Le bois d’œuvre est l’une des matières premières qui a connu la plus grande progression de prix depuis le début de la crise de la COVID-19. L’indice de prix du bois d’œuvre Random Lengths a progressé de 103 % au cours de la dernière année, pour atteindre 698 $ US/MPMP dernièrement. Converti en dollars canadiens, cet indice atteint dorénavant un record à près de 950 $ CA/MPMP. Cet accroissement est aussi rapide que surprenant. Une compression de l’offre trop importante, jumelée à une demande plus vigoureuse que prévu, ont occasionné cette hausse aussi subite qu’inattendue.

La demande est plus robuste qu’anticipé

La robustesse du marché immobilier américain et canadien a déjoué toutes les prédictions des économistes. Les mises en chantier en juin au Canada et aux États-Unis ont atteint leur niveau d’avant COVID-19. Cette situation inattendue est survenue au même moment où la demande de bois d’œuvre en provenance du secteur de la rénovation s’est fortement accrue. Aux États-Unis, l’indice de confiance de la National Association of Home Builders (NAHB) sur les rénovations résidentielles a fortement augmenté, passant de 48 à 73 points entre le premier et le deuxième trimestre de 2020. En effet, bon nombre de particuliers ont profité du confinement pour procéder à la rénovation de leurs propriétés. La reprise du marché de la construction, conjuguée au dynamisme du secteur de la rénovation, ont donc occasionné une pression sur la chaîne d’approvisionnement.

Les données sur les exportations québécoises de bois d’œuvre vers les États-Unis illustrent cette tendance. Bien que l’activité économique ait chuté de 33 % aux États-Unis au cours du deuxième trimestre en raison de cette crise d’une ampleur disproportionnée, la diminution des exportations québécoises de bois d’œuvre ne fut pas aussi abrupte (-14 %). Les baisses depuis avril furent notables, mais nettement inférieures à la décroissance économique correspondante. C’est surprenant, car historiquement, la demande de bois d’œuvre est intimement corrélée à l’activité économique.

Exportations mensuelles de bois d'oeuvre du Québec vers les États-Unis (en G PMP)

La contraction de l’offre a été excessive

À la suite du déclenchement de la crise sanitaire vers la mi-mars, les entreprises manufacturières de bois d’œuvre ont rapidement réagi à la menace en réduisant agressivement leur capacité de production. Ce fut notamment le cas en Colombie-Britannique où des leaders du secteur comme West Fraser et Canfor ont annoncé au début du mois d’avril une réduction drastique de leurs activités (jusqu’à 60 % de leur capacité de production). La raréfaction du bois d’œuvre sur le marché nord-américain est en grande partie attribuable aux arrêts de production dans cette région, au bénéfice des autres régions forestières qui ont profité d’une concurrence moins féroce.

La vague de fermetures, ou les arrêts temporaires, des scieurs a fortement réduit la quantité de bois d’œuvre disponible dans la chaîne d’approvisionnement. Parallèlement, les distributeurs de bois d’œuvre ont fortement diminué leurs inventaires afin d’accroître leurs liquidités en vue d’une crise économique. Ces facteurs ont contribué à minimiser la disponibilité du bois d’œuvre dans la chaîne d’approvisionnement.

La course pour garantir des volumes pousse les prix vers des sommets

Contrairement aux attentes des scieurs, la consommation de bois d’œuvre en Amérique du Nord a été plus forte que prévu. Ceci s’est traduit par une forte pression sur la chaîne d’approvisionnement, occasionnant une hausse fulgurante des prix du bois d’œuvre.

La montée en flèche du prix du bois d’œuvre ressemble à plusieurs égards au rallye de 2018 lorsque le prix avait fracassé tous les records. En effet, les deux ralliements ont été causés par la conjugaison d’une meilleure demande qu’anticipée et une contraction subite de l’offre. En 2018, des feux de forêt et des problèmes de transport ferroviaire limitaient subitement l’offre, alors que cette année, ce fut plutôt une crise sanitaire à l’origine de cette contraction. Cette fois-ci, la dynamique des prix a été caractérisée par une hausse encore plus soudaine. En effet, il faut remonter à 1993 pour obtenir une hausse d’une ampleur similaire sur une si courte période. La course pour garantir des volumes de bois d’œuvre a poussé les prix vers des sommets.

À court terme, les contraintes sanitaires limiteront la capacité de production de bois d’œuvre à l’échelle de l’Amérique du Nord. Toutefois, ce débalancement entre l’offre et la demande devrait être de courte durée puisque la capacité de production nord-américaine surpasse nettement la demande. Le prix du bois d’œuvre devrait fléchir à mesure que les scieurs trouvent le moyen de reprendre leurs opérations normales ou que les dommages économiques causés par l’épidémie ne viennent ralentir le marché immobilier. Qui plus est, le prix du bois d’œuvre pourrait diminuer en novembre prochain lorsque le gouvernement américain abaissera les tarifs douaniers sur le bois d’œuvre canadien. Malgré une baisse anticipée du prix, ce dernier devrait demeurer intéressant d’un point de vue historique. Par conséquent, les marges des scieurs devraient demeurer plus que favorables.

Prix moyen mensuel du bois d'oeuvre (contrat à terme de l'indice Random Lengths en $ CA/MPMP)