Éric Cliche et son fils Michaël ne sont jamais aussi heureux que lorsqu’ils sont en forêt. Le propriétaire de boisés privés et le jeune ingénieur forestier à l’emploi d’un groupement forestier nous parlent foresterie, engagement et relève, sur fond de passion.

Éric Cliche, un syndicaliste forestier bien engagé.

D’emblée, Éric Cliche tient à remettre les pendules à l’heure : si on croit trouver en lui un syndicaliste façon Michel Chartrand, on se trompe d’adresse! « Les syndicalistes à ce point colorés, ce n’est pas nous! » rigole l’homme qui porte le chapeau de président de l’Association des propriétaires de boisés de la Beauce depuis quatre ans. Au fil du temps, son engagement au sein de l’Association l’a amené à apprécier et à partager les valeurs qui y sont véhiculées, ce qui lui a permis de développer plusieurs aptitudes, dont celle de se lever pour défendre de vive voix les intérêts de ses pairs.

« J’avais à peu près l’âge qu’a mon fils aujourd’hui quand j’ai commencé, en 1994, à m’impliquer un peu dans la relève agricole. Je venais d’acquérir mon premier lot boisé, je ne connaissais pas grand-chose aux organisations, mais la Beauce est une région où l’action collective est bien enracinée. Les gens ici travaillent ensemble », explique-t-il. Il admet que pour lui, comme pour bien des jeunes de son âge à l’époque, le mot syndicat avait une connotation négative. « Quand j’ai compris que ça rimait avec implication sociale, coopération, formation, défense des droits des propriétaires, j’ai eu envie de m’engager, surtout pour amener des jeunes dans les rangs. J’ai aussi réalisé que le syndicalisme forestier était bien différent du syndicalisme ouvrier. Encore aujourd’hui, j’adore ça! » affirme celui qui siège également au conseil d’administration de la Fédération des producteurs forestiers du Québec.

Son fils, Michaël, travaille pour un groupement forestier, un modèle qui correspond à ses valeurs. Il ne sent pas le besoin, pour l’instant, de suivre la trace de son père, du moins en ce qui a trait à son engagement. « Je trouve admirable le travail que mon père accomplit en foresterie, et je pense que tous les acteurs du milieu forestier, les coopératives, les associations, les syndicats et les groupements, partagent un but commun. Peu importe le véhicule qu’on prend, on va tous à la même place. Essentiellement, on veut permettre aux propriétaires de mettre en valeur leur forêt, dans une optique de rentabilité selon leurs objectifs, mais aussi d’acceptabilité
sociale et de développement durable », avance le jeune ingénieur.

Éric Cliche est visiblement fier de son fils. « Quand il était ado, j’avais hâte qu’il m’enlève la scie à chaîne des mains, mais ça n’arrivait jamais! Michaël posait des questions, il voulait comprendre ce qui se passait… Quand il a décidé d’aller en foresterie, j’ai été surpris, je pensais qu’il n’aimait pas ça! En fait, il s’intéressait à l’aménagement : pas tant au geste de bûcher, mais à la raison pour laquelle on bûchait! » rigole Éric Cliche.

« Je ne m’enlignais pas pour aller en foresterie, mais je tripais sur la biologie, l’acériculture, l’agriculture… J’ai compris que la foresterie me permettait de jumeler plusieurs de mes intérêts », résume Michaël.

Le père entend transférer ses lots à ses enfants « avant d’avoir 82 ans ». « Une terre forestière, ce n’est pas un bien personnel, c’est un bien familial. C’est le travail d’une vie et on veut que les enfants partagent cette responsabilité. La raison première qui incite les gens à devenir propriétaires de boisés privés, c’est le plaisir de posséder, d’habiter un lot, un milieu naturel. Faire de l’argent arrive au 4e ou au 5e rang! »

« Mes soeurs et moi, on veut revenir vers la terre familiale. Peu importe nos intérêts, on veut en pro( ter et la partager avec nos familles à notre tour », ajoute Michaël, qui aime particulièrement le volet acériculture qui se déploie sur les terres familiales.

Éric Cliche et sa conjointe Marie-Josée Maheu, sont propriétaires de deux lots et d’un troisième en copropriété avec Rémi, le frère de Marie-Josée. En tout, la famille possède quelque 5 300 érables et chaque printemps, le travail acéricole s’ajoute aux diverses opérations d’aménagement et d’entretien.

Même s’il entend passer le flambeau, Éric aimerait bien rester près de ses enfants et jouer un rôle de mentor, le temps venu. Pour l’instant, il souhaite poursuivre son engagement et faire le travail de représentation nécessaire pour que la forêt privée soit reconnue comme le moteur économique qu’elle est. « La forêt privée, c’est une toute petite partie de la forêt québécoise, mais elle est importante! On a besoin d’une voix pour faire valoir nos droits », conclut le père, avec un clin d’oeil complice du fils.


Article paru dans le journal L’U, novembre 2017