant un prêt étudiant qui quittent un milieu rural pour un milieu urbain (individus ruraux à urbains) performent mieux sur le plan financier que ceux qui ne déménagent pas (individus ruraux). La FED estime que ceux-ci (individus ruraux à urbains) payent deux fois plus rapidement leur prêt étudiant et sont beaucoup plus susceptibles de contracter une hypothèque. Après 1 an d’activité sur le marché du travail, 14 % des « individus ruraux à urbains » ont contracté un prêt hypothécaire, contre seulement 4 % chez les « individus ruraux ». Après 3 ans sur le marché du travail, l’écart se creuse davantage avec près de 25 % pour le premier groupe et seulement 8 % pour le deuxième groupe. Cet incitatif vers les régions métropolitaines augmente considérablement le prix des maisons et réduit ainsi l’accessibilité à la propriété. De plus, cette tendance vers les grands centres réduit la demande de maisons unifamiliales puisque celles-ci sont beaucoup plus abordables dans les banlieues ou les milieux ruraux.

Conclusion

Selon la NAHB, il est clair que la tendance des dernières années démontre qu’une part croissante des jeunes adultes a plus de difficulté à accéder à la propriété que les cohortes de 25-34 ans précédentes. Tel que mentionné dans cette synthèse,  l’une des principales causes est reliée à la perte de pouvoir d’achat des jeunes adultes. De plus, l’augmentation de la dette étudiante réduit la capacité financière de ceux-ci et limite ainsi leur chance d’accéder à la propriété. Outre les facteurs monétaires directs, certains facteurs sociodémographiques sont à l’œuvre dans la diminution de la demande de maisons. En effet, le repoussement de l’âge médian du mariage entamé depuis les années 1980 provoque un retardement de la formation des ménages. On constate également que la plus grande diversité ethnique des millénariaux a un impact négatif sur l’accès à la propriété, puisque les Afro-Américains et les Hispaniques ont des taux de formation des ménages plus faibles que les blancs. Finalement, de plus en plus de jeunes adultes préfèrent les milieux urbains, ce qui cause une augmentation des prix dans ces milieux, rendant l’accès à la propriété plus difficile.

Selon la Banque TD, la progression des salaires devrait être plus importante que l’augmentation du prix des maisons en 2019. En effet, le prix des maisons est appelé à se stabiliser et les salaires devraient augmenter de façon plus importante au cours des prochaines années. Ce changement de tendance aura pour effet d’accroître le pouvoir d’achat des jeunes adultes. Étant donné que l’écart entre le prix des maisons et les salaires est le principal élément qui affaiblit la demande de maisons, la Banque TD estime que le secteur devrait pouvoir connaître un rebond au cours de la prochaine année grâce au déblocage de la demande de maisons des jeunes adultes.

Sources:
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[NAHB] 2018. Living Arrangement of Young Adults. Repéré à http://www.nahbclassic.org/generic.aspx?sectionID=734&genericContentID=262638&channelID=311,  8 mai 2019

[TD] 2018.Room to Grow : U.S. Housing Demand to rebound from 2018 Setback. Repéré à https://economics.td.com/us-housing-2019,  8 mai 2019.

[URBAN INSTITUTE] 2015. Headship and Homeownership. Repéré à https://www.urban.org/sites/default/files/2000257-headship-and-homeownership-what-does-the-future-hold.pdf, 8 mai 2019.

[CIBC] 2019.Commodities Forecast Detail. Repéré à https://economics.cibccm.com/economicsweb/cds?ID=6471&TYPE=EC_PDF,  8 mai 2019.

[FED] 2019.Consumer Price Index. Repéré à https://www.minneapolisfed.org/community/financial-and-economic-education/cpi-calculator-information/consumer-price-index-and-inflation-rates-1913,  8 mai 2019.

[FRED] 2019. S&P/Case-Shiller U.S. National Home Price Index. Repéré à https://fred.stlouisfed.org/series/CSUSHPISA,  8 mai 2019.

[US CENSUS] 2019.Median Income and Sex. Repéré à https://www.census.gov/data/tables/time-series/demo/income-poverty/historical-income-people.html,  8 mai 2019.

[US CENSUS] 2019. Millennials Outnumber Baby Boomers and Are Far More Diverse, Census Bureau Reports. Repéré à https://www.census.gov/newsroom/press-releases/2015/cb15-113.html,  8 mai 2019.

[US CENSUS] 2019. Historical Marital Status Tables. Repéré à https://www.census.gov/data/tables/time-series/demo/families/marital.html,  8 mai 2019.

[US CENSUS] 2019. The Changing Economics and Demographics of Young Adulthood: 1975–2016. Repéré à https://www.census.gov/content/dam/Census/library/publications/2017/demo/p20-579.pdf,  8 mai 2019.

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[FREDDIEMAC] 2018. The Major Challenge of Inadequate U.S. Housing Supply. Repéré à http://www.freddiemac.com/research/insight/20181205_major_challenge_to_u.s._housing_supply.page?,  8 mai 2019.

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[FED] 2019.Consumer & community Context. Repéré à https://www.federalreserve.gov/publications/files/consumer-community-context-201901.pdf,  8 mai 2019.

[NAR] 2017. Student Loan Debt and Housing Report 2017 When Debt Holds You Back. Repéré à https://www.nar.realtor/sites/default/files/documents/2017-student-loan-debt-and-housing-09-26-2017.pdf,  8 mai 2019.

[V.K. OPPENHEIMER] 2003. Cohabiting and Marriage During Young Men’s CareerDevelopment Process. Repéré à https://www.census.gov/content/dam/Census/library/publications/2017/demo/p20-579.pdf,  8 mai 2019.

Prévision du prix du bois d’œuvre

Contrairement à 2018, les analystes anticipent que ce sera la variation de la demande et non les interruptions de l’offre qui sera le plus susceptible d’influencer le prix du bois d’œuvre. En effet, puisque les banquiers centraux ont été actifs ces derniers temps, l’impact des hausses de taux d’intérêt sur le marché de l’habitation sera à surveiller avec les chiffres des mises en chantier au Canada et aux États-Unis.

Demande

À court terme, Forest2market et Madison estiment qu’il y aura une forte demande de bois d’œuvre en début d’année 2019. Ce dynamisme proviendra essentiellement des compagnies de construction qui doivent rassembler suffisamment de stock pour reconstituer un inventaire à l’approche du début de la saison de la construction. Ce mouvement saisonnier avait occasionné plusieurs problèmes de transport et le début de la flambée du prix en 2018. Malgré la présence de ce phénomène en 2019, l’impact sur le prix devrait être beaucoup moins important cette année.

Pour l’année 2019, la demande de bois d’œuvre en Amérique du Nord devrait se maintenir grâce aux secteurs immobiliers. Du côté canadien, le marché de l’habitation devrait se contracter légèrement pour une deuxième année. Le consensus pour les prévisions de 2019 cible -6 % par rapport au niveau de mises en chantier de 2018. Conséquemment, la demande de bois pour les produits manufacturiers de construction à destination du Canada devrait reculer marginalement. À l’inverse, les analystes anticipent une modeste hausse de la construction chez nos voisins du sud, ce qui aura pour effet de soutenir les niveaux actuels de produits manufacturés utilisés dans la construction de maisons neuves aux États-Unis.

Dans la récente publication des textes, « Mise à jour sur le marché américain de l’habitation » et « Mise à jour sur le marché canadien de l’habitation » sur le site infobois.ca on y trouve plusieurs détails concernant les principaux points positifs et négatifs affectant les prévisions de la demande de maisons en Amérique du Nord. Parmi les plus importants, il faut noter que le ralentissement de la hausse des taux d’intérêt par les banques centrales américaine et canadienne aura pour effet de stabiliser l’accessibilité au logement dans les deux pays. En effet, une hausse de taux d’intérêt moins importante que prévu aura pour effet de casser la tendance haussière des taux hypothécaires observés depuis le tournant de 2017. De cette façon, la perte de pouvoir d’achat des ménages sera atténuée, ce qui aura un effet bénéfique sur la demande de maisons. À cet effet, l’indice de confiance de la National Association of Home Builders (NAHB) s’est stabilisé au mois de janvier. Selon l’économiste en chef de la NAHB, le récent déclin dans les taux hypothécaires américains est la principale cause du regain de confiance des constructeurs américains sondés. Les taux hypothécaires aux États-Unis ont atteint 5 % à la mi-novembre, pour redescendre sous les 4,5 % à la mi-janvier suivant un changement de ton de la Federal Reserve (FED).

Dans une perspective à plus long terme, il est important de mentionner que le changement de comportement des milléniaux en comparaison aux générations précédentes affecte la demande de maisons aux États-Unis de façon structurelle. Selon la banque Wells Fargo, cette cohorte ne cesse de remettre à plus tard l’achat d’une première maison en raison d’un haut niveau d’endettement relié aux études postsecondaires. Ce retard remet en question la relation entre le taux de chômage et la demande de maisons aux États-Unis. Autrement dit, les analystes anticipaient que la baisse du taux de chômage allait propulser plus fortement le marché immobilier américain.

Offre

Le prix du bois d’œuvre en 2018 a fortement été influencé par les variations de l’offre. Effectivement, l’accumulation de plusieurs entraves dans la chaîne de production a produit une contraction importante de l’offre. Ce sont notamment les feux de forêt en Colombie-Britannique, les problèmes de transport ferroviaire et les grèves qui ont poussé les acteurs du marché à spéculer sur le prix de la matière première. Puisque ces éléments ont caractérisé les variations de prix de l’année dernière, et que des mesures ont été prises afin de limiter l’impact de ceux-ci, la plupart des analystes anticipent que les fluctuations de prix en provenance de l’instabilité de l’offre seront d’une moins grande importance.

Par ailleurs, la rareté de la main-d’œuvre continue de restreindre l’activité de la construction en Amérique du Nord. Malgré la dernière statistique encourageante de la NAHB concernant le recul du nombre de postes vacants aux États-Unis, la rareté de la main-d’œuvre constitue un défi pour les constructeurs. Le dernier rapport fait état de 278 000 emplois non comblés au courant du mois de novembre. Bien que ce niveau soit en dessous du niveau record de 323 000 emplois vacants enregistré au mois d’octobre, Desjardins estime que ce facteur continuera de restreindre l’offre de maisons neuves aux États-Unis. Cette compression de l’offre aura pour effet de diminuer la demande de produits manufacturés à destination de la construction de maison.

D’autre part, l’offre de bois d’œuvre continue de se contracter en Colombie-Britannique. En effet, les trois plus importants scieurs du Canada ont conjointement annoncé un ralentissement de la production. De son côté la compagnie West Fraser, numéro 1 canadien, a indiqué qu’elle allait supprimer 300 millions de PMP de façon permanente. Celle-ci accuse principalement le faible prix du bois d’œuvre ainsi que les difficultés d’approvisionnement pour justifier ses arrêts de production. Les deux autres plus grosses entreprises de sciage au Canada, Canfor et Interfor, ont également réduit leur production de 10 % et 20 % respectivement. De plus, Forest2market estime qu’il y aura un important déplacement de la production de la plus grande région forestière au Canada vers le Sud des États-Unis où les coûts de production sont plus faibles. En 2019, cette réorganisation des flux commerciaux sera accentuée par la diminution de la disponibilité du bois rond infesté par la dendroctone du pin ponderosa ainsi que par l’effet des tarifs américains en période de faible prix du bois d’œuvre.

Prévision

Les projections du prix du bois d’œuvre de Bloomberg sont préoccupantes pour les producteurs de bois de la forêt privé. Dans un article du 11 janvier 2019, les économistes de Bloomberg prévoient que le prix du bois d’œuvre devrait être de 10 à 15 % plus faible en 2019 par rapport au niveau actuel. Le média et groupe financier américain mentionne que la cause première de cette baisse de prix est reliée à ses attentes modestes concernant le marché de l’immobilier américain. La Banque de Montréal (BMO) est légèrement plus optimiste avec un prix moyen de 345 $ US pour 2019.

Les prévisions de la Banque TD et de la Banque CIBC sont nettement plus favorables. TD et CIBC prévoient un prix moyen pour le bois d’œuvre de 404 et de 402 $ US respectivement. Dans sa publication de décembre, Desjardins ne mentionne pas de prix, mais indique que celui-ci pourrait augmenter au printemps « au fil des nouvelles économiques et des événements ». La Banque Nationale fait un constat similaire à celui de Desjardins en publiant dans sa chronique forestière de novembre qu’un plancher devrait être atteint dans le prix du bois d’œuvre. Kevin Mason, directeur général chez ERA Forest Product research est d’avis que le niveau actuel des prix n’est pas soutenable. Selon lui, on devrait assister à une augmentation de prix ou à une fermeture plus importante de scierie.

Malgré les prévisions divergentes, les analystes s’entendent tous sur le fait que la variation de la demande du marché immobilier américain sera l’une des variables les plus susceptibles de faire fluctuer le prix du bois d’œuvre. Le marché sera donc très sensible aux nouvelles sur les mises en chantier et la demande de permis de construire du Census Bureau afin de déterminer une tendance dans le prix du matériel de construction.

Sources

[TD] 2018. Commodity Price Report. Repéré à https://economics.td.com/commodity-price-report,  16 janvier 2019.
[BNC] 2018.Wood Markets. Repéré à https://www.nbc.ca/content/dam/bnc/entreprise/pdf/wood-markets-nbc-newsletter-2018-november.pdf,  16 janvier 2019.
[BMO] 2019. Commodity Forecast. Repéré à https://economics.bmocapitalmarkets.com/economics/goods/current/, 16 janvier 2019.
[CIBC] 2019.Commodities Forecast Detail. Repéré à https://economics.cibccm.com/economicsweb/cds?ID=6471&TYPE=EC_PDF,  16 janvier 2019.
[DESJARDINS] 2019.Tendances des matières premières. Repéré à https://www.desjardins.com/ressources/pdf/tmp1901-f.pdf,  31 janvier 2019.
[DESJARDINS] 2019.Bois d’œuvre : l’accalmie après une année d’exception. Repéré à https://www.desjardins.com/ressources/pdf/per1218f.pdf?resVer=1545158224000,  31 janvier 2019.
[BOC] 2019.Monetary Policy Report (January 2019). Repéré à https://www.bankofcanada.ca/wp-content/uploads/2019/01/mpr-2019-01-09.pdf,  16 janvier 2019.
[SCHL] 2019.Baisse de la tendance des mises en chantier d’habitations au Canada en décembre. Repéré à https://www.cmhc-schl.gc.ca/fr/media-newsroom/news-releases/2018/canadian-housing-starts-trend-decreases-december,  16 janvier 2019.
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[NAHBNOW] 2019. Lower Interest Rates Stabilize Builder Confidence. http://nahbnow.com/2019/01/lower-interest-rates-stabilize-builder-confidence/, 16 janvier 2019.
[CANFOR] 2018.Investor presentation, Canfor Corporation, Raymond James (November 2018). Repéré à https://www.canfor.com/docs/default-source/investor-relations/raymond-james-november-28-2018.pdf?sfvrsn=2c1ded91_2,  16 janvier 2019.
[MADISON REPORT] 2019.North America Timber Industry Analysis and Assessment: 3Q 2018. Repéré à https://madisonsreport.com/2019/01/11/north-america-timber-industry-analysis-and-assessment-3q-2018-%EF%BB%BF/,  16 janvier 2019.
[FOREST2MARKET] 2019.11 Predictions for Global Wood Consuming Industries in 2019. Repéré à https://blog.forest2market.com/11-predictions-for-global-wood-consuming-industries-in-2019, 16 janvier 2019
[FOREST2MARKET] 2019.11 Predictions for Global Wood Consuming Industries in 2019. Repéré à https://blog.forest2market.com/syp-lumber-prices-finish-2018-in-a-slump-outlook-for-2019, 31 janvier 2019
[BBG] 2019.Monthly Housing Market Update. Repéré à https://www.bloomberg.com/news/articles/2019-01-11/trump-s-lumber-tariff-is-forcing-canada-producers-to-idle-mills
[CENSUS BUREAU] 2018.Monthly Housing Market Update. Repéré à https://www.census.gov/construction/nrc/pdf/newresconst.pdf, 16 janvier 2018

Mise à jour sur le marché de l’habitation au Canada

Après une année record en 2017, le marché de l’habitation au Canada en 2018 a ralenti pour la première fois en cinq ans. La décroissance amorcée cette année devrait se poursuivre selon la quasi totalité des analystes du marché. Malgré cette baisse prévue, plusieurs nuances permettent de comprendre l’ampleur de cette décroissance. Le dernier rapport de la Société canadienne d’hypothèques et de logement, ainsi que plusieurs analyses des institutions bancaires canadiennes font état de la situation.

Points positifs

La publication des 213 400 unités mises en chantier au mois de décembre semble avoir rassuré provisoirement les acteurs du marché. En effet, malgré la parution d’une statistique légèrement plus faible que le mois dernier, la Banque TD ainsi que la Banque Nationale affirment que les mises en chantier canadiennes demeurent à un niveau sain. Ceux-ci mentionnent que l’augmentation de la population et le taux de chômage historiquement faible soutiennent le rythme des constructions au Canada. Les derniers rapports sur les mises en chantier indiquent que le secteur de la construction au Québec est en bien meilleure posture que dans les provinces de l’Ontario et de la Colombie-Britannique. Contrairement au Québec, ces régions semblent être affectées de façon plus importante par les nouvelles règles sur les emprunts hypothécaires, ce qui devrait être perçu comme une bonne nouvelle étant donné le contexte des prévisions de ralentissement du marché immobilier canadien. De plus, la Société canadienne d’hypothèques et de logement a revu à la hausse les données de novembre. Celle-ci a ajouté près de 10 000 unités aux 215 900 répertoriées précédemment. Cette dernière publication pour 2018 vient fermer le quatrième trimestre qui enregistre un bond de près de 9 % par rapport au troisième trimestre 2018.

Par ailleurs, la Banque du Canada a signalé lors de son dernier rapport sur la politique monétaire qu’elle envisageait un ralentissement de sa politique expansionniste tout comme son équivalent américain. En effet, les inquiétudes concernant le marché immobilier canadien, jumelées à la récente chute du prix du pétrole (-25 % par rapport à octobre) favorisent une montée des taux beaucoup moins agressive que prévu de la part du gouverneur de la Banque du Canada. Concernant le marché immobilier, celui-ci évoque que la stabilisation du secteur est plus lente que prévu. À cet effet, le Conseil de direction et cadres supérieurs de la Banque du Canada sera attentif au futur développement de ce marché avant de procéder à des hausses de taux d’intérêt. Cette nouvelle attitude de la banque centrale canadienne devrait être bien perçue des différents acteurs du marché immobilier. Effectivement, le ralentissement des hausses de taux devrait influencer positivement l’accessibilité au logement puisque le taux de la Banque du Canada influence directement les taux hypothécaires. Dans sa dernière publication sur le marché immobilier, la Banque Royale du Canada (RBC) note que la majeure partie de la dégradation de l’accessibilité au logement des dernières années est une résultante de la hausse des taux d’intérêt. En plus de ce facteur, la RBC indique que la hausse des salaires, jumelée à un environnement où l’augmentation du prix des maisons sera moins importante que par le passé, soulageront les potentiels acheteurs.

Points négatifs

Le resserrement des règles hypothécaires qui prend la forme d’une simulation de crise a eu un effet similaire à une augmentation de taux d’intérêt pour les ménages canadiens ce qui réduit leur capacité d’emprunt hypothécaire. Selon la Banque de Montréal (BMO), un ménage gagnant 87 000 $ avec une mise de fonds de 20 % pouvait se permettre l’achat d’une maison de 508 069 $ avec un taux de 2,99 %. Depuis janvier 2018, le taux hypothécaire effectif reste le même, mais la simulation oblige le ménage à démontrer sa capacité de payer avec un taux de 5,14 % (exemple du taux hypothécaire fixe de 5 ans de la Banque du Canada en avril 2018). Le ménage peut donc désormais se permettre l’achat d’une maison allant jusqu’à 393 716 $, une diminution de 22,5 % du pouvoir d’achat du ménage.

L’association canadienne de l’immeuble (ACI) a publié le 15 janvier, le quatrième mois de baisse dans les ventes de maison. L’ACI note que la diminution de l’activité dans le secteur de la vente de maisons provient essentiellement des régions de la Colombie-Britannique et de Toronto où le resserrement des règles hypothécaires à un effet plus marqué. De plus, ce recul marqué provient en partie de l’empressement de certains acheteurs à signer leur contrat de vente avant la mise en vigueur de la nouvelle réglementation. En effet, cet empressement a donné lieu à un boum au mois de décembre 2017, dernier moment avant que les nouvelles règles hypothécaires ne soient effectives. Après ce dopage des statistiques, les ventes de maison sont tombées à des niveaux en dessous des 40 000 unités par mois pour l’ensemble des mois de 2018. Ces niveaux n’avaient pas été atteints depuis le premier trimestre de 2014.

En ce sens, les problèmes reliés à la détérioration de l’accessibilité au logement poussent de plus en plus de Canadiens à opter pour des alternatives moins coûteuses pour se loger. RBC estime que la tendance des trois dernières années se poursuivra et la demande pour de plus petites maisons ainsi que pour des condos continuera. Puisque les constructions de logements locatifs consomment 10 fois moins de bois que les constructions unifamiliales, cet élément affectera à la baisse la demande de produit manufacturier de construction de bois à destination du Canada.

Prévisions

Les prévisions des institutions bancaires canadiennes tablent pour une décroissance d’environ 6 % des mises en chantier pour 2019 au Canada. La médiane des prévisions cible 199 000 unités de mises en chantier pour cette année. Une baisse par rapport aux 212 000 unités atteintes en 2018. Pour l’année 2019, la prévision la plus pessimiste provient de la Banque CIBC avec 188 000 unités et les plus optimistes proviennent de la Banque Laurentienne et de la BMO avec 205 000 unités.

Sources

[TD] 2019. Canadian Housing Starts (December 2018). Repéré à https://economics.td.com/ca-housing-starts,  16 janvier 2019.
[BNC] 2019. Nouvelles économiques (9 janvier 2019). Repéré à https://www.bnc.ca/content/dam/bnc/fr/taux-et-analyses/analyse-economique/nouvelles-economiques-construction.pdf,  16 janvier 2019.
[BNC] 2019. L’hebdo économique(9 janvier 2019). Repéré à https://www.bnc.ca/content/dam/bnc/fr/taux-et-analyses/analyse-economique/hebdo-economique.pdf,  16 janvier 2019.
[BMO] 2018. Nouvelles règles hypothécaires : Comment effectuer une simulation de crise relative au prêt hypothécaire? Repéré à https://www.bmo.com/principal/particuliers/prets-hypothecaires/nouvelles-regles-hypothecaires-et-simulation-de-crise/,  16 janvier 2019.
[SCHL] 2019.Baisse de la tendance des mises en chantier d’habitations au Canada en décembre. Repéré à https://www.cmhc-schl.gc.ca/fr/media-newsroom/news-releases/2018/canadian-housing-starts-trend-decreases-december,  16 janvier 2019.
[BOC] 2019.Monetary Policy Report (January 2019). Repéré à https://www.bankofcanada.ca/wp-content/uploads/2019/01/mpr-2019-01-09.pdf,  16 janvier 2019.
[BOC] 2019.Monetary policy: How It Works, and What it takes. Repéré à https://www.bankofcanada.ca/publications/books-and-monographs/why-monetary-policy-matters/4-monetary-policy/,  16 janvier 2019.
[ACI] 2019.Statistique nationale. Repéré à http://creastats.ca/natl_fr/index.html,  16 janvier 2019.
[RBC] 2018.Housing Trends and Affordability. Repéré à http://www.rbc.com/economics/economic-reports/pdf/canadian-housing/house-dec2018.pdf,  16 janvier 2019.
[RBC] 2019.Monthly Housing Market Update. Repéré à http://www.rbc.com/economics/economic-reports/pdf/canadian-housing/housespecial-jan19.pdf,  16 janvier 2019.

Mise à jour sur le marché américain de l’habitation

Le marché de l’habitation joue un rôle crucial pour l’économie américaine. Effectivement, plusieurs retombées économiques importantes découlent de ses activités. Ainsi, plusieurs statistiques et rapports sont publiés de façon périodique afin de prendre le pouls de ce secteur. Récemment, le dernier rapport sur le marché de l’habitation du US Census Bureau a dressé le bilan du mois de novembre. Ce dernier était très attendu considérant le ralentissement du secteur des derniers mois jumelé aux inquiétudes grandissantes reliées à la croissance économique américaine. Pour les producteurs forestiers, le segment des maisons unifamiliales est beaucoup plus crucial que celui des logements collectifs considérant que la construction d’une résidence dans la première catégorie consomme deux fois plus de bois.

Points positifs

Selon le plus récent rapport du US Census Bureau, la construction résidentielle aux États-Unis a augmenté de 3,2 % en novembre par rapport au mois précédent. Sur une base annualisée, les mises en chantier américaines ont atteint 1,26 million d’unités, dépassant légèrement les 1,23 million d’unités prévues par le consensus de Bloomberg. Cette augmentation provient presque en totalité du segment des logements collectifs, beaucoup plus volatil que celui des maisons unifamiliales. Effectivement, cette catégorie a crû de 22 % par rapport au mois d’octobre, pour atteindre 417 000 unités, un niveau qui n’avait pas été atteint depuis le mois de mars 2018. Plus spécifiquement, le Sud des États-Unis a largement contribué à ce bilan positif en enregistrant une hausse de 15 % des mises en chantier. Selon la Banque TD, cette forte augmentation est en partie causée par la reconstruction des zones affectées par les ouragans Florence et Micheal. Néanmoins, la robustesse de l’activité de cette région permet d’espérer que le ralentissement de la construction résidentielle américaine observé durant les derniers mois n’est peut-être que passager.

De plus, les demandes de permis ont fait un bond de près de 5 % pour atteindre 1,33 million. Tout comme la hausse des mises en chantier, cet essor dans les demandes de permis provient essentiellement du segment des logements collectifs. En effet, une augmentation en novembre de près de 15 % a été observée par rapport au mois d’octobre. Selon Wells Fargo, les demandes de permis permettent de prévoir que la tendance se maintiendra dans ce segment.

Par ailleurs, la récente annonce du ralentissement dans les hausses de taux d’intérêt par la banque centrale américaine prévu pour 2019 est bien accueillie aux États-Unis. Effectivement, cet assouplissement de la politique monétaire expansionniste pourrait grandement aider à la stabilisation de l’accessibilité au logement. La majorité des économistes s’entendent sur le fait que la récente hausse des taux d’intérêt est l’un des facteurs principaux qui ont réduit l’accessibilité au logement dans les dernières années. Selon la banque JP Morgan, l’impact de la hausse des taux hypothécaires des deux dernières années a grandement réduit la demande pour les maisons. À titre d’exemple, un acheteur avec un paiement mensuel de 2 500 $ US au mois d’octobre 2016 pouvait se qualifier pour un prêt allant jusqu’à 500 000 $ US. Au mois d’octobre 2018, ce même paiement lui permettait un prêt de 443 000 $ US. Même si les taux d’intérêt restent à des niveaux historiquement bas, cette diminution du pouvoir d’achat de près de 10 % impacte négativement le dynamisme du marché de l’habitation aux États-Unis. À cet effet, JP Morgan précise qu’une fois l’ajustement aux nouvelles conditions de marché, le secteur de la construction devrait se redresser.

Points négatifs

En ce qui concerne les mises en chantier de maison unifamiliale, la tendance baissière entamée depuis le mois de septembre se poursuit. Selon le US Census Bureau, ce segment a enregistré une diminution de 5 % par rapport au mois d’octobre. Il s’est construit seulement 824 000 unités, soit la statistique la plus basse depuis 18 mois. Wells Fargo estime que le ralentissement de la construction résidentielle unifamiliale des derniers mois aurait notamment été causé par les feux de forêts en Californie. Effectivement, la région de l’Ouest américain a vu ce type de construction se contracter de près de 25 % en un mois. En raison de la faible augmentation des demandes de permis pour les constructions résidentielles unifamiliales, la banque Wells Fargo prévoit que la croissance pour ce type de bâtiment sera très faible ou nulle pour 2019.

Dans le même ordre d’idée, l’indice de confiance de la National Association of Home Builders (NAHB) a poursuivi sa chute du mois de novembre (-8 points) pour atteindre 56 points au mois de décembre (-4 points). Cette récente baisse de la confiance des deux derniers mois est la plus importante depuis 2001. Une donnée au-dessus de 50 points indique que la majorité des constructeurs perçoivent les conditions du marché de la construction résidentielle comme étant meilleures que mauvaises. Ce niveau reste donc relativement élevé. Cependant, les acteurs du marché seront très sensibles aux prochaines données de ce sondage afin de voir si la tendance baissière de la confiance persiste chez les constructeurs de maison.

À plus long terme, il est important de mentionner que certains changements structurels affectent le marché de l’habitation aux États-Unis. Habituellement, une forte croissance économique jumelée à un faible taux de chômage pousse la demande de maison unifamiliale vers la hausse. Cependant, la croissance limitée des derniers mois dans ce type de bâtiment semble remettre en question cette relation. Selon la banque Wells Fargo, la faiblesse de la corrélation provient d’un changement structurel et non cyclique dans le comportement des consommateurs. Effectivement, la génération des milléniaux retarde davantage l’achat d’une première maison et privilégie les logements locatifs. Plusieurs facteurs expliquent ce comportement qui réduit la demande de maison unifamiliale. L’un des plus importants est certainement un niveau d’endettement anormalement élevé relié aux études postsecondaires qui réduit considérablement le revenu disponible de ce groupe de consommateurs. De plus, ceux-ci ont gradué lorsque le taux de chômage était considérable et n’ont pas encore bénéficié d’une hausse de salaire substantielle leur permettant l’achat d’une première propriété.

Prévisions

Les prévisions des différentes institutions bancaires américaines et canadiennes tablent pour une croissance modeste des mises en chantier pour 2019 aux États-Unis. En effet, même si la plage de prévision est assez large, la médiane des prévisions cible 1,28 million de mises en chantier pour cette année. Une légère hausse par rapport au 1,26 million atteint jusqu’à présent en 2018. Pour l’année 2019, la prévision la plus pessimiste provient de la Banque TD avec 1,24 million et la plus optimiste provient de la banque RBC avec 1,31 million. Basé sur ces estimations, il est possible de conclure que le rythme de production des manufacturiers de produits de construction de bois à destination des États-Unis continuera sans changement majeur pour les prochains trimestres de 2019.

Sources

[The New York Times] 2018. Shiller,Robert The Housing Boom is already Gigangtic. How Long Can it Last? The New York Times. Repéré à https://www.nytimes.com/2018/12/07/business/housing-boom-how-long-can-it-last.html, 3 janvier 2019

[NASDAQ] 2018. 3 Funds to buys as U.S. Housing Gathers Steam. National Association of Home Builders. Repéré à https://www.nasdaq.com/article/3-funds-to-buy-as-us-housing-gathers-steam-cm1074791, 3 janvier 2019

[TD] 2019. U.S. Housing Starts and Permits. Repéré à https://economics.td.com/us-housing-starts-and-permits, 4 janvier 2019

[BBG] 2018. U.S. Housing Starts Top Forecasts, Permits Rise to Seven-Month High. Bloomberg. Repéré à https://www.bloomberg.com/news/articles/2018-12-18/u-s-housing-starts-top-forecasts-on-boost-from-multifamily, 3 janvier 2019

[NAHB] 2019. Economic and Housing Forecast. Repéré à https://www.nahb.org/en/research/housing-economics/economic-and-housing-forecasts.aspx, 4 janvier 2019

[FREDDIE MAC] 2018. Expect Modest Housing Market Growth in 2019. Repéré à http://www.freddiemac.com/research/forecast/20181127_economic_growth.html, 4 janvier 2019

[TD] 2019. Long-Term Forecast. Repéré à https://economics.td.com/ca-long-term-forecast, 4 janvier 2019

[Desjardins] 2018. The Global Economy Continues to Expand in Spite of Numerous Tensions. Repéré à https://www.desjardins.com/ressources/pdf/peft1812-e.pdf?resVer=1545141469000, 4 janvier 2019

[RBC] 2018. Economic and Financial Market Outlook. Repéré à http://www.rbc.com/newsroom/_assets-custom/pdf/fcst-dec2018.pdf, 4 janvier 2019

[CIBC] 2018. Eyeing What comes Next, Next. Repéré à https://economics.cibccm.com/economicsweb/cds?ID=5929&TYPE=EC_PDF, 4 janvier 2019

[Scotiabank] 2018. Uncertainty on the Rise as Trump’s Policies Start to Hurt. Repéré à https://www.scotiabank.com/content/dam/scotiabank/sub-brands/scotiabank-economics/english/documents/forecast-tables/forecast_20181207.pdf, 4 janvier 2019

[Wells Fargo] 2018.Housing Chartbook: December 2018. Repéré à https://www08.wellsfargomedia.com/assets/pdf/commercial/insights/economics/real-estate-and-housing/housing-chartbook-20181205.pdf, 4 janvier 2019

[US CENSUS BUREAU] 2018.Monthly New Residential Construction, November 2018. Repéré à https://www.census.gov/construction/nrc/pdf/newresconst.pdf, 4 janvier 2019

[NAHB] 2018.Housing Market Index (HMI), December 2018. Repéré à https://www.nahb.org/en/research/housing-economics/housing-indexes/housing-market-index.aspx, 4 janvier 2019

[JPM] 2018. The Housing Sector’s Slowdown, November 2018. https://commercial.jpmorganchase.com/pages/commercial-banking/executive-connect/housing-sector-slowdown, 4 janvier 2019

Le point sur les négociations avec les États-Unis dans le dossier du bois d’œuvre

La ministre des Affaires étrangères du Canada, Chrystia Freeland, et le secrétaire au Commerce des États-Unis, Wilbur Ross, tentent toujours de convenir des termes généraux d’un accord sur les exportations de bois d’œuvre canadien vers les États-Unis. Le maintien du canal diplomatique entre les deux États voisins doit être perçu comme une bonne nouvelle malgré l’absence de résultats. Effectivement, les négociations n’ont finalement pas été interrompues par les tractations entourant le renouvellement de l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA).

construction_FPFQActuellement, les discussions portent sur les termes généraux d’une entente déterminant la part de marché réservée au bois d’œuvre canadien sur le marché américain. À cela, s’ajouteraient diverses exemptions et exclusions devant être négociées. En août dernier, les deux parties ont convenu d’une entente de principe immédiatement rejetée par le lobby américain, composé de scieurs et grands propriétaires forestiers américains ayant déposé la plainte, qui milite plutôt pour un système ferme de quotas ne prévoyant aucune exclusion.

Malgré l’opposition de la coalition américaine, le Canada souhaite convenir des modalités devant prévaloir lorsque la demande sur le marché est forte. Il serait effectivement absurde que les États-Unis augmentent leurs achats de l’étranger, sauf du Canada, lorsque la demande ne peut être comblée par l’industrie américaine et les parts de marché réservées au Canada. Le gouvernement canadien souhaite également convenir d’exemptions sur des produits, des usines et espérons-le, certaines sources d’approvisionnement particulières. À ce propos, la forêt privée fait-elle partie des discussions à propos des exemptions? Probablement pas encore à ce stade-ci.


 

Une exemption revendiquée

La Fédération des producteurs forestiers du Québec (FPFQ) continue de revendiquer une exemption pour le bois d’œuvre produit à partir de bois rond issu des forêts privées. Consultez les 10 arguments mis de l’avant pour revendiquer cette exemption.

Le gouvernement du Québec a déjà indiqué qu’il défendrait une exemption pour la forêt privée ainsi que pour les scieries frontalières bénéficiant historiquement d’une exemption puisqu’elles s’approvisionnent majoritairement en forêt privée. L’équipe de négociateurs fédéraux s’est également montrée sympathique à la cause de la forêt privée. La FPFQ a de nouveau rencontré les autorités politiques fédérales le 15 septembre pour convaincre ces derniers de cette vision où la forêt privée canadienne est sur un pied d’égalité avec la forêt privée américaine. Les producteurs forestiers devraient souhaiter que ce message trouve ensuite écho chez leurs vis-à-vis américains.


Au moment de mettre sous presse, les droits compensateurs préliminaires moyens de 19,88 % sur le bois d’œuvre canadien sont suspendus jusqu’au 14 novembre. À ce moment, le Département américain du Commerce devra annoncer les droits compensateurs définitifs qui pourraient ainsi être appelés à varier en fonction des résultats de l’enquête menée. Quant à eux, les droits antidumping préliminaires de 6,87 % continueront de s’appliquer sans intermittence d’ici janvier 2018.

On peut anticiper une hausse des expéditions de bois d’œuvre canadien à destination des États-Unis cet automne puisque les taxes sur le bois d’œuvre n’atteindront que 6,87 %, comparativement à 26,75 % au cours de l’été dernier. Espérons que cela permettra aux producteurs forestiers d’augmenter temporairement leurs livraisons de bois rond aux scieries. La suspension des droits compensateurs permettra également aux deux parties de poursuivre les négociations, car une fois ces droits finalement déterminés, le Canada pourrait décider d’emprunter la voie juridique. Les actions américaines pourraient être contestées devant les tribunaux commerciaux américains, devant un panel bilatéral tel que stipulé dans l’ALENA ou même devant l’Organisation mondiale du commerce.

Étonnamment, ce conflit n’est plus la seule préoccupation de l’industrie forestière québécoise. Dernièrement, une autre plainte commerciale a été déposée par une compagnie américaine sur les importations canadiennes de papiers non couchés. Ceci pourrait dégénérer en un conflit commercial similaire à celui du bois d’œuvre puisque 10 usines de pâtes et papiers du Québec seraient visées par cette nouvelle enquête. Un jugement négatif occasionnerait un effet domino sur les scieries qui approvisionnent ces papetières en copeaux. L’industrie forestière canadienne pourrait être prise en étau sous le feu nourri des tribunaux commerciaux américains advenant que ces plaintes sur le bois d’œuvre et le papier non couché canadien se concrétisent simultanément.

Vincent Miville, ing. f. M.Sc.
Économiste forestier
2017-09-18

Présentation: évolution de la demande pour le bois de la forêt privée de 1970 à 2020

Alors que la mise en marché du bois rond était presque exclusivement orientée vers la production de bois à pâte, les producteurs forestiers vendent désormais majoritairement du bois de sciage.

Consultez une présentation réalisée dans le cadre du congrès de la FPFQ 2017 portant sur l’évolution de la demande pour le bois de la forêt privée de 1970 à 2020. Cette présentation vous donne un aperçu des volumes de bois disponibles en forêt privée et de l’évolution du marché du bois d’ici à 2020.

Lire la présentation en format PDF.

Le prix du bois d’œuvre décolle

Le Pribec décolle cette semaine alors qu’il enregistre de très forts gains. Cet indice de prix du bois d’œuvre publié par le Conseil de l’industrie forestière (CIFQ) a gagné 35 $/MPMP en une semaine. À titre indicatif, un gain de 20 $/MPMP est considéré comme excellent. Cette augmentation permet à l’indice Pribec de franchir le cap des 500 $/MPMP, exprimant une demande soutenue pour le bois d’œuvre.

2017-02-10 Prix BO

Ce gain pourrait s’expliquer par la taxe sur le bois d’œuvre qui sera vraisemblablement appliquée par les Américains ce printemps. Bien que ces droits compensateurs et antidumping ne soient déterminés qu’à la fin avril ou début mai, ils pourraient être appliqués de manière rétroactive sur les expéditions du début février. La hausse du prix du bois d’œuvre pourrait permettre aux scieurs canadiens de provisionner les frais reliés à l’application potentielle de cette taxe sur le bois d’œuvre.

Les gains semblent gagner toutes les catégories de produits, mais plus particulièrement celles liées au bois de colombage 2×4 de 8 pi (+40 $/MPMP), de 9 pi (+65 $/MPMP) et de 10 pi (+55 $/MPMP). Ceci s’explique par le fait que les scieries québécoises occupent une part non négligeable du marché nord-américain du bois de colombage.

Cette hausse indique pour l’instant que les producteurs canadiens sont en mesure de refiler le futur coût de la taxe aux acheteurs. L’imposition de tarifs douaniers sur le bois d’œuvre canadien aura pour effet d’accroître le prix moyen sur le marché nord-américain. Les taxes préliminaires n’ont pas encore été dévoilées et les marchés s’ajustent par anticipation. Le marché du bois d’œuvre risque d’être volatil à court terme.

Vincent Miville, ing. f. M.Sc.
Économiste forestier
2017-02-14


Sources:
 [PRIBEC] 2017. Marché nord-américain de sciage résineux. Pribec CIFQ. Vol.42 no.6. 10 février 2017.
[PRIBEC] Années multiples. Prix composé Pribec. Pribec CIFQ. Années multiples.

L’impact d’une taxe du bois d’oeuvre sur le prix du bois rond

Les dés sont joués. L’industrie canadienne du bois d’oeuvre se verra sans doute imposer des droits compensateurs et/ou antidumping au cours du printemps sur les expéditions de bois d’oeuvre destinées au marché américain. Déjà, les acteurs du milieu anticipent une taxe de l’ordre de 25 % qui marginalisera les scieurs canadiens, eux qui sont les plus grands compétiteurs des scieurs américains. Les consommateurs américains, les scieries canadiennes, les fournisseurs de bois résineux canadiens et les gouvernements se partageront vraisemblablement la hausse de coût créée par cette barrière tarifaire.

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Les producteurs de bois de la forêt privée subiront assurément des dommages collatéraux, eux qui contribuent à 16 % des approvisionnements des scieries québécoises de bois d’oeuvre. En 2015, ces expéditions de sapins, d’épinettes et de pins gris à destination des scieries ont représenté presque 3 Mm³, soit environ 58 % du volume de bois vendu en forêt privée. Les producteurs forestiers ont raison d’être inquiets.

L’industrie canadienne joue un rôle prépondérant dans le marché américain du bois d’oeuvre. Au cours des trois premiers trimestres de 2016, la demande américaine de bois d’oeuvre a été comblée principalement par les scieurs américains (65 %) et canadiens (34 %). L’imposition d’une taxe aura pour conséquence immédiate de gonfler artificiellement le coût du bois d’oeuvre en provenance du Canada. Cela provoquera une hausse du prix moyen sur le marché américain, à moins que les scieurs américains ne comblent rapidement l’offre. Ce dernier scénario demeure improbable dans la mesure où la production américaine ne peut pas s’accroître substantiellement du jour au lendemain.

Du bois d’œuvre plus cher pour les consommateurs américains

Outre la réduction des parts de marché des scieurs canadiens aux États-Unis, cette hausse de prix du bois d’œuvre est un deuxième objectif poursuivi par les scieurs américains. Ils vendront alors davantage de bois d’œuvre à un prix plus élevé, ce qui décuplera leurs marges de profit. C’est sans compter qu’une proportion des taxes payées par les scieries canadiennes pourrait retourner dans les poches des scieurs américains ayant déposé la plainte. Lors du dernier conflit, les plaignants ont récolté environ 10 % des 5 G$ qui ont été prélevés. Ces éléments justifient amplement la récurrence des accusations portées par les scieurs américains envers leurs concurrents canadiens.

Qui se partagera la facture?

À ce stade, quatre scénarios peuvent être envisagés.

1. Les consommateurs américains pourraient absorber la hausse du coût du bois d’œuvre canadien. La National Association of Home Builders évalue qu’une taxe de 25 % sur le bois d’œuvre canadien aurait pour conséquence d’accroître de 1 300 $ US, en moyenne, le coût de construction d’une résidence unifamiliale. Or, il ne faut pas sous-estimer la plasticité des marchés; d’autres sources d’approvisionnement moins onéreuses surgiront et permettront aux consommateurs d’atténuer la hausse de prix. D’ailleurs, les scieries américaines bénéficieront d’un avantage sur les scieries canadiennes, en raison de la taxe supplémentaire, ce qui leur donnera la possibilité
de vendre en deçà du prix des producteurs canadiens, et ainsi, d’accentuer leur production et d’accroître leur part de marché.

parts de marché - impact bois oeuvre FCN fév 2017

2. Les gouvernements québécois et canadiens pourraient décider d’absorber les coûts de la taxe en mettant en place un système de garanties de prêts à l’industrie dans l’espoir que les tribunaux internationaux statuent en faveur de la position canadienne. Ce soutien permettrait à l’ensemble de la filière de conserver sa structure de coût. Toutefois, est-ce que les gouvernements accepteront de supporter cette facture pendant les années nécessaires à la contestation judiciaire?

3. Les scieries pourraient assumer directement ces coûts. L’ampleur de la taxe anéantira leur marge bénéficiaire et elles essuieront temporairement des pertes. Pas question cette fois-ci de compter sur les sous-produits du sciage tels que copeaux, planures et sciures pour compenser la perte de revenus de bois d’œuvre; il y a déjà trop de stocks de copeaux sur les marchés et la demande pour ces derniers flanche alors que les papetières ferment. Les scieurs miseront sur leurs actifs les plus rentables. Ils scieront le bois le moins cher de leur panier d’approvisionnement. Ils réduiront leur production, mais devraient accroître leur efficacité.

4. Les scieries pourraient refiler une partie des coûts supplémentaires à leurs fournisseurs en exigeant une baisse de prix du bois rond. C’est justement là que le bât blesse pour les producteurs de bois, puisque l’approvisionnement et la manutention du bois rond représentent 59 % de l’ensemble des frais d’exploitation des scieries québécoises. Il y a fort à parier que la chaîne d’approvisionnement en bois (propriétaires forestiers, producteurs/entrepreneurs forestiers et transporteurs) sera appelée à assumer une partie non négligeable des coûts associés à la taxe.

La combinaison de ces scénarios constituera la réalité des prochaines années. Toutes les parties impliquées, à l’exception des scieries américaines, subiront le choc provoqué par la taxe sur le bois d’œuvre. Les consommateurs américains paieront celui-ci plus cher, les gouvernements viendront en aide à l’industrie, les scieurs canadiens verront leurs marges s’effriter et leurs volumes de vente chuter.

Finalement, les producteurs de bois participeront, malgré eux, à l’effort de guerre alors que la capacité de payer des scieries diminuera drastiquement. La demande de bois rond devrait suivre la même tendance que la production canadienne de bois d’œuvre; elle chutera à mesure que les scieurs américains et d’outre-mer accroîtront leurs parts de marché au détriment du Canada. Il y a peu de marché de substitution existant pour ces volumes.

La Fédération des producteurs forestiers du Québec a proposé une approche originale pour éviter une baisse de revenus des producteurs. Elle milite pour une exemption du bois des forêts privées dans le cadre des négociations entourant le dossier du bois d’œuvre.

D’ici là, l’ensemble de la filière devra faire preuve de résilience et la coopération entre les partenaires sera de mise pour se dresser contre cet acte de protectionnisme américain.

Quel impact pour les emplois au Québec ?

Une taxe sur le bois d’œuvre provoquera une réduction de la récolte de bois rond et une baisse du chiffre d’affaires des producteurs de bois.

À titre d’exemple, une baisse de la récolte d’un million de m³ de bois de sciage résineux en forêt privée se traduirait par une baisse de 550 emplois à temps complet dans les sous-secteurs de l’aménagement forestier, de la récolte et du transport de bois. Parallèlement, le chiffre d’affaires reculerait de 66 M$.

En incluant les activités de première et de seconde transformation du bois, on estime à 2 200 les pertes d’emplois à temps complet. Le chiffre d’affaires de la filière chuterait de 606 M$.

Vincent Miville, ing. f. M. Sc.
Économiste forestier

Lire en version PDF:infolettre de février 2017 – Quel sera l’impact d’une taxe du bois d’oeuvre sur le prix du bois rond? + Dates des assemblées de nos syndicats et offices

Modeste progression du rythme des mises en chantier aux États-Unis en 2016

Le rythme des mises en chantier a progressé de 6 % en 2016 aux États-Unis pour atteindre 1,17 million d’unités. Ces résultats confirment une progression modeste, mais durable de la construction résidentielle américaine. Un fait d’armes fut accompli au cours du mois d’octobre lorsque le rythme a fracassé le niveau de 1,3 million d’unités, du jamais vu depuis 2007. Toutefois, la reprise est encore une fois plus lente qu’anticipée, alors que les prévisionnistes tablaient sur une hausse du rythme de 100 000 unités en 2016 plutôt que les 68 000 enregistrées.

2017-01-18 Graph chantier

Le rythme des mises en chantier pour le mois de décembre atteint 1,23 million d’unités, en hausse de 11 % sur le mois précédent et de 6 % par rapport à décembre 2015. La volatilité s’est installée dans ce marché depuis la fin de l’été. En effet, le rythme des mises en chantier a chuté de 10 % en septembre. Il a ensuite repris 25 % en octobre, pour perdre 17 % le mois suivant et terminer l’année avec une hausse de 11 %.

2017-01-18 Tableau chantier

La volatilité des mises en chantier provient principalement du segment des logements multiples. Au cours du deuxième semestre, ces constructions ont oscillé entre 0,26 million et 0,47 million d’unités. Parallèlement, le rythme des mises en chantier de résidences unifamiliales a poursuivi sa croissance de manière beaucoup plus constante. Le rythme de construction des résidences unifamiliales a crû de 10 % en 2016, pour atteindre 0,78 million d’unités, alors que le rythme de construction de logements multiples a plutôt baissé de 3 % cette année, pour atteindre 0,37 million d’unités. C’est donc dire que la croissance des mises en chantier en 2016 fut exclusivement réalisée dans la catégorie des résidences unifamiliales.

Cette statistique est très intéressante puisqu’elle confirme la confiance des Américains dans le marché immobilier, et elle reflète la capacité des ménages à réinvestir le marché des résidences unifamiliales plutôt que le marché des copropriétés. Même si globalement la croissance des mises en chantier est au-deçà des attentes, le fait est que la résilience du marché des résidences unifamiliales est beaucoup plus intéressante pour l’industrie forestière. En fait, la construction d’une résidence unifamiliale multiplie l’utilisation de produits du bois comparativement à la construction d’une unité résidentielle dans un complexe à logements multiples.

La Banque de Montréal s’attend à ce que le rythme des mises en chantier aux États-Unis atteigne 1,32 million d’unités en 2017, en hausse de 0,15 million d’unités sur un an. La forte croissance anticipée en 2017 contrastera avec 2018 qui devrait se solder par une croissance de seulement 0,04 million d’unités.

Du côté canadien, le rythme annuel des mises en chantier en 2016 a atteint 198 000 unités, en hausse de 4 000 unités par rapport à 2015. Ceci ne cesse d’étonner les économistes alors que les provinces de l’Ouest sont durement touchées par la crise pétrolière. La Banque de Montréal entrevoit une baisse du rythme des mises en chantier à court-terme. Ce rythme devrait osciller entre 180 000 et 185 000 unités en 2017 et 2018.

Vincent Miville, ing. f. M. Sc.
Économiste forestier


Sources:
[BMO] 2016. Canadian Economic Outlook. BMO Capital Markets. 13 janvier 2017.
[BMO] 2016. United States Economic Outlook. BMO Capital Markets. 13 janvier 2017.
[SCHL] 2016. Le marché de l’habitation : Données provisoires sur les mises en chantier. Société canadienne d’hypothèques et de logement. Janvier 2017.
[USCB] 2016. New Residential Construction. United States Census Bureau. 19 janvier 2017.

Le Québec enregistre la plus forte hausse de production de bois d’œuvre en Amérique du Nord

De janvier à septembre 2016, la production nord-américaine de bois d’œuvre a atteint 46,2 G PMP, en hausse d’un peu plus de 5 % comparativement à la période correspondante l’année dernière. La production américaine s’est chiffrée à 3,4 %, tandis que la production canadienne a grimpé à près de 8 %.

Le Québec a encore une fois fait bonne figure en enregistrant une hausse de plus de 16 % sur un an, pour atteindre une production de 4,9 G PMP en l’espace de neuf mois. Cette hausse est de loin la meilleure enregistrée parmi toutes les régions d’Amérique du Nord. Toutes les provinces canadiennes, à l’exception de l’Alberta, ont surpassé la croissance de production survenue dans toutes les régions des États-Unis.

2016-12-19-production-bois-www.foretprivee.ca

À pareille date l’an dernier, la production du Québec équivalait à 21 % de la production canadienne et à 10 % de la production nord-américaine. Ces parts de marché sont passées respectivement à 23 % du Canada et 11 % de l’Amérique du Nord. Le Québec a connu une croissance de production de 0,67 G PMP (670 M PMP) en neuf mois. À titre indicatif, cette production supplémentaire équivaut à trois fois la capacité de production annuelle d’une scierie de grande taille, telle que celle d’Arbec à Péribonka, ou plus de sept fois la capacité de Clermond-Hamel.

Vincent Miville, ing. f. M.Sc.
Économiste forestier


Sources:
[RL] 2016. Canada sets the pace in lumber production increase. Random Lengths 72(50). 9 décembre 2016.
[RL] Années multiples. North American Lumber Output. Random Lengths. Années multiples.
[SC] Années multiples. CANSIM 303-0064 – Production, livraisons et stocks de bois d’oeuvre, selon le Canada et les provinces. Statistique Canada. Années multiples.

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