Trois-Rivières – Les intervenants du milieu de la foresterie, producteurs, ingénieurs, techniciens et entrepreneurs, sont unanimes : c’est d’abord et avant tout la confiance qui doit guider le producteur forestier dans le choix de son conseiller.

« Il faut que j’aie entièrement confiance parce que je lui demande de rendre ma forêt plus rentable », explique Robert Périgny, propriétaire d’une forêt de feuillus de 14 hectares en banlieue de Trois-Rivières.

Ce chiropraticien nouvellement retraité reconnaît qu’il n’avait pas l’expertise requise lorsqu’il a fait l’acquisition de sa propriété forestière il y a huit ans. « Je refusais de couper un arbre, raconte-t-il. Mon conseiller m’a bien fait comprendre que couper des arbres pouvait s’avérer bénéfique à la mise en valeur de ma forêt et que je devais avant tout planifier ces interventions en respectant un plan d’aménagement forestier. »

Et il ne regrette pas son choix. Cette année, il a procédé à la plantation de 1 600 chênes à gros fruits. Il montre fièrement les arbres plantés l’an dernier et au cours des années précédentes, dont certains atteignent déjà plus de trois mètres.

Son conseiller, c’est l’ingénieur forestier Patrick Lupien des syndicats des producteurs de bois de la Mauricie et du Centre-du-Québec. 

« Il a développé une expertise dans l’exploitation des forêts de feuillus. Je peux donc avoir confiance en lui, sans oublier le technicien qui connaît très bien le terrain et travaille étroitement avec mon conseiller. »

Un spécialiste et un guide

Qu’il provienne d’un syndicat, d’un groupement, d’une coopérative ou d’une firme de consultants en foresterie, le conseiller est le professionnel qui sera chargé d’élaborer un plan d’aménagement forestier et de guider le propriétaire dans ses démarches une fois qu’il se sera enregistré comme producteur.

Ce dernier pourra ainsi profiter des programmes d’aide à la mise en valeur des forêts privées et des autres mesures gouvernementales.

« Le conseiller forestier est comme un médecin de famille. Il faut avoir confiance en lui », explique Pascal Audet, conseiller forestier depuis 20 ans et PDG de la firme de consultants Les Conseillers forestiers de l’Outaouais.

« On travaille sur des valeurs importantes au plan économique comme au plan sentimental parce que c’est parfois la deuxième ou troisième génération de propriétaires. »

Une large proportion des propriétaires sont des néophytes. « Ils ont parfois très peu de connaissances du milieu et ont besoin d’être guidés, indique Patrick Lupien. On voit souvent les enfants d’un producteur qui ont hérité d’une forêt et qui veulent savoir quoi en faire. »

« Des producteurs n’ont parfois qu’une vague idée de ce qu’ils veulent faire de leur propriété, explique Nicolas Meagher, ingénieur forestier et directeur général d’Aménagement forestier coopératif des Appalachjes. Il faut donc en arriver à leur exposer toutes les possibilités qu’offre leur forêt et à les guider dans le chemin qu’ils ont choisi d’emprunter. Il est impératif de leur faire la démonstration qu’ils peuvent avoir confiance en nous. »

Une confiance à bâtir!

M. Audet considère comme cruciale la première rencontre avec son client. « À notre première visite, je « marche la forêt » avec le producteurs pour lui montrer qu’il fait appel à des spécialistes qui connaissent parfaitement le milieu. C’est aussi l’occasion de connaître les aspirations du producteur, de savoir ce qu’il souhaite faire de sa propriété. »

« Le producteur doit s’assurer que le conseiller forestier possède l’expertise pour mettre en oeuvre son plan d’aménagement », explique pour sa part Léopold Quintal, producteurs forestier et président du Syndicat des producteurs de bois de la Mauricie.

Le producteur forestier Léopold Quintal est président du Syndicat des producteurs de bois de la Mauricie

« Même s’il fait confiance à son conseiller, le producteur doit remettre en question les recommandations qui lui sont faites, avoir l’oeil sur les travaux qui sont recommandés et demander des comptes, précise-t-il. En fait, propriétaire et conseiller doivent être des partenaires et travailler ensemble à l’atteinte d’un objectif commun : aménager la forêt pour en accroître le potentiel. »

Mais qu’advient-il lorsque les aspirations du propriétaire sont incompatibles avec la nature de la forêt ou les valeurs défendues par le conseiller et son organisation?

« C’est tout à fait possible! avoue M. Audet. Par exemple, dans le cas d’un propriétaire qui souhaite exploiter une érablière dans une forêt qui n’en a pas le potentiel, le conseiller devra faire la démonstration que les résultats risquent de ne pas être à la hauteur des efforts déployés. Par ailleurs, je me verrais mal encourager un propriétaire qui souhaite raser sa forêt pour en tirer un profit à court terme. Il faudrait que je lui propose d’autres solutions. »

Ainsi, dans certaines situations, le conseiller doit savoir faire preuve de doigté et de diplomatie pour convaincre son client de ce qui est le mieux pour sa propriété tout en respectant ses limites. 

Le producteurs doit quant à lui se montrer ouvert d’esprit et envisager des avenues auxquelles il n’avait pas songé dans l’exploitation de sa forêt.

En somme, le propriétaire doit parvenir à voir en son conseiller le partenaire qui l’aidera à mieux exploiter sa forêt.

Cinq conseils pour choisir son conseiller

  • 1

    Cerner ses attentes et ses moyens

    Le propriétaire de boisé doit avoir une idée, même vague, de ce qu'il souhaite faire de sa propriété. Il peut par exemple choisir d'exploiter son potentiel faunique pour la chasse, pour la production de bois ou des produits non ligneux. Le conseiller devra tenir compte de ces aspirations.

    Il est fort probable que des travaux forestiers requièrent des investissements de la part du propriétaire. Celui-ci devra déterminer sa marge de manoeuvre et dans quels délais il souhaite retirer des revenus de ces travaux. 

    Il doit aussi savoir jusqu'où il est disposé à s'impliquer dans la réalisation des aménagements de sa forêt, les travaux sylvicoles, la construction et la réparation de chemins, l'abattage et le transport du bois ainsi que le débroussaillage. Il doit également déterminer s'il possède les ressources et l'expertise pour réaliser lui-même de tels travaux.

  • 2

    Consulter d'autres producteurs

    De nombreux producteurs exploitent leur forêt depuis plusieurs années, voire plusieurs décennies, et ont déjà acquis de l'expérience dans les relations avec des conseillers forestiers.

    Le conseiller devrait être disposé à fournir des noms de propriétaires avec lesquels il a travaillé pour permettre au producteur de déterminer si ses méthodes correspondent à ses attentes.

  • 3

    S'assurer de l'expertise requise

    Certains conseillers ont développé une expertise pointue dans certains aspects de la foresterie ou en agroforesterie, par exemple dans l'aménagement des forêts de feuillus, l'exploitation faunique ou l'aménagement acéricoforestier. Il faut donc s'assurer que le conseiller et son organisation ont bien l'expertise requise.

  • 4

    Être réceptif aux recommandations

    Il est possible que les aspirations du propriétaire ne soient pas compatibles avec la nature ou l'état de son boisé. Il lui faut se montrer réceptif aux recommandations du conseiller. Cela ne l'interdit pas d'émettre des objections ou des réserves, et de remettre en question les recommandations qui lui sont soumises.

  • 5

    Suivre les travaux

    Dans le cas où il ferait exécuter des travaux, le propriétaire devrait se rendre régulièrement sur place pour s'assurer qu'ils sont réalisés selon ses attentes.

    L'aménagement de la forêt peut se faire sur de nombreuses années et le conseiller forestier pourrait être présent tout au long de ce processus. Le propriétaire devrait exiger un rapport régulier sur l'état d'avancement des travaux et une projection des réalisations à venir.

Article paru dans la revue Forêts de chez nous de septembre 2016.