Ce ne sont pas tous les propriétaires forestiers qui peuvent ou veulent récolter eux-mêmes le bois pour le vendre aux usines de transformation. Or, celui qui songe à confier la récolte de son bois à un entrepreneur a tout intérêt à bien se renseigner avant de voir débarquer la machinerie.

Le propriétaire qui dispose déjà d’un plan d’aménagement et d’un conseiller forestier peut consulter ce dernier pour trouver le bon fournisseur. Certains entrepreneurs sollicitent directement des propriétaires. En pareil cas, il est recommandé de demander des références afin de parler à d’anciens clients. Les entrepreneurs le confirment : le bouche-à-oreille a son importance. Au besoin, certains proposent à leurs clients potentiels de visiter des chantiers situés à proximité.

« C’est rare que le client m’ait été référé par le conseiller forestier. Les producteurs m’appellent directement parce qu’ils ont vu passer mon nom dans le bulletin du syndicat. Il y a du bouche-à-oreille aussi », indique Louis Quintal, entrepreneur établi à Trois-Rivières.

« Le fait est que les entrepreneurs forestiers n’ont pas toujours une bonne réputation. C’est plate, mais c’est comme ça. Souvent, les ententes ne sont pas claires; il arrive qu’aucun papier ne soit signé. Des propriétaires ont parfois l’impression de s’être fait voler du bois », poursuit M. Quintal.

Avant de se déplacer, Éric Valcourt demande au propriétaire « s’il est prêt mentalement ». « La coupe a un effet psychologique. Il faut que le client soit prêt au changement, car lorsque j’arrive avec ma machine, le paysage change », fait observer l’entrepreneur établi à Adstock, dans la MRC des Appalaches.

« Au contraire, ça m’aide quand le propriétaire parle à un ancien client. C’est un défi de travailler pour quelqu’un qui ne connaît pas la foresterie et qui a peur. Je lui dis de parler à mes anciens clients. Ils lui diront que les montants prévus sont versés, que les travaux sont faits comme ils doivent l’être. C’est plus crédible que si c’est moi qui le lui dis », précise M. Valcourt.

« Chez nous, 100 % des propriétaires chez qui nous allons ont le sourire au visage quand le chantier est fini. Ils me donnent une tape dans le dos, ils sont très contents », explique Simon-Étienne Carbonneau, entrepreneur à Laurierville, dans la MRC de l’Érable, au Centre-du-Québec.

L’ACCRÉDITATION

Les syndicats et offices de producteurs de bois ont pour la plupart une liste d’entrepreneurs accrédités. Ceux-ci sont encouragés à utiliser le contrat de récolte de bois et de vente de droits de coupe préparé par la Fédération des producteurs forestiers du Québec. Jacques Tremblay est responsable de la mise en marché au Syndicat des producteurs de bois du Saguenay–Lac-Saint-Jean, et il s’occupe du programme d’accréditation des entrepreneurs lancé il y a deux ans. Il surveille à distance les travaux, car le Syndicat doit respecter les exigences de la certification environnementale avec les usines de transformation.

« Les industriels nous demandent d’assurer une vigie des travaux réalisés sur le terrain. Les entrepreneurs accrédités s’engagent à respecter les normes. On les rencontre et on les forme pour cela. On vérifie sur le terrain, avec des mesures, pour voir la conformité. Ça sécurise le propriétaire », précise-t-il.

En 2016, dans cette région, environ 75 % du volume de bois prélevé chez les propriétaires a été coupé par des entrepreneurs en sous-traitance, et tous ont utilisé des abatteuses, poursuit M. Tremblay. Cette proportion comprend aussi les entrepreneurs qui ne sont pas accrédités et qui sollicitent directement les propriétaires.

L’horaire de Louis Quintal, entrepreneur de Trois-Rivières, est bouclé jusqu’au printemps 2019. (Crédit photo : Louis Quintal)

 

Ce ne sont pas tous les entrepreneurs qui sont inscrits auprès d’un syndicat, car plusieurs s’occupent de gérer eux-mêmes le transport et la vente du bois aux usines. C’est le cas de Camil Vigneault, d’Exfor V.M. à Plessisville, dans le Centre-du-Québec, un entrepreneur spécialisé en abattage en forêt feuillue. « Je contrôle la vente du bois, car je trouve ça important pour le partage avec le propriétaire. C’est incontournable », dit-il. Simon-Étienne Carbonneau a lui-même rencontré une centaine d’entrepreneurs forestiers alors qu’il travaillait au Syndicat des producteurs forestiers du Sud du Québec, pour y implanter le programme de certification forestière. Le programme incluait un volet lié à l’accréditation des entrepreneurs. « J’ai pu voir toutes les manières de couper le bois et de l’apporter au bord du chemin, et en apprendre sur la rentabilité des différents procédés », dit-il.

À la naissance de son premier enfant, en 2010, M. Carbonneau est revenu s’établir près de sa ville natale, Beaulac-Garthby, dans la MRC des Appalaches. Il a acheté sa première abatteuse multifonctionnelle et a travaillé en soustraitance pour le groupement forestier, à Ham-Nord. Graduellement, il a acheté un porteur, puis un camion de transport de bois, et enfin une pelle mécanique. Désormais, il s’occupe de gérer les chantiers, mais il n’opère plus la machinerie. « Ça fait un an que je travaille exclusivement avec mes propres clients », dit-il.

Selon Éric Valcourt, bien des propriétaires sont nerveux à la première rencontre, car ils ne sont pas habitués à la récolte mécanisée et craignent que leur terrain subisse des dommages. (Crédit photo : Éric Valcourt)

 

LE RESPECT DU CONTRAT

L’entrepreneur doit offrir un contrat où le partage des rôles et responsabilités des parties est bien établi, et pas seulement le pourcentage des revenus de la coupe qui reviendront au propriétaire. Une clause d’assurance responsabilité doit aussi être prévue. « Souvent, quand ça tourne au vinaigre entre un entrepreneur et le propriétaire, c’est parce que les clauses du contrat n’ont pas été respectées », indique Simon-Étienne Carbonneau.

Le contrat devrait inclure les frais de remise en état du parterre de coupe, là où la récolte et le débardage ont laissé des traces. « Avec un minimum de 30 voyages, j’offre un bloc de quatre heures avec la pelle mécanique pour remettre les chemins en bon état. […] Si on fait une omelette pour la famille le dimanche, quand on a fini et que tout le monde a bien mangé, on ne s’en va pas en laissant la cuisine toute crottée. On fait le ménage », explique M. Carbonneau.

Le contrat prévoit que si le propriétaire n’est pas satisfait du travail réalisé, il peut interrompre le chantier quand bon lui semble. Cependant, il doit indemniser l’entrepreneur pour les frais de déplacement de son matériel. « Ça n’arrive jamais, mais ça rassure le client », confirme Camil Vigneault.

Jacques Tremblay remarque que les propriétaires de sa région utilisent de plus en plus les services d’entrepreneurs pour la récolte de leur bois.

 

CHEMIN D’ACCÈS ET DISTANCE

Les propriétaires de lots boisés qui décident de mettre du bois en marché négligent souvent de construire un bon chemin d’accès à leur propriété. Si cet investissement n’a pas été réalisé durant les années précédant le chantier de récolte, les revenus de la première intervention sylvicole serviront principalement à payer les dépenses reliées au chemin.

Pour Éric Valcourt, un bon chemin d’accès ne sert pas qu’à faciliter la récolte. « Si tu investis 25 000 $ dans un chemin d’accès, ta propriété gagne plus de valeur dès le lendemain. Ce n’est pas perdu, c’est un investissement », explique-t-il.

En forêt privée, les abatteuses les plus performantes ont besoin d’un chemin de 10 pi de largeur pour circuler. L’entrepreneur peut travailler avec des machines plus petites, d’environ 8 pi de large, souvent une excavatrice transformée en abatteuse. Pour cet appareil, les coûts fixes sont très élevés et la production est trop basse, souligne Simon-Étienne Carbonneau. Les machines plus grosses (12 pi de large) sont principalement utilisées en forêt publique.

Les entrepreneurs forestiers fixent habituellement une limite de distance : le chantier doit être situé à moins de 100 km de leur établissement, soit à environ une heure de route. Certains sont prêts à se déplacer un peu plus loin si le volume et la valeur du bois à récolter le justifient.

Si le volume à prélever est plus petit, l’entrepreneur peut organiser son horaire pour desservir plusieurs propriétaires dans la même localité.

 

EXPÉRIENCE

Selon Camil Vigneault, il faut deux ans pour former un bon opérateur d’abatteuse multifonctionnelle, du moins en forêt feuillue. « Mon garçon a 33 ans, mais il a commencé à chauffer une bûcheuse à 16 ans. Il doit avoir fait environ 30 000 heures. J’en ai un autre qui doit être rendu à pas loin de 45 000 heures », note-t-il.

De son côté, Louis Quintal souligne la qualité du travail qui peut être obtenue par un bon opérateur d’abatteuse. « Les plus surpris sont ceux qui me voient arriver chez eux pour faire de l’éclaircie de plantation. Ils regardent la machine et ils sont certains que je ne serai pas capable de faire de l’éclaircie avec cela. Une fois qu’elle est en forêt, c’est surprenant », dit-il.

Jacques Tremblay le confirme : le profil des propriétaires forestiers et le type de production ont beaucoup changé depuis 15 ans. Dans sa région du Saguenay–Lac-Saint-Jean, l’effondrement du marché du bois de feuillus a forcé les propriétaires à modifier leur production. « Produire des billes plus longues, ça prend de l’équipement et de la plus grosse machinerie. Les propriétaires prennent de l’âge », dit-il.

 

Article paru dans la revue Forêts de chez nous, septembre 2017.