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Éliminer les coupes forestières est-elle une bonne pratique environnementale? Il le semblerait si l’on écoute ceux qui dénoncent leur impact sur les paysages. Pourtant, quelques avantages méritent d’être rappelés aux citoyens qui sont moins familiers avec les activités sylvicoles chez l’un ou l’autre des 134 000 propriétaires forestiers du Québec, majoritairement des familles détenant un ou quelques lots boisés dans leur village.

• La récolte des arbres matures dans les peuplements forestiers sains encourage la croissance des jeunes arbres, en attente de lumière dans le sous-bois.
• La récolte des sapins baumiers et des épinettes blanches matures réduit la susceptibilité des forêts à la tordeuse des bourgeons de l’épinette qui entre actuellement en phase épidémique dans les régions du Québec.
• La récolte des arbres dépérissants diminue le risque de feux de forêt.
• L’éclaircie d’une plantation favorise sa croissance, plutôt que sa stagnation en un peuplement dont la densité est trop élevée.
• La récolte dans les bandes riveraines réduit le nombre de tiges âgées tombant dans les ruisseaux et rivières, et conséquemment, le nombre de débris affectant l’habitat du poisson.
• Une coupe d’arbres favorise la présence des espèces animales, tel le cerf de Virginie ou le lièvre, qui s’alimentent du feuillage que l’on retrouve abondamment dans une jeune forêt.
• La transformation des arbres en produits forestiers pouvant remplacer l’acier, le béton et le plastique, accompagnée du rajeunissement de la forêt, contribuent à la lutte aux changements climatiques en améliorant le bilan carbone de notre
pays.

En fait, des écologistes forestiers pensent de plus en plus que la récolte de bois et la plantation d’espèces mieux adaptées aux conditions climatiques et environnementales futures sont souhaitables pour maintenir une forêt en santé et résiliente face aux changements globaux.

Alors, pourquoi donc les réglementations municipales sur l’abattage d’arbres en milieu forestier sont-elles de plus en plus contraignantes? Principalement, parce que l’effet des coupes sur le paysage est désagréable aux yeux des citoyens, d’autant plus si elles se produisent chez leur voisin. De plus, on redoute l’impact sur les cours d’eau ou les potentiels de chasse. Toutefois, la récolte forestière sur une propriété privée dépasse rarement quatre hectares, selon un calendrier de travaux qui diffère d’un propriétaire à l’autre.

La recherche du compromis appelle donc un meilleur dialogue entre les rédacteurs de ces réglementations et les représentants de propriétaires forestiers. Ces derniers pourront faire visiter des forêts bien aménagées et d’autres qui ne le sont pas, pour
montrer le résultat d’un travail bien fait. Je peux garantir qu’après cette initiation, de nombreux profanes en foresterie demanderont davantage de travaux forestiers bien planifiés.

Malheureusement, établir des lieux de rencontre avec les associations de propriétaires forestiers apparaît une tâche insurmontable lorsqu’on sait qu’il y a plus de 800 municipalités rurales au Québec pouvant appliquer leur propre réglementation en milieu forestier.

De nombreux acteurs proposent donc que la rédaction des réglementations sur l’abattage d’arbres se fasse à l’échelle des MRC pour réduire ces lieux de discussion à environ 80 à travers le Québec. Nous pensons que cette proposition respecte le pouvoir municipal qui conservera la mainmise sur la rédaction et le contrôle des réglementations sur l’abattage d’arbres en milieu forestier.

Pour que cette idée se matérialise, il faudra néanmoins convaincre les élus municipaux. Plusieurs adhèrent déjà à cette idée. Je vous invite donc à en parler avec votre maire et votre préfet de MRC. Quant à moi, je poursuivrai ce travail auprès des associations provinciales des municipalités et du ministère des Affaires municipales et de l’Occupation du territoire.

Pierre-Maurice Gagnon
Producteur et Président de la Fédération des producteurs forestiers du Québec

Éditorial paru dans la revue Forêts de chez nous, édition de septembre 2017