La ministre des Affaires étrangères du Canada, Chrystia Freeland, et le secrétaire au Commerce des États-Unis, Wilbur Ross, tentent toujours de convenir des termes généraux d’un accord sur les exportations de bois d’œuvre canadien vers les États-Unis. Le maintien du canal diplomatique entre les deux États voisins doit être perçu comme une bonne nouvelle malgré l’absence de résultats. Effectivement, les négociations n’ont finalement pas été interrompues par les tractations entourant le renouvellement de l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA).

construction_FPFQActuellement, les discussions portent sur les termes généraux d’une entente déterminant la part de marché réservée au bois d’œuvre canadien sur le marché américain. À cela, s’ajouteraient diverses exemptions et exclusions devant être négociées. En août dernier, les deux parties ont convenu d’une entente de principe immédiatement rejetée par le lobby américain, composé de scieurs et grands propriétaires forestiers américains ayant déposé la plainte, qui milite plutôt pour un système ferme de quotas ne prévoyant aucune exclusion.

Malgré l’opposition de la coalition américaine, le Canada souhaite convenir des modalités devant prévaloir lorsque la demande sur le marché est forte. Il serait effectivement absurde que les États-Unis augmentent leurs achats de l’étranger, sauf du Canada, lorsque la demande ne peut être comblée par l’industrie américaine et les parts de marché réservées au Canada. Le gouvernement canadien souhaite également convenir d’exemptions sur des produits, des usines et espérons-le, certaines sources d’approvisionnement particulières. À ce propos, la forêt privée fait-elle partie des discussions à propos des exemptions? Probablement pas encore à ce stade-ci.


 

Une exemption revendiquée

La Fédération des producteurs forestiers du Québec (FPFQ) continue de revendiquer une exemption pour le bois d’œuvre produit à partir de bois rond issu des forêts privées. Consultez les 10 arguments mis de l’avant pour revendiquer cette exemption.

Le gouvernement du Québec a déjà indiqué qu’il défendrait une exemption pour la forêt privée ainsi que pour les scieries frontalières bénéficiant historiquement d’une exemption puisqu’elles s’approvisionnent majoritairement en forêt privée. L’équipe de négociateurs fédéraux s’est également montrée sympathique à la cause de la forêt privée. La FPFQ a de nouveau rencontré les autorités politiques fédérales le 15 septembre pour convaincre ces derniers de cette vision où la forêt privée canadienne est sur un pied d’égalité avec la forêt privée américaine. Les producteurs forestiers devraient souhaiter que ce message trouve ensuite écho chez leurs vis-à-vis américains.


Au moment de mettre sous presse, les droits compensateurs préliminaires moyens de 19,88 % sur le bois d’œuvre canadien sont suspendus jusqu’au 14 novembre. À ce moment, le Département américain du Commerce devra annoncer les droits compensateurs définitifs qui pourraient ainsi être appelés à varier en fonction des résultats de l’enquête menée. Quant à eux, les droits antidumping préliminaires de 6,87 % continueront de s’appliquer sans intermittence d’ici janvier 2018.

On peut anticiper une hausse des expéditions de bois d’œuvre canadien à destination des États-Unis cet automne puisque les taxes sur le bois d’œuvre n’atteindront que 6,87 %, comparativement à 26,75 % au cours de l’été dernier. Espérons que cela permettra aux producteurs forestiers d’augmenter temporairement leurs livraisons de bois rond aux scieries. La suspension des droits compensateurs permettra également aux deux parties de poursuivre les négociations, car une fois ces droits finalement déterminés, le Canada pourrait décider d’emprunter la voie juridique. Les actions américaines pourraient être contestées devant les tribunaux commerciaux américains, devant un panel bilatéral tel que stipulé dans l’ALENA ou même devant l’Organisation mondiale du commerce.

Étonnamment, ce conflit n’est plus la seule préoccupation de l’industrie forestière québécoise. Dernièrement, une autre plainte commerciale a été déposée par une compagnie américaine sur les importations canadiennes de papiers non couchés. Ceci pourrait dégénérer en un conflit commercial similaire à celui du bois d’œuvre puisque 10 usines de pâtes et papiers du Québec seraient visées par cette nouvelle enquête. Un jugement négatif occasionnerait un effet domino sur les scieries qui approvisionnent ces papetières en copeaux. L’industrie forestière canadienne pourrait être prise en étau sous le feu nourri des tribunaux commerciaux américains advenant que ces plaintes sur le bois d’œuvre et le papier non couché canadien se concrétisent simultanément.

Vincent Miville, ing. f. M.Sc.
Économiste forestier
2017-09-18