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Si bien des enfants sont liés émotivement à la forêt familiale, cela ne signifie pas qu’ils détiennent comme leurs parents les connaissances nécessaires pour prendre de bonnes décisions de gestion lorsque la terre leur sera transférée.

Qui offrirait sa voiture à sa fille de 16 ans sans qu’elle ait suivi des cours de conduite? Ou alors, laisseriez-vous vos enfants cuisiner un repas important sans qu’ils n’aient jamais tenu une casserole? Non, évidemment. Vous les accompagnerez. Il est tout aussi essentiel de préparer ses enfants à la gestion de la propriété forestière familiale. C’est une chose de s’y balader, d’identifier des arbres, de chasser la perdrix, d’avoir fendu du bois de chauffage avec son père ou d’avoir participé aux travaux de la saison des sucres. C’en est une autre de comprendre les notions de base en sylviculture, les rôles et le fonctionnement des organisations de propriétaires forestiers, les raisons justifiant une action collective des producteurs de bois, le contenu de son plan d’aménagement forestier ou de sa convention avec un groupement forestier.

Cela ne signifie pas que nos enfants géreront « leurs » nouveaux boisés de la même façon que nous. Ils le feront selon leurs valeurs et leurs motivations personnelles. Par contre, une meilleure connaissance leur permettra d’éviter des erreurs, mais surtout de profiter des importantes ressources professionnelles et financières à leur disposition pour protéger et mettre en valeur les ressources de leurs boisés. Cet accompagnement familial est d’autant plus important dans ce monde où nos enfants sont plus scolarisés, plus urbains et plus occupés.

J’ai moi-même amorcé le transfert de mes lots à mes filles. Il m’a fallu leur demander ce qu’elles entendaient faire avec leurs boisés : générer un revenu d’appoint, s’en servir comme placement ou les utiliser comme lieux pour les loisirs? Je tente également de leur montrer l’effet des divers traitements sylvicoles que j’ai faits dans le passé pour mettre des images sur des concepts de sylviculture. Ce qui m’apparaît comme une évidence ne l’est pas nécessairement pour elles. Ainsi, elles pourront mieux interagir avec leur conseiller forestier lorsque je ne pourrai plus les aider. J’ai même fait suivre un cours d’abattage d’arbres à la scie à chaîne à mes filles afin de leur transmettre des notions de sécurité au travail, bien que les travaux de récolte se fassent de plus en plus de façon mécanisée.

La campagne Avez-vous votre forestier de famille? que nous avons mise de l’avant ce printemps en compagnie de plusieurs acteurs du secteur forestier vise un objectif semblable. Elle propose aux propriétaires forestiers d’aller chercher l’aide professionnelle disponible dans leur région pour les accompagner dans leurs projets. Plusieurs ont acquis leurs boisés par amour de la terre, ou par hasard de la vie, sans trop connaître la foresterie. Si des cours existent pour les amateurs de vin, de golf ou d’ébénisterie, il m’apparaît normal que les nouveaux propriétaires forestiers acquièrent également des connaissances techniques qui leur permettront de mieux jouir de leurs biens. L’interaction avec un conseiller forestier générera ce transfert de connaissances.

Je vous invite donc à réfléchir aux connaissances que vous souhaitez transmettre à votre relève. Qui sait? Ces conseils seront peut-être transférés un jour à l’autre génération qui pousse déjà.

Pierre-Maurice Gagnon
Producteur et Président de la Fédération des producteurs forestiers du Québec

Éditorial paru dans la revue Forêts de chez nous, édition de septembre 2018.