Photo aérienne montrant un peuplement dont les essences d'arbres sont plus ou moins affectées par la tordeuse. Crédit photo : Enviro-Foto

Une importante épidémie de la tordeuse des bourgeons de l’épinette sévit actuellement au Québec. Aussi appelée TBE ou tordeuse, il s’agit de l’insecte le plus destructeur des peuplements de conifères en Amérique du Nord. Déjà, 13,5 millions d’hectares sont infestés par l’insecte, dont 1,26 million d’hectares de boisés privés. La Fédération des producteurs forestiers du Québec (FPFQ) estime qu’environ 25 000 propriétaires de lots boisés subissent actuellement les conséquences de cette épidémie, quoique l’ampleur des dommages varie énormément d’une région à l’autre.

Les municipalités ont un rôle à jouer dans la gestion de cette catastrophe naturelle qui aura des conséquences négatives importantes sur le couvert forestier régional. Bien que cet insecte fasse partie du cycle naturel de la régénération des forêts résineuses, il faut prévoir dans l’immédiat des récoltes de récupération des peuplements forestiers vulnérables à l’insecte, et ce, afin d’éviter la mort des arbres sur pied. Rappelons que la surmortalité des arbres dans un peuplement peut augmenter les risques d’incendie forestier, nuire aux activités récréatives, accroître les risques d’accident chez les personnes y circulant et entraver les activités de reboisement nécessaires lorsque la régénération naturelle est déficiente. Ces récoltes hâtives ou de récupération nécessiteront l’émission de permis d’abattage d’arbres pour des situations qui ne sont pas toujours prévues aux règlements municipaux.

Superficies infestées par la tordeuse en 2020

Afin d’accroître la protection des investissements sylvicoles, le gouvernement du Québec a investi 20 M$ dans un programme de pulvérisations aériennes d’insecticide biologique contre la tordeuse dans les petites forêts privées. Des arrosages d’insecticide biologique ayant lieu depuis l’été 2018 auront cours jusqu’à la fin du programme en mars 2023. La mise en œuvre est confiée à la Société de protection des forêts contre les insectes et maladies (SOPFIM) qui travaille en collaboration avec les intervenants œuvrant en forêt privée. En 2020, la superficie totale traitée par arrosage s’est élevée à 17 610 hectares, soit 2 fois plus que l’année précédente en raison de l’assouplissement du critère d’admissibilité lié à la superficie minimale d’arrosage, qui est passée de 10 à 4 hectares. Par ailleurs, la forêt privée de l’Abitibi sera admissible aux arrosages en 2022 et les conseillers forestiers travaillent présentement à répertorier les superficies admissibles.

Superficies de petites forêts privées traitées par la SOPFIM

L’insecte s’attaque principalement au feuillage annuel du sapin baumier, de l’épinette blanche, de l’épinette de Norvège, ainsi qu’à un degré moindre, de l’épinette rouge et de l’épinette noire. Le sapin baumier est l’essence la plus à risque de mourir à la suite des attaques répétées de la tordeuse. Cette vulnérabilité des arbres à la mortalité augmente avec l’âge, la densité des peuplements ou la présence sur des sites peu productifs, par exemple lorsque le sol est trop sec ou trop humide. Au moins 4 années rapprochées de défoliation grave suffisent à tuer les premiers arbres. Ceci laisse donc un certain temps aux forestiers pour réagir et récupérer le bois avant que les pertes ne s’accumulent.

Défoliation grave des sapins dans un boisé privé de la région de Témiscouata

D’après les experts, il est impossible de prédire l’évolution de l’épidémie au cours des prochaines années, mais toutes les régions ayant des peuplements forestiers vulnérables à la tordeuse risquent de subir des dommages. Les conséquences de cette épidémie sont graves pour les propriétaires de boisés et les communautés rurales. Lors de la dernière épidémie, le retard pris dans les actions pour contrer ses effets a provoqué le dépérissement des forêts de nombreux propriétaires forestiers qui n’ont pu intervenir efficacement pour limiter les pertes.

Au niveau provincial, la Fédération des producteurs forestiers du Québec, Groupements forestiers Québec et le ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs ont formé une cellule d’urgence afin de coordonner les actions à réaliser sur une base provinciale et régionale pour atténuer les impacts pour les propriétaires de boisés et les communautés rurales.

Au niveau régional, une des premières étapes pour les municipalités est de prendre conscience de la vulnérabilité des peuplements forestiers. Cette vulnérabilité dépend en grande partie de la présence du sapin mature dans les peuplements forestiers. Afin de rendre accessibles ces informations aux gestionnaires municipaux, la FPFQ a publié une carte interactive qui permet de visualiser la situation de l’épidémie ainsi que les peuplements forestiers vulnérables, et ce, d’après une analyse cartographique développée par le MFFP.

Carte interactive montrant les peuplements vulnérables à la tordeuse

Au niveau du lot boisé, les propriétaires voulant limiter le dépérissement de leur forêt peuvent se préparer et agir pour atténuer les impacts. Ainsi, il est fortement recommandé de procéder à la récolte des sapinières et pressières blanches matures avant l’arrivée de l’épidémie afin d’éviter les pertes de bois. Cette récolte hâtive permet de favoriser l’établissement de jeunes peuplements plus diversifiés et donc plus résistants aux attaques de l’insecte. D’autres travaux sylvicoles préventifs peuvent aussi être réalisés. Ils consistent à diminuer la présence de sapins et à modifier la composition des peuplements pour favoriser la présence d’essences moins vulnérables à l’insecte. Afin de pouvoir bénéficier des programmes d’aide et des conseils professionnels, les propriétaires sont invités à s’enregistrer comme producteur forestier.

Récolte dans un peuplement mixte à dominance de sapin gravement affecté dans la région du Témiscouata

Les propriétaires de boisés subissent présentement les contrecoups de cette épidémie. Alors qu’ils sont encouragés à récolter les peuplements forestiers fortement infestés, ils veulent aussi s’assurer du rétablissement d’une régénération forestière adéquate des superficies récoltées. Cette demande est importante pour les propriétaires, mais également pour les régions rurales qui misent sur la ressource forestière pour soutenir leur développement. C’est pourquoi la production de plants forestiers en pépinière et les budgets d’aménagement forestiers sont importants pour les régions affectées par la tordeuse.  

Les municipalités peuvent contribuer au succès de la lutte contre l’épidémie de la tordeuse des bourgeons de l’épinette en intervenant de plusieurs façons tout au long du processus. Les municipalités peuvent assouplir leur processus d’émission de permis de récolte afin d’inciter les propriétaires de boisés à procéder à des interventions hâtives ou de récupération. Ils peuvent suivre l’évolution de l’épidémie et avertir les propriétaires de boisés à risque de subir des dommages. Ils peuvent prévenir les citoyens lorsque des campagnes d’arrosage ont lieu. Finalement, ils peuvent soutenir les efforts d’aménagement des producteurs forestiers qui veulent accroître la santé et la résilience des forêts de leurs boisés en diminuant le fardeau fiscal des immeubles forestiers.

Activités municipales pouvant appuyer les démarches pour atténuer les impacts de l’épidémie de tordeuse

La FPFQ continuera de suivre l’épidémie en forêt privée et de proposer des solutions visant l’atténuation des impacts. Pour tout savoir sur l’épidémie en cours, consultez le foretprivee.ca/tordeuse.