Se projeter dans l’avenir est familier pour nous, les forestiers. J’aime me rappeler que les arbres que j’ai plantés sont davantage un legs aux générations futures qu’une action entreprise pour en profiter de mon vivant. Cet avenir est préparé minutieusement, comme en témoignent mes plans d’aménagement forestier et les réflexions perpétuelles qui m’habitent à propos de mes lots à bois.
Pourtant, il s’avère difficile pour moi de prédire si l’avenir des forêts privées sera radieux… ou obscur. Nous avons bien tenté de définir un futur idéal dans le cadre des Tables de réflexion sur l’avenir de la forêt, mais avons-nous vraiment été entendus?
Laissez-moi un instant voler la boule de cristal et rêver d’une utopie forestière basée sur le principe de résidualité. En remplaçant le volume de bois produit en forêt publique par celui de la forêt privée, les propriétaires forestiers ont un intérêt grandissant à reboiser pour accentuer la production. Le couvert forestier explose, si bien que les éclaircies pratiquées sont accueillies favorablement par Mère Nature. Entre chaque récolte, les producteurs forestiers, finalement reconnus comme de véritables professionnels, s’abreuvent des principes de la sylviculture d’adaptation et sèment des essences mieux adaptées aux changements climatiques. Les pousses d’avenir pullulent et contribuent à faire foisonner la biodiversité. Le besoin de récolter du bois en forêt publique diminue et le gouvernement parvient à atteindre les objectifs d’aires protégées et de protection de la biodiversité établis dans le Plan nature 2030. Le caribou forestier chante son allégresse et retrouve son territoire; son abondance est telle que la chasse est autorisée. On ne pourra jamais nous empêcher de rêver…
À moins qu’un futur dystopique n’attende nos boisés? Des changements climatiques qui abîment nos arbres, des espèces exotiques qui évincent nos érables, des pressions sociales qui se traduisent par des réglementations abusives, et une guerre commerciale qui nous appauvrit en nous empêchant de vendre notre bois à juste prix se liguent contre les forestiers. L’avenir de la forêt privée se trouve probablement entre ces deux visions extrêmes.
La refonte du régime forestier amène son lot de nouveaux défis et d’opportunités qui conditionneront les forêts de demain. Est-ce possible que le gouvernement s’attelle à nous donner un coup de main en forêt privée? Est-ce utopique d’espérer que cette aide vienne renforcer le principe de la résidualité?
Peu importe nos doléances envers la forêt publique, il est de notre responsabilité de veiller à l’avenir de nos forêts privées comme nous l’avons déjà si bien fait par le passé. C’est pourquoi je vous invite à vous joindre à moi pour approfondir la réflexion et participer aux discussions lors de notre prochain congrès. Ensemble, déterminons un avenir de la forêt privée qui nous ressemble.
Gaétan Boudreault
Producteur et président de la Fédération des producteurs forestiers du Québec
Éditorial paru dans la revue Forêts de chez nous, édition de mai 2025.