Pour différentes raisons, le secteur forestier est sous pression. Les scieries multiplient les arrêts de production en raison de la hausse des droits sur le bois d’œuvre expédié aux États-Unis, de prix amorphes, d’une demande hésitante et de l’incertitude qui plane autour de l’enjeu du caribou forestier. La suspension des opérations se prolonge… quand les industriels ne se décident pas simplement à cadenasser les portes.

Ces enjeux transcendent l’ensemble de la filière, de la souche à l’usine comme se plaisent à dire mes confrères industriels. Les conditions offertes aux producteurs s’effondrent à un rythme affolant… lorsque la livraison de bois des forêts privées est encore possible. Nous avions pourtant commencé l’année sur les chapeaux de roue, mais la fin de l’année risque d’être plus modeste.

Pis encore, les producteurs font face à une accélération de la récolte en forêt publique. Au sud du fleuve, un plan spécial de récupération a cours au Bas-Saint-Laurent à la suite d’un chablis, tandis qu’au nord, on récolte toujours du bois de feu. Les marchés des producteurs sont pris en étau, alors que la demande baisse et que l’offre du gouvernement s’accroît.

L’érosion des marchés est encore plus palpable puisque plusieurs industriels ont diminué successivement les prix offerts aux producteurs alors que d’importants volumes bon marché étaient alloués en forêt publique. Il faut dire que les redevances quasi nulles perçues par le gouvernement sur le bois en perdition et les aides financières offertes pour la récupération de bois ont pour conséquence de rendre ce bois bon marché comparativement à celui de la forêt privée.

Je sais que les producteurs reconnaissent la cyclicité de notre secteur, mais pour nous, la situation perdurera plus longtemps en raison des conditions d’allocation de bois des forêts publiques qui permettront aux industriels de repousser la récolte lors de la prochaine année d’une portion de leurs garanties d’approvisionnement et de leurs enchères remportées.

Lors de la Démarche de réflexion sur l’avenir de la forêt, la Fédération des producteurs forestiers du Québec (FPFQ), ses 13 syndicats régionaux affiliés et les producteurs forestiers de toutes les régions ont insisté sur la nécessité de mieux protéger les marchés de la forêt privée en renforçant le principe de résidualité, ou à tout le moins en l’appliquant plus rigoureusement. Certaines solutions proposées permettraient de réduire la pression sur les marchés à court-terme, pendant que d’autres permettraient d’éviter que des situations similaires surviennent.

Pour éviter la saturation des marchés, le ministère des Ressources naturelles et des Forêts devrait pouvoir ajuster les volumes octroyés en forêt publique en fonction du besoin réel des usines, plutôt que de la capacité de transformation théorique des installations. Par le fait même, il devrait ajuster l’offre de bois mis aux enchères en fonction du contexte des marchés. Et pour éviter que les camions de bois en provenance de la forêt publique ne fassent la file devant les usines, il devrait procéder à des octrois graduels de bois pour ne pas engorger d’un coup les marchés. Il s’agit de propositions tangibles pour mobiliser de manière pérenne le bois des forêts privées.

La balle est dans le camp du ministère.

Gaétan Boudreault
Producteur et président de la Fédération des producteurs forestiers du Québec

Éditorial paru dans la revue Forêts de chez nous, édition de novembre 2024.