C’est en 1956 que le gouvernement provincial a octroyé aux producteurs agricoles et forestiers le droit de se regrouper sous la forme d’un plan conjoint afin de réglementer leur production et de négocier collectivement toutes les conditions de mise en marché. Il s’agissait là d’une révolution pour les producteurs qui pouvaient miser sur leur sens de la collectivité pour créer un contrepoids nécessaire à l’équilibre des intérêts divergents qui existent avec les quelques acheteurs.

Conscients de l’opportunité qui s’offrait à eux, les producteurs de bois ont été à l’origine du premier plan conjoint du Québec. Bien vite, des plans conjoints ont émergé dans différentes régions du Québec afin d’encadrer la mise en marché du bois à pâte.

Près de 65 ans plus tard, ces outils mis à la disposition des producteurs demeurent toujours aussi pertinents et adaptés à leur réalité, et ce, bien que le marché principal des producteurs ait migré du bois à pâte vers le bois de sciage. Au fil du temps, et à juste titre, plusieurs plans conjoints ont adapté leur réglementation pour encadrer la mise en marché de ce nouveau produit. Ce travail demeure cependant inachevé dans plusieurs régions.

Dernièrement, la situation s’est avérée très favorable pour les scieurs alors que le prix du bois d’oeuvre a, contre toute attente, battu des records. Néanmoins, les analyses de votre fédération semblent démontrer que la faveur des marchés n’a pas percolé jusqu’à l’ensemble des producteurs. Pensons plus particulièrement à ceux qui ne négocient pas collectivement la mise en marché du bois de sciage résineux.

Difficile de blâmer quiconque pour la stagnation des conditions offertes à ces producteurs, car à défaut d’organiser eux-mêmes la mise en marché, d’autres acteurs aux intérêts divergents s’en mêlent. Les rares acheteurs de bois limitent la concurrence potentielle alors que les nombreux intermédiaires capturent une très grande part de cette rente.

Pour pallier cette situation, plusieurs syndicats régionaux de producteurs forestiers oeuvre d’une manière ou d’une autre à amplifier leur rôle dans l’établissement des conditions de vente du bois de sciage sur leur territoire. Récemment, les producteurs forestiers de la Côte-du-Sud et du Sud du Québec ont franchi une étape importante pour étendre la couverture de la mise en marché collective au bois de sciage résineux en complétant leurs audiences devant la Régie des marchés agricoles et alimentaire du Québec. La conduite de ces dossiers a nécessité, et nécessitera encore, des efforts considérables de la part de ces syndicats, de votre fédération et de l’Union des producteurs agricoles.

Tout en espérant des décisions favorables pour ces plans conjoints, il est urgent pour tous les autres plans conjoints d’enclencher des démarches et même, à mon point de vue, d’aller plus loin dans ce dossier. Il est impératif de négocier les prix et les volumes ainsi que de diriger le bois afin d’assurer que tous les producteurs puissent bénéficier des mêmes conditions de mise en marché, et ce, peu importe leur situation, leur volume de récolte et la distance de livraison. Il s’agit là du principe de la péréquation si habilement appliqué par les producteurs et productrices acéricoles et laitiers.

Pierre-Maurice Gagnon
Producteur et président de la Fédération des producteurs forestiers du Québec

Éditorial paru dans la revue Forêts de chez nous, édition de novembre 2020.