Les propriétaires et producteurs forestiers, plus que bien des gens, s’inquiètent des bouleversements causés par les changements climatiques. On rappelle fréquemment que les boisés qu’ils aménagent peuvent participer activement à la lutte contre les changements climatiques, mais on oublie bien souvent que ces mêmes forêts peuvent aussi en être victimes.

À bien des égards, les changements climatiques accroissent la vulnérabilité de nos boisés que nous nous efforçons de protéger et d’aménager. La récurrence des sécheresses, la multiplication des feux de forêts, les épidémies d’insectes mieux adaptés aux climats tempérés, la migration d’espèces fauniques et floristiques à des niches écologiques en changement sont des menaces grandissantes d’année en année.

Je rêve de gestes concrets s'inscrivant dans une stratégie globale où nos efforts sont reconnus et où un soutien adéquat nous est offert.

Au mieux, ces perturbations changeront profondément les écosystèmes forestiers que nous chérissons. Au pire, nous assisterons éventuellement à une déstructuration du couvert forestier qui fournit une opportunité économique aux producteurs tout en générant des biens et services environnementaux inestimables pour la société.

La survie de nos boisés et des espèces qu’ils abritent ne doit pas dépendre uniquement de réglementations contraignantes qui figent notre potentiel d’action face à cette situation de crise. Je rêve plutôt de gestes concrets s’inscrivant dans une stratégie globale où nos efforts sont reconnus et où un soutien adéquat nous est offert. Par exemple, le développement d’un marché du carbone forestier suffisamment rémunérateur pour inciter davantage d’investissements en sylviculture afin d’accroître la résilience de nos boisés. Ou bien une compensation équitable pour assurer un changement de pratiques permettant la protection des biens et services environnementaux rendus à la communauté.

De telles pistes de solutions permettront aux producteurs d’adapter la gestion de leurs boisés aux changements climatiques. Le temps presse. Autrement, j’ai bien peur que les forêts que je laisserai en héritage soient bien différentes de celles que mes ancêtres m’ont léguées.

Pierre-Maurice Gagnon
Producteur et président de la Fédération des producteurs forestiers du Québec

Éditorial paru dans la revue Forêts de chez nous, édition de novembre 2021.