Une année mouvementée sur le marché du bois et des produits forestiers

L’évolution fulgurante de la pandémie et le choc causé à l’économie mondiale par les mesures de confinement nous a fait craindre le pire pour l’industrie forestière. Après trois trimestres, et bien que nous soyons encore loin d’une sortie de crise, force est de constater que la pandémie a frappé fort et de façon inégale les principaux marchés des produits forestiers et incidemment, des producteurs de bois. Le segment des matériaux de construction en bois a défié pour le mieux toutes les projections inimaginables, alors que celui des pâtes et papiers a subi un double choc. D’une part, la récession mondiale a causé un ralentissement de la consommation de la plupart des biens, y compris le papier. D’autre part, l’implantation du télétravail à grande échelle et la fermeture des établissements scolaires a provoqué un changement d’habitudes de consommation, causant une diminution importante des commandes.

Le graphique ci-dessous illustre bien la divergence entre ces deux secteurs. À la verticale, on constate que les prix des panneaux et du bois d’œuvre résineux ont explosé en 2020, alors que le prix de toutes les pâtes et papiers a flanché. À l’horizontal, on distingue l’évolution des volumes consommés ou produits d’une année à l’autre. Ici, les manufacturiers de matériaux de construction en bois ont vu leurs volumes se stabiliser en 2020, alors que certains papetiers ont vu les leurs chuter de manière vertigineuse. Les produits ayant mal performé en termes de volume et de prix se retrouvent dans le quadrant inférieur gauche, alors que le bois d’œuvre résineux a surperformé dans le quadrant supérieur droit.

Variation du prix moyen et des volumes des produits forestiers
(janv. à sept. 2019 par rapport à janv. à sept. 2020)

État du marché des papiers graphiques en Amérique du Nord

En 2000, l’industrie papetière nord-américaine atteignait une production record de 45,2 millions de tonnes métriques de papiers graphiques. Cette année-là, les compagnies québécoises oeuvrant dans ce secteur affichaient des revenus substantiels[1]. Abitibi-Consolidated générait des ventes de 8,1 G$ CA, Cascades 4,3 G$ CA et Domtar 5,7 G$ CA.

À la suite de l’essor des médias numériques au début des années 2000, les différentes catégories de papiers graphiques ont connu un déclin structurel colossal. À raison d’une décroissance annuelle moyenne de 4,1 % pour le papier journal et de 2,8 % pour les papiers d’impression et d’écriture, la production nord-américaine de papiers graphiques de 2019 est retombée à un niveau comparable aux années 1960.

Production de papiers graphiques en Amérique du Nord
(en millions de tonnes métriques)

En 2020, l’industrie nord-américaine des papiers graphiques a subi un double choc. D’une part, la récession mondiale a causé un ralentissement de la consommation de la plupart des biens, y compris le papier. D’autre part, un changement d’habitudes de consommation causé par l’implantation du télétravail à grande échelle et la fermeture des écoles a provoqué une diminution importante des commandes. Récemment, Produits forestiers Résolu nous apprenait que la demande mondiale pour le papier journal avait chuté de 22 % depuis le début de l’année. Le PDG ajoutait également que « la pandémie aura provoqué un certain changement progressif dans la tendance baissière à long terme de la demande ».

Cette baisse importante s’est traduite par des fermetures temporaires chez plusieurs papetières québécoises. Pour l’instant, ces arrêts ont eu peu d’impacts pour les producteurs de bois, mais cela ne saurait durer. Effectivement, ces usines demeurent essentielles au bon fonctionnement du complexe industriel forestier puisqu’elles permettent l’écoulement des copeaux produits par les scieurs.

Tout comme lors de la récession précédente, nous pourrions espérer un léger rebond de la demande de papiers lors de la fin de la récession alors que l’économie reprendra de sa vigueur. Il est toutefois difficile de déterminer quelle proportion de la demande pour les papiers graphiques reviendra une fois que les gouvernements auront levé les restrictions sanitaires. Ces nouvelles habitudes de consommation deviendront-elles permanentes? Si oui, cela signifierait une accélération de la décroissance de la demande à long terme pour les papiers d’impression.

Malgré la baisse importante de la demande du segment des papiers graphiques, certains segments du secteur forestier, comme les pâtes qui sont utilisées dans la fabrication du papier hygiénique ainsi que le carton-caisse, sont demeurés stables ou en croissance.

Grâce à l’essor du commerce en ligne, la demande de carton-caisse n’a jamais été aussi florissante. Aux États-Unis, les ventes en ligne ont littéralement explosé pendant le confinement et représentent maintenant plus de 15 % du total des ventes au détail. Si ces habitudes de consommation demeurent, la demande pour le carton-caisse pourrait fortement augmenter puisque l’achat en ligne nécessite 7 fois plus de carton-caisse que le même achat réalisé en magasin.

Qu’en est-il alors pour l’industrie papetière québécoise qui subit ce ralentissement du côté des papiers d’impression? Pour l’instant, il n’y a pas de projet sur la table visant la conversion de machines à papier vers des segments plus prometteurs. Cascades et Domtar ont bien annoncé leur intention de profiter du marché du carton en convertissant chacune une usine. Toutefois, les projets mis de l’avant par ces deux compagnies sont malheureusement localisés aux États-Unis.

[1] En $CA de 2020.

Divergence historique entre le prix du bois rond et le prix du bois d’œuvre

En 2019, les producteurs forestiers du Québec ont livré tout près de 4 millions de mètres cubes de bois aux usines de sciage de sapin-épinette. Ces récoltes représentent un peu plus de 60 % de l’ensemble des volumes issus des forêts privées. Nul doute, le sort des producteurs forestiers dépend largement du contexte économique dans lequel évoluent les scieries de résineux. La situation est actuellement favorable pour les scieurs alors que le prix du bois d’œuvre bat des records, mais est-ce que les producteurs de bois profitent également de cette embellie?

Le graphique ci-dessous compare sommairement les revenus et les dépenses des scieries résineuses du Québec. Les dépenses sont divisées en deux catégories, soit les coûts d’approvisionnement et les autres coûts d’opération nécessaires pour produire un MPMP de bois d’œuvre (énergie, main-d’œuvre et autres). Les coûts d’approvisionnement représentent le coût moyen du bois issu des forêts privées du Québec. Les autres coûts d’opération sont basés sur les états financiers d’une compagnie forestière québécoise cotée en bourse et œuvrant principalement au Québec. Quant aux revenus, ils constituent les sommes générées par la vente d’un MPMP de bois d’œuvre résineux ainsi que les copeaux sous-jacents.

De 2016 à 2018, nos modèles nous indiquent que les scieurs québécois ont été en mesure d’engendrer des profits majeurs malgré une augmentation des coûts reliée à l’imposition des tarifs douaniers américains à partir d’avril 2017. En 2019, la plupart des scieurs québécois ont pu couvrir leurs coûts d’opération malgré une baisse importante du prix du bois d’œuvre grâce, entre autres, à une baisse du prix moyen du bois en forêt privée. En 2020, l’augmentation astronomique du prix du bois d’œuvre a créé un contexte exceptionnel pour cette industrie, et ce, malgré la faiblesse du marché des copeaux liée à la fermeture de papetières. Il est fort probable que ces entreprises n’aient jamais été aussi profitables.

Comparaison entre les coûts d’opération et les revenus d’une scierie de sapin-épinette du Québec
($2020 CA/MPMP)

La Fédération des producteurs forestiers du Québec a procédé à une analyse des prix minimaux affichés du bois de sciage de sapin-épinette entre septembre 2019 et septembre 2020 à partir des données du site Prixbois.ca. Ces offres constituent le prix minimal offert par les scieries aux producteurs forestiers de 7 plans conjoints qui fonctionnent selon cet affichage de prix. En tout et pour tout, 36 scieries représentant les plus grands acheteurs pour ce type de bois de ces régions ont été retenues dans l’analyse.

D’abord, nous constatons que les prix offerts aux producteurs ont très peu varié, et ce, malgré la flambée des prix du bois d’œuvre. Le graphique ci-dessous détaille le nombre de scieurs qui ont procédé à des diminutions ou à des augmentations de prix. Parmi les 36 scieurs de résineux analysés sur ces territoires, on constate que 11 scieries ont affiché des baisses de prix, généralement de 1 à 5 %. On constate également que 14 autres scieries n’ont pas modifié leur offre minimale effectuée aux producteurs et que 11 scieries ont augmenté les prix offerts, généralement de 1 à 5 %. Parmi les 36 scieurs, seulement 1 scieur a augmenté ses prix de plus de 10 %.

Variation du prix minimal affiché par les scieries pour du bois de sciage de sapin-épinette
(variation entre septembre 2019 et septembre 2020)

En résumé, 89 % des scieries de notre échantillon ont très peu modifié le prix offert aux producteurs, soit une variation entre -5 % et +5 %. Cette situation est quelque peu consternante puisque le bois d’œuvre a vu son prix s’envoler de 142 % au cours de la période correspondante.

Qu’est-ce qui explique cette déconnexion entre le prix de l’intrant et celui du produit fini? Plusieurs changements structurels et anomalies de marchés permettent d’établir des pistes de réponses :

  • La diminution importante du nombre de scieries au cours des 20 dernières années a occasionné une consolidation du marché.
  • Une structure de marché caractérisée par peu d’acheteurs et une multitude de petits fournisseurs de bois rond.
  • La prédominance grandissante de la récolte mécanisée privilégie la quantité et une production constante au détriment du prix obtenu en bordure de chemin.
  • L’importance relative des coûts de transport limite les producteurs à un nombre restreint d’acheteurs potentiels.

L’écart qui existe entre le prix du bois rond et celui du bois d’œuvre se rétrécira éventuellement. Espérons toutefois qu’une partie de rapprochement se traduira par une hausse de prix offert aux producteurs.

Chronologie d’une hausse de prix record pour le bois d’œuvre

Après une surprenante course ininterrompue depuis le début du mois d’avril, le prix du bois d’œuvre a dépassé les 1 200 $ CA/MPMP à la fin août. Il s’agit d’un bond vertigineux puisque le prix avoisinait les 600 $ CA/MPMP avant que la pandémie ne prenne de l’ampleur à la mi-mars. L’explosion des prix s’explique par les interventions gouvernementales et un enchaînement de comportements spécifiques à la crise sanitaire. Faisons ici la chronologie de cette hausse de prix record.

Mars : Le spectre d’une récession économique faisait les manchettes, provoquant la chute des cours boursiers des principales compagnies forestières alors que le prix du bois d’œuvre flanchait. Les milieux financiers et les dirigeants de ces entreprises anticipaient alors une profonde réduction de la consommation de bois d’œuvre en Amérique du Nord en 2020, considérant que certains chantiers de construction risquaient d’être paralysés et que l’enthousiasme pour le secteur immobilier allait s’estomper. Pour faire face à la situation, les scieurs nord-américains ont procédé à la fermeture préventive de nombreuses unités de production.

Avril : Les premiers chèques de la Prestation canadienne d’urgence (PCU) et de son généreux équivalent américain ont permis à des millions de ménages nord-américains de conserver un niveau de vie comparable à celui d’avant la crise, et ce, malgré un taux de chômage record des deux côtés de la frontière. Avec la fermeture des commerces au détail, des restaurants et des frontières nationales à des fins touristiques, les consommateurs nord-américains ont redirigé une partie de leur budget vers les projets de rénovation. Cet engouement a eu un impact très important pour la demande de bois d’œuvre, puisque près de 40 % de la demande nord-américaine provient normalement de ce secteur. Toutefois, les fermetures préventives des scieries ont amputé du tiers la production canadienne comparativement à l’année précédente.

Mai : La plupart des producteurs de bois d’œuvre ont tenté de relancer leur production, voyant que le boom dans la rénovation avait pratiquement comblé le vide occasionné par la débâcle du secteur de la construction. Le succès fut mitigé, car la production canadienne de bois d’œuvre affichait toujours une baisse de 18 % sur un an. Cette sous-production des mois d’avril et de mai a initié une raréfaction du bois d’œuvre dans la chaîne d’approvisionnement, qui s’est soldée par une récupération rapide du prix du bois d’œuvre. Le terrain perdu au pire de la crise sanitaire était pratiquement récupéré dès la mi-mai, alors que la valeur du bois d’œuvre au comptant avoisinait les 550 $ CA/MPMP.

Juin : La construction résidentielle aux États-Unis et au Canada a dépassé toutes les attentes en rattrapant pratiquement tout le retard creusé en début de saison. Ce rebond a permis à la demande de bois d’œuvre en provenance de ce segment de retrouver un niveau comparable à l’an dernier. La vitesse et l’ampleur de la reprise du secteur immobilier sont surprenantes étant donné la récession qui sévit actuellement. Évidemment, des facteurs conjoncturels ont accéléré la cadence de la construction résidentielle. Pensons notamment aux taux hypothécaires ramenés au plancher en temps de crise ainsi qu’une augmentation sans précédent du revenu disponible en lien avec l’implantation de programmes d’aide gouvernementaux.

Juillet et août : Quoi qu’il en soit, les producteurs de bois d’œuvre n’ont pas été en mesure de rattraper le retard cumulé dans les commandes comme l’ont fait les constructeurs, notamment en raison de la hausse de la demande du segment de la rénovation qui s’est poursuivie durant l’été. Ce déficit de production a engendré une course pour sécuriser des approvisionnements, provoquant une ascension vertigineuse des prix du bois d’œuvre à partir de la mi-juillet.

Prix moyen mensuel du bois d'oeuvre (contrat à terme de l'indice Random Lengths en $ CA/MPMP)

Il serait très étonnant que le prix du bois d’œuvre demeure au niveau du mois d’août bien longtemps (1 000 $ CA/MPMP). Généralement, le mois d’octobre s’accompagne d’un ralentissement significatif dans le secteur de la construction résidentielle. Ce sera un bon moment pour les producteurs de bois d’œuvre pour maintenir la cadence afin de rattraper le déficit de production qu’ils n’ont pas été en mesure de résorber durant l’été. À plus long terme, il est difficile de trancher sur l’orientation du prix du bois d’œuvre. Des facteurs structurels accroissent la demande de bois d’œuvre, comme l’implantation du télétravail à grande échelle qui favorise la construction de résidences unifamiliales au détriment des condos et appartements dans les milieux urbains. Il faut aussi compter sur l’impact des millénariaux qui accèdent de plus en plus à une propriété. Rappelons que la cohorte, âgée entre 27 et 31 ans, de cette génération est 10 % plus nombreuse que les précédentes, ce qui accroît d’autant plus la demande résidentielle.

Il reste maintenant à déterminer si les facteurs qui ont soutenu la hausse des prix du bois d’œuvre compenseront les risques. Parmi ces facteurs, notons un taux de chômage élevé et la diminution ou l’arrêt des programmes de soutien gouvernementaux qui s’accompagneront probablement par une hausse marquée des reprises de faillite sur les marchés immobiliers d’Amérique du Nord. Ces facteurs contribueront probablement à l’éclatement de la bulle de prix du bois d’œuvre. Même si un recul des prix est à prévoir pour les prochains mois, il est important de rappeler que l’industrie du sciage au Québec est en mesure de générer des profits même lorsque le prix du bois d’œuvre avoisine les 550 $ CA/MPMP.

Les exportations québécoises de bois d’oeuvre résineux accusent toujours un retard en juillet

Pour la première fois depuis le début de la pandémie en Amérique du Nord, les exportations canadiennes de bois d’œuvre vers les États-Unis ont dépassé leur niveau de 2019. En juillet, ces exportations se sont appréciées de 3,1 % comparativement à l’année précédente.

Ces résultats positifs ont été rendus possibles par une augmentation de 9,4 % des exportations de la Colombie-Britannique. Rappelons que cette province produit plus de 40 % du bois d’œuvre canadien. Il s’agit là d’un rattrapage intéressant pour cette région qui avait subi une chute significative de ses exportations au cours des 3 mois précédents.

Les exportations québécoises de bois d’œuvre n’ont pas suivi cette tendance puisqu’elles ont reculé de 15 % en juillet, et ce, malgré une augmentation des prix et une pénurie grandissante. Pour un quatrième mois consécutif, les exportations de la Belle Province vers les États-Unis ont été nettement inférieures à leur niveau de 2019. Malgré tout, les dernières données illustrant la production québécoise de bois d’œuvre démontrent que les scieurs québécois ont produit autant en juin de cette année qu’à pareille date l’an dernier.

Ceci s’explique par le fait que les producteurs québécois de bois d’œuvre ont écoulé davantage de volume sur le marché domestique caractérisé par la résilience du marché immobilier et un boom dans la rénovation résidentielle. Ce marché domestique représente une occasion d’affaires intéressante pour les scieurs québécois qui ont pu profiter des hausses de prix du bois d’œuvre tout en diminuant leur exposition aux tarifs du marché américain. Traditionnellement, le Québec exporte proportionnellement moins de bois d’œuvre que la Colombie-Britannique (48 % par rapport à 88 % en 2019).

Record de prix pour le bois d’oeuvre

Le bois d’œuvre est l’une des matières premières qui a connu la plus grande progression de prix depuis le début de la crise de la COVID-19. L’indice de prix du bois d’œuvre Random Lengths a progressé de 103 % au cours de la dernière année, pour atteindre 698 $ US/MPMP dernièrement. Converti en dollars canadiens, cet indice atteint dorénavant un record à près de 950 $ CA/MPMP. Cet accroissement est aussi rapide que surprenant. Une compression de l’offre trop importante, jumelée à une demande plus vigoureuse que prévu, ont occasionné cette hausse aussi subite qu’inattendue.

La demande est plus robuste qu’anticipé

La robustesse du marché immobilier américain et canadien a déjoué toutes les prédictions des économistes. Les mises en chantier en juin au Canada et aux États-Unis ont atteint leur niveau d’avant COVID-19. Cette situation inattendue est survenue au même moment où la demande de bois d’œuvre en provenance du secteur de la rénovation s’est fortement accrue. Aux États-Unis, l’indice de confiance de la National Association of Home Builders (NAHB) sur les rénovations résidentielles a fortement augmenté, passant de 48 à 73 points entre le premier et le deuxième trimestre de 2020. En effet, bon nombre de particuliers ont profité du confinement pour procéder à la rénovation de leurs propriétés. La reprise du marché de la construction, conjuguée au dynamisme du secteur de la rénovation, ont donc occasionné une pression sur la chaîne d’approvisionnement.

Les données sur les exportations québécoises de bois d’œuvre vers les États-Unis illustrent cette tendance. Bien que l’activité économique ait chuté de 33 % aux États-Unis au cours du deuxième trimestre en raison de cette crise d’une ampleur disproportionnée, la diminution des exportations québécoises de bois d’œuvre ne fut pas aussi abrupte (-14 %). Les baisses depuis avril furent notables, mais nettement inférieures à la décroissance économique correspondante. C’est surprenant, car historiquement, la demande de bois d’œuvre est intimement corrélée à l’activité économique.

Exportations mensuelles de bois d'oeuvre du Québec vers les États-Unis (en G PMP)

La contraction de l’offre a été excessive

À la suite du déclenchement de la crise sanitaire vers la mi-mars, les entreprises manufacturières de bois d’œuvre ont rapidement réagi à la menace en réduisant agressivement leur capacité de production. Ce fut notamment le cas en Colombie-Britannique où des leaders du secteur comme West Fraser et Canfor ont annoncé au début du mois d’avril une réduction drastique de leurs activités (jusqu’à 60 % de leur capacité de production). La raréfaction du bois d’œuvre sur le marché nord-américain est en grande partie attribuable aux arrêts de production dans cette région, au bénéfice des autres régions forestières qui ont profité d’une concurrence moins féroce.

La vague de fermetures, ou les arrêts temporaires, des scieurs a fortement réduit la quantité de bois d’œuvre disponible dans la chaîne d’approvisionnement. Parallèlement, les distributeurs de bois d’œuvre ont fortement diminué leurs inventaires afin d’accroître leurs liquidités en vue d’une crise économique. Ces facteurs ont contribué à minimiser la disponibilité du bois d’œuvre dans la chaîne d’approvisionnement.

La course pour garantir des volumes pousse les prix vers des sommets

Contrairement aux attentes des scieurs, la consommation de bois d’œuvre en Amérique du Nord a été plus forte que prévu. Ceci s’est traduit par une forte pression sur la chaîne d’approvisionnement, occasionnant une hausse fulgurante des prix du bois d’œuvre.

La montée en flèche du prix du bois d’œuvre ressemble à plusieurs égards au rallye de 2018 lorsque le prix avait fracassé tous les records. En effet, les deux ralliements ont été causés par la conjugaison d’une meilleure demande qu’anticipée et une contraction subite de l’offre. En 2018, des feux de forêt et des problèmes de transport ferroviaire limitaient subitement l’offre, alors que cette année, ce fut plutôt une crise sanitaire à l’origine de cette contraction. Cette fois-ci, la dynamique des prix a été caractérisée par une hausse encore plus soudaine. En effet, il faut remonter à 1993 pour obtenir une hausse d’une ampleur similaire sur une si courte période. La course pour garantir des volumes de bois d’œuvre a poussé les prix vers des sommets.

À court terme, les contraintes sanitaires limiteront la capacité de production de bois d’œuvre à l’échelle de l’Amérique du Nord. Toutefois, ce débalancement entre l’offre et la demande devrait être de courte durée puisque la capacité de production nord-américaine surpasse nettement la demande. Le prix du bois d’œuvre devrait fléchir à mesure que les scieurs trouvent le moyen de reprendre leurs opérations normales ou que les dommages économiques causés par l’épidémie ne viennent ralentir le marché immobilier. Qui plus est, le prix du bois d’œuvre pourrait diminuer en novembre prochain lorsque le gouvernement américain abaissera les tarifs douaniers sur le bois d’œuvre canadien. Malgré une baisse anticipée du prix, ce dernier devrait demeurer intéressant d’un point de vue historique. Par conséquent, les marges des scieurs devraient demeurer plus que favorables.

Prix moyen mensuel du bois d'oeuvre (contrat à terme de l'indice Random Lengths en $ CA/MPMP)

La crise sanitaire contraint l’industrie forestière à une pause

La pandémie a forcé de nombreux gouvernements à confiner la population, ce qui a provoqué une profonde contraction de la consommation de biens et services de par le monde. Le PIB chutera de près de 6 % aux États-Unis et au Canada, soit un recul deux fois plus prononcé que lors de la dernière crise de 2008-2009. Contrairement à la dernière crise financière, les économies émergentes comme la Chine ne pourront amoindrir le choc, car elles entreront également en récession cette année.

L’industrie forestière est majoritairement cyclique, ce qui signifie qu’une crise économique implique une baisse de la demande et des prix. Ceci accentue la pression sur la rentabilité de ces entreprises manufacturières parce qu’il y a simplement trop de fournisseurs et moins de clients. La réponse des industriels du secteur forestier a toujours été de diminuer la capacité de production pour tenter d’assainir le fragile équilibre entre l’offre et la demande. Les économistes anticipent qu’il faudra attendre la fin de 2021 avant de retrouver un niveau d’activité économique similaire à celui qui prévalait avant l’arrivée de la COVID-19. Puisque la crise sanitaire n’affecte pas tous les secteurs de l’économie de la même manière, ce retour à la normale diffèrera d’un produit forestier à l’autre.

Impact de la crise sanitaire sur les marchés des produits forestiers
(variation de la demande depuis le début de la crise)

Le recours au télétravail, la fermeture du milieu scolaire et la baisse des revenus publicitaires des médias papier ont ébranlé la demande pour les papiers d’impression. Au Québec, au moins 8 papetières ont arrêté temporairement leur production. L’inquiétude gagne ces entreprises qui risquent de perdre définitivement leurs clients au fur et à mesure que le confinement se prolonge et que les habitudes de consommation changent. Quant à eux, les producteurs de pâte de bois ont bénéficié de l’appréhension quant à la disponibilité des papiers hygiéniques qui a encouragé les consommateurs à accroître leur réserve au début de la crise. Toutefois, il apparaît fort probable que ce pic de consommation impliquera un contrecoup plus tard cette année.

Tout comme la grande majorité des matières premières, la demande ainsi que le prix du bois d’œuvre et des panneaux structuraux en bois ont rapidement diminué avec l’imposition des mesures de confinement et le ralentissement de la construction. À partir de la fin avril, le regain de confiance des marchés, la mise en arrêt de près du tiers des usines nord-américaines ainsi que la résilience de la demande en provenance de la rénovation résidentielle ont permis au prix des produits de construction en bois de presque regagner leur niveau d’avant la crise. Toutefois, il est peu probable que le ralliement se poursuive alors que l’attractivité actuelle des prix devrait engendrer une augmentation de l’offre et provoquer une baisse des prix. Ceci à moins bien sûr que le rythme des mises en chantier aux États-Unis ne connaisse une reprise rapide après avoir chuté de 45 % entre les mois de janvier et avril 2020. Ce serait tout de même surprenant considérant une hausse de 40 millions de nouveaux chômeurs depuis le 21 mars 2020.

Cette situation engendrera une baisse de la demande pour le bois à pâte et de sciage des producteurs forestiers. Ces derniers auraient intérêt à se maintenir informés des marchés disponibles en consultant régulièrement leur syndicat de producteurs de bois ainsi que le site Web Prixbois.ca.

L’impact de la COVID-19 sur le marché du bois d’œuvre en date du 8 avril 2020

Au fur et à mesure que les événements reliés à la COVID-19 se succèdent, les économistes des plus importantes institutions au Canada et aux États-Unis révisent leurs prévisions du PIB et du taux de chômage. Plusieurs banques prévoient désormais une importante récession aux États-Unis et au Canada en 2020.

La plupart des analystes estiment néanmoins que les économies américaine et canadienne devraient rebondir sous forme de « V » si la durée des mesures de confinement n’est pas trop longue, c’est-à-dire que la reprise serait rapide et prononcée après ce ralentissement brutal. Dans le cas contraire, les dommages à l’économie pourraient être beaucoup plus importants puisque la reprise s’échelonnerait sur plusieurs trimestres. Si dans l’immédiat plusieurs usines de produits forestiers ont cessé ou ralenti leur production en raison de l’arrêt des chantiers de construction en Amérique du Nord, il est difficile de prévoir l’effet à moyen terme de la crise de la COVID-19 sur le secteur forestier.

Dans l’immédiat, les producteurs de bois de la forêt privée au Québec ont une forte exposition par rapport à la performance économique en général (croissance du PIB aux É.-U. et au Canada). De plus, les marchés des producteurs de bois sont aussi directement liés aux prévisions de mises en chantier au Canada et aux États-Unis puisqu’en 2019, 85 % des livraisons de bois de la forêt privée ont été destinées à la production de matériaux de construction.

Marché de la construction aux États-Unis et la demande de bois d'oeuvre

La construction résidentielle n’est pas répartie également aux États-Unis, mais est plutôt concentrée dans certaines zones où les coûts des terrains et des permis de construction sont demeurés abordables et l’urbanisation est en expansion. En effet, plus de la moitié des mises en chantier unifamiliales dans ce pays sont situées dans les zones géographiques « South Atlantic, 31 % », « East South Central, 7 % » et « West South Central, 19 % », comme le montre le graphique suivant. Selon la firme Forest Economic Advisors (FEA), il sera très important de regarder l’évolution des restrictions de construction dans ces États du Sud des États-Unis pour connaître l’effet de la crise sur la demande de bois d’œuvre.

Il sera également important de surveiller l’imposition de restrictions sanitaires dans les États les plus proches du Québec, recevant la majorité des livraisons de bois d’œuvre d’ici. Par exemple, les récentes annonces du Michigan et de la Pennsylvanie sont de mauvais augure pour les scieurs québécois, considérant que ces États ont acheté 9,4 % et 7,2 % de la valeur totale du bois d’œuvre résineux exporté aux États-Unis en provenance du Québec en 2019.

Il est important de mentionner qu’il est fort probable que des clients changent leurs sources d’approvisionnement traditionnelles, occasionnant beaucoup de substitutions sur les marchés. Ce comportement rend les prédictions des impacts plus difficiles pour le Québec. Malgré cela, le pouls du marché de la construction aux États-Unis et au Canada est sans conteste dans un important ralentissement.

Pour l’instant, la firme FEA a revu à la baisse ses prévisions de mises en chantier aux États-Unis à 1,21 million d’unités pour l’année 2020 par rapport à 1,38 million d’unités lors de la dernière publication du mois de février 2020 (-12 %). Cette firme appuie sa prévision sur une baisse de 50 % des mises en chantier pour les mois d’avril (0,8 million d’unités), mai (0,75 million d’unités) et juin (0,8 million d’unités) par rapport au niveau de février (1,6 million d’unités). Par la suite, les mises en chantier devraient graduellement reprendre pour atteindre un niveau normal (1,2 million d’unités) vers la fin de 2020. Le faible niveau d’endettement des Américains, comparativement aux niveaux historiques, et la poussée démographique des millénariaux devraient induire une demande robuste pour la construction une fois les inquiétudes et les mesures de confinement de la COVID-19 derrière nous.

L’économiste en chef de la National Association of Home Builders (NAHB) aux États-Unis estime que les probabilités d’une importante reprise économique à la fin de 2020 sont beaucoup plus élevées que dans le cas d’un choc financier causé par un endettement excessif des entreprises ou des ménages. Ainsi, celui-ci envisage que la demande pour la rénovation et la construction de maisons unifamiliales va diminuer en 2020, mais de façon moins importante que le reste de l’économie. De plus, la NAHB mentionne que le secteur de la construction aux États-Unis devrait être en mesure de produire un important rebond après la crise de la COVID-19. En effet, contrairement à d’autres secteurs de l’économie où les mesures de confinement éliminent la demande pour une période donnée, la demande de maisons sera simplement différée. Néanmoins, un sondage de la NAHB en date du 25 mars 2020 affirmait que 81 % des constructeurs de maison aux États-Unis estimaient que la COVID-19 a eu un effet négatif sur le trafic d’acheteurs potentiels.

De plus, la NAHB estime que les récentes actions de la Réserve fédérale américaine (FED) devraient soutenir des taux hypothécaires plus faibles pour les prochains mois. En plus d’avoir baissé son taux directeur à un niveau record (fourchette de 0 à 0,25 %), la FED a également annoncé le 15 mars dernier qu’elle allait procéder à des achats de plus de 200 milliards de créances hypothécaires afin de soutenir un niveau de liquidité adéquat et assurer le bon fonctionnement de ce marché. D’autres institutions importantes aux États-Unis mettent l’épaule à la roue afin de mitiger les impacts de la crise de la COVID-19 sur le marché immobilier. Les deux plus grandes agences de prêts hypothécaires aux États-Unis, Freddie Mac et Fannie Mae, offrent désormais la possibilité de suspendre les paiements hypothécaires pour une période maximale de 12 mois pour les personnes qui ont perdu leur emploi ou une partie de leur revenu en raison de la COVID-19.

Selon les grandes banques canadiennes, la crise devrait frapper plus fort au Canada qu’aux États-Unis, notamment en raison du choc pétrolier. La contraction de l’économie en général aura d’importantes implications pour le marché de l’habitation au Canada. Avant ces deux chocs (COVID-19 et la chute des prix du pétrole), les analystes anticipaient que les mises en chantier au Canada devaient être autour de 205 000 unités pour 2020, soit légèrement en dessous de la moyenne des 3 dernières années (214 000 unités). La Banque Scotia (la seule grande banque canadienne à avoir publié ses nouvelles prédictions) estime maintenant que les mises en chantier au Canada devraient être de seulement 126 000 unités, en baisse de 40 % par rapport aux 213 000 unités construites en 2019.

Offre de bois d'oeuvre

En raison de la soudaine baisse de la demande et des restrictions gouvernementales, les scieries de partout à travers l’Amérique du Nord ajustent leur production afin de ne pas rester prises avec un stock important de bois d’œuvre invendu. Les plus grandes entreprises de bois d’œuvre du continent ont pratiquement toutes annoncé des suspensions de production au cours des derniers jours, en prévision d’une baisse importante de la demande (au Canada, les 6 plus grands producteurs ont produit 45 % des livraisons en 2019, et aux États-Unis, les 6 plus grands producteurs ont produit 42 % des livraisons).

Prix du bois d'oeuvre

Moody’s estime que les perspectives pour les compagnies œuvrant dans le sous-secteur du bois d’œuvre et des matériaux en bois sont passées de positives à stables en raison de l’impact de la COVID-19. Selon l’agence de cotation, les prix du bois d’œuvre et des panneaux OSB rebondiront moins que précédemment anticipé.

De son côté, la firme FEA tente de mettre en perspective la récente chute du prix du bois d’œuvre sur les contrats à terme (d’un récent sommet de 478 $ US/MPMP à 293 $ US/MPMP en l’espace de quelques semaines). Il est important de rappeler que les prix du bois d’œuvre au comptant sont demeurés relativement élevés par rapport au marché des contrats à terme. FEA estime que le prix du bois d’œuvre devrait atteindre son plancher lorsque la plupart des producteurs ne seront plus en mesure de couvrir leur coût de production. La présente structure de coût des scieurs en Amérique du Nord implique que les scieurs de l’Ouest canadien et américain seront les premiers à annoncer des arrêts de production massifs. Les scieurs qui ne bénéficient pas d’économie d’échelle substantielle pourraient également être les premiers à avoir de la difficulté à rentabiliser leurs opérations.

Quant à la BMO, celle-ci a revu à la baisse sa prévision pour 2020 du prix annuel du bois d’œuvre, de 365 $ US/MPMP à 330 $ US/MPMP entre les mois de février et mars 2020.

L'impact pour les producteurs de bois des forêts privées québécoises

L’arrêt des chantiers de construction à travers l’Amérique du Nord, les fermetures temporaires ou le ralentissement dans le taux d’opération des scieries, et la réduction des prix du bois d’œuvre ne sont pas de bonnes nouvelles pour les producteurs de bois. L’espoir réside de voir cette crise se résorber rapidement cet automne puisque les facteurs démographiques aux États-Unis appellent un retour à la progression de mises en chantier et les bas taux hypothécaires soutiendront la construction résidentielle.

Sources :
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[PULPANDPAPERCANADA] 2020. Coronavirus will drive paper, pulp prices lower: Moody’s. Repéré à https://www.pulpandpapercanada.com/coronavirus-will-drive-paper-pulp-prices-lower-moodys/?oly_enc_id=2571F2144245G5W,  24 mars 2020.
[PFR] 2020. Résolu annonce une mise à jour sur les répercussions temporaires de la COVID-19 sur ses activités. Repéré à https://pfresolu.mediaroom.com/2020-03-24-Resolu-annonce-une-mise-a-jour-sur-les-repercussions-temporaires-de-la-COVID-19-sur-ses-activites,  24 mars 2020.
[RADIO-CANADA] 2020. Plusieurs scieries de la région sont considérées comme services essentiels. Repéré à https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1684778/scieries-services-essentiels-mesures-sanitaires-covid-19,  24 mars 2020.
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[WEST FRASER] 2020. Annual Report 2019. Repéré à https://www.westfraser.com/sites/default/files/West%20Fraser%202019%20Annual%20Report.pdf,  24 mars 2020.
[WESTERN FOREST PRODUCT] 2020. Western Announces Temporary Production Curtailments. Repéré à https://www.westernforest.com/wp-content/uploads/2020/02/NR-Temporary-Production-Curtailments-2020_03_22-Final.pdf,  24 mars 2020.

Mise à jour sur le marché du bois d’œuvre 2019

Les fermetures et arrêts de production dans les scieries de la Colombie-Britannique n’ont pas été en mesure de rééquilibrer l’offre et la demande sur le marché du bois d’œuvre. Cette situation d’offre excédentaire provoque une pression baissière sur les prix du bois d’œuvre.

Demande de bois d’œuvre

Sans nommer les récents revers des négociations commerciales avec la Chine et les inconvénients d’un Brexit exempt d’entente avec l’Union européenne, l’un des 10 membres du comité décisionnel de la banque centrale américaine (FED) a mentionné qu’il serait difficile de parvenir à un accord sur un régime commercial mondial stable dans les prochains trimestres.

D’un côté, l’absence d’entente entre les Chinois et les Américains se traduirait par un ralentissement de l’investissement et de la croissance mondiale. De l’autre côté, un Brexit sans entente avec l’Union Européenne réduirait les flux commerciaux entre cette dernière et le Royaume-Uni, ce qui affaiblirait l’économie de l’Europe. Dans ce contexte, le Fonds monétaire international n’a cessé d’abaisser ses projections sur la croissance mondiale depuis l’automne dernier. Entre le mois d’octobre et le mois de juillet, les projections de la croissance mondiale sont passées de 3,8 % à 3,2 % pour 2019. Un ralentissement du PIB est aussi attendu du côté américain. Par exemple, les deux derniers trimestres de 2019 devraient être de 1,8 et 1,6 %, comparativement à 3,4 et 2,6 % à la même période l’an dernier. Parallèlement, les probabilités d’une récession américaine au cours des 12 prochains mois ne font qu’augmenter, passant de 15 % en octobre 2018 à 35 % en juillet 2019.

Dans ce contexte, le 31 juillet dernier, la FED a coupé son taux directeur de 25 points de base (0,25 %) pour une première fois depuis 2008.

Puisque la baisse des taux d’intérêt a pour objectif de stimuler la croissance économique, cette nouvelle aurait dû être bien reçue par le marché. Cependant, compte tenu de la dégradation avancée des relations commerciales entre la Chine et les États-Unis, plusieurs analystes prévoyaient que la FED allait baisser son taux directeur de 50 points de base pour atteindre 2 %. La banque centrale a donc réagi de façon moins importante qu’anticipée, causant ainsi un désappointement sur les marchés. Lorsque les investisseurs sont inquiets des perspectives de croissance, les gestionnaires de portefeuilles rééquilibrent ceux-ci en liquidant une partie de leurs actions d’entreprises et en les remplaçant par des obligations d’État (dettes souveraines des pays industrialisés) afin de préserver le principal de leurs investissements. Ce phénomène, décrit par plusieurs comme une course vers la qualité (« Flight to Quality »), provoque des corrections importantes sur les marchés boursiers et obligataires. Lorsque la demande pour les obligations d’États augmente, le taux d’emprunt pour les États diminue puisque ceux-ci disposent d’un plus grand nombre d’acheteurs pour la même quantité de dettes. Le plus populaire des titres obligataires est l’obligation américaine avec une échéance de 10 ans.

Ce titre financier est le principal indice de référence pour le taux hypothécaire américain fixe de 30 ans qui est le produit hypothécaire le plus vendu aux États-Unis. La tendance à la baisse devrait se maintenir pour les obligations américaines et les taux hypothécaires puisque les probabilités de coupe du taux directeur pour la prochaine réunion de la FED du 18 septembre varient entre 70 et 95 %.

Normalement, une telle chute dans les taux hypothécaires aurait dû stimuler davantage la construction aux États-Unis. L’économiste principal de la National Association of Home Builder (NAHB) estime que cette défaillance provient de deux raisons principales.

Premièrement, cette diminution des taux d’intérêt était mal anticipée par les marchés. L’ajustement prendra donc un certain temps à réagir. Dans le même ordre d’idée, les taux d’intérêt diminuent en raison de l’incertitude économique, ce qui a fait diminuer la confiance des consommateurs américains.

Deuxièmement, l’ampleur actuelle de la baisse du coût de financement ne sera pas en mesure de compenser la hausse des coûts de construction des dernières années.

Afin de stimuler le marché immobilier américain, et par le fait même la demande de bois, il faudra davantage de baisses de taux d’intérêt puisque la récente chute n’a eu comme résultat que d’atténuer les effets d’une croissance économique en décélération.

Toutes les banques canadiennes à l’exception de la RBC (1 %) prévoient que la croissance dans les mises en chantier américaines sera nulle ou négative en 2019. La prévision de mi-année la plus optimiste concernant les mises en chantier américaines de 2019 provient de Wells Fargo avec 2 % de croissance annuelle par rapport à 2018.

Malgré cela, l’indice de confiance de la NAHB s’est rétabli au cours des 6 derniers mois, laissant entrevoir un optimisme concernant l’activité de la construction aux États-Unis. Depuis le creux du mois de décembre avec 56 points, l’indice a rebondi pour atteindre 66 points au mois d’août. Une statistique au-dessus de 50 points indique que la majorité des constructeurs perçoivent les conditions du marché de la construction résidentielle comme étant meilleures que mauvaises. À cet effet, le dernier rapport du mois d’août fait état d’une forte demande de maisons unifamiliales. Plus précisément, la NAHB s’attend à ce que la demande soit plus forte dans les banlieues des grandes villes où la baisse des taux d’intérêt aura un impact marqué.

Offre de bois d’œuvre

Plusieurs changements importants concernant l’offre ont eu lieu au cours des deux premiers trimestres de 2019. La chute des prix du bois d’œuvre a favorisé des arrêts de production situés presque exclusivement en Colombie-Britannique. Parallèlement, les redevances forestières de cette province ont connu une augmentation substantielle. Dans ce contexte, la plupart des actions des compagnies forestières de cette région ont été à leur plus bas niveau depuis le début de 2017. Un investisseur canadien a jugé que le moment était opportun pour déposer une offre d’achat pour Canfor, une importante entreprise du secteur.

La production de bois d’œuvre a diminué de 9 % au cours des 5 premiers mois au Canada. Cette baisse de la production vient en grande partie des fermetures temporaires ou permanentes en Colombie-Britannique. Il s’est produit 17 % moins de bois dans cette province au cours des 5 premiers mois de 2019 par rapport à la même période l’an dernier. La production québécoise est restée relativement stable avec une décroissance de 3 %.

Le nombre d’arrêts de production semble s’être accéléré entre le mois de juin et le mois d’août en Colombie-Britannique. De cette façon, les données sur la production de bois d’œuvre en Colombie-Britannique devraient continuer à diminuer pour le reste de l’année. Généralement, les compagnies forestières évoquent les conditions défavorables du marché du bois d’œuvre et les coûts élevés de la fibre de bois pour justifier les annonces de fermeture ou de réduction de quarts de travail.

Les coûts du bois rond ont effectivement augmenté considérablement en Colombie-Britannique au cours des 2 dernières années. Le gouvernement britanno-colombien publie mensuellement les prix du bois rond pour la région intérieure de la province et de façon annuelle les redevances forestières pour la région côtière. Au niveau de la côte, les redevances forestières sont passées de 3,56 $/m³ à 16,75 $/m³ entre 2017 et 2019. Pour la région de l’intérieur de la Colombie-Britannique, les statistiques démontrent qu’entre le mois de mai 2017 et le mois de mai 2019, le prix du bois rond sapin, épinette et pin gris a augmenté de 65 %, passant de 62,25 $/m³ à 102,86 $/m³. Toutefois, la RBC estime que les prix des redevances devraient descendre à des niveaux plus soutenables après le troisième trimestre de 2019.

Cette hausse de prix du bois rond arrive au moment où la possibilité forestière de la province a atteint approximativement 70 Mm³, en baisse de 15 % par rapport au niveau de 2010. Selon le gouvernement britanno-colombien, la possibilité forestière de la province continuera de diminuer pour atteindre un creux de 56 Mm³ dès 2027. En résumé, l’offre de bois rond diminue en raison de l’épidémie de la dendroctone du pin ponderosa et les prix du bois d’œuvre sont à la baisse. Cette conjonction d’éléments provoque un important mouvement d’arrêt de production dans cette région de l’Amérique du Nord.

Malgré les coupes successives de possibilités forestières en Colombie-Britannique et les tarifs douaniers américains, un milliardaire de Vancouver s’est porté acquéreur de Canfor, l’une des plus grosses compagnies de bois d’œuvre du pays pour la somme de 980 M$, soit l’équivalent de 16 $ par action. La firme de gestion du milliardaire canadien possède déjà 51 % de l’entreprise. La transaction doit passer au vote lors d’une assemblée d’actionnaires. Ce type de vote doit obtenir plus de 66 % des voix. Canfor dispose d’une capacité de production de 5,9 milliards de PMP de bois d’œuvre avec des scieries en Colombie-Britannique, en Alberta, dans le Sud des États-Unis et en Suède. Cette nouvelle est survenue au moment où le prix des actions des principales compagnies forestières de la Colombie-Britannique avait atteint son plus bas niveau depuis 2017. Afin de mettre en perspective la valeur des actions de ces compagnies, il est approprié de comparer l’évolution du rendement de l’achat d’une action en date du 1er janvier 2017. Le jour précédant l’annonce, le rendement de l’action de Canfor était de -53 %, suivi par Western FP avec -41 % et d’Interfor avec -21 %. À la suite de cette nouvelle, le rendement de l’action de Canfor est revenu en territoire positif avec 2 % de rendement, soit un bond de 55 %.

Prix

Les prévisions des banques canadiennes concernant le prix moyen annuel du bois d’œuvre font toujours état d’une diminution par rapport à 2018. La Banque de Montréal estime que le prix annuel moyen du bois d’œuvre en 2019 diminuera de 28 % par rapport à 2018. L’institution financière la plus optimiste demeure la CIBC avec une baisse de 18 %.

 

Sources:
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[FREDDIEMAC] 2019. Mortgage Rates Remain Near Historical Lows. Repéré à http://www.freddiemac.com/pmms/,  20 août 2019.
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Impact des millénariaux sur la demande de maisons aux États-Unis

Contrairement aux précédents cycles économiques, on constate que le nombre de maisons construites est en dessous de la demande historique des 50 dernières années. En effet, la Banque TD estime qu’avec le niveau de croissance économique et démographique des dernières années, la construction de maisons aurait dû être beaucoup plus élevée aux États-Unis.

Depuis la crise immobilière, les années 2017 et 2018 ont été les deux meilleures années des mises en chantier avec près de 1,2 million d’unités (graphique 1). Cependant, ce niveau correspond aux périodes de crise économique des dernières décennies. Lorsqu’on examine de plus près cette problématique, on remarque que le segment des maisons unifamiliales a beaucoup plus de difficulté à rejoindre la moyenne historique contrairement au segment des logements multifamiliaux (graphiques 2 et 3). Plusieurs raisons ont été soulevées afin de comprendre la source de cet écart. Cependant, toutes semblent pointer vers les difficultés des millénariaux à accéder à la propriété.

Les millénariaux sont nés entre 1982 et 2000. Ils forment maintenant la plus grande génération d’Américains avec plus du quart de la population des États-Unis. Cette génération de 83,1 millions de personnes surpasse en nombre la génération des baby-boomers qui représente 75,4 millions de personnes. Puisque la grande majorité des millénariaux sont maintenant âgés entre 25 et 34 ans, l’étude de cette cohorte devient très intéressante afin de comprendre la trajectoire des mises en chantier aux États-Unis. En effet, cette cohorte génère maintenant environ la moitié de la demande de constructions neuves aux États-Unis. Cette forte consommation de maisons de la part de cette tranche d’âge est beaucoup plus importante dans le segment des maisons d’entrée de gamme. La vigueur de la demande dans ce dernier segment à un effet considérable sur des gammes de maisons plus dispendieuses. En effet, la nouvelle demande de maison d’entrée de gamme permet à l’ancienne cohorte des 25-34 ans de vendre leur première maison d’entrée de gamme et de stimuler la demande de maisons plus dispendieuses. Cette dynamique implique que la demande de maisons de la cohorte des 25-34 ans à des effets collatéraux importants sur le reste du marché immobilier.

Diminution du taux d’accès à la propriété

Dans les années 1990 et 2000, le taux d’accès à la propriété était de près de 46 % chez les jeunes de 25-34 ans. En 2016, ce taux chez les jeunes était de 38 %. Selon la National Association of House Builders (NAHB), cette diminution du taux de formation de ménage depuis 2008 a eu un impact négatif de près de 2,4 millions d’unités sur les mises en chantier américaines. Ce manque à gagner est immense et représente environ 2 années entières de mises en chantier aux niveaux actuels. La NAHB estime qu’il est peu probable que les jeunes de 25-34 ans repoussent leur achat de maison à plus tard puisque la cohorte suivante, les 35-44 ans, a elle aussi enregistré une diminution notable du taux d’accès à la propriété au cours de la même période.

Toutefois, il est important de mentionner que cette diminution du taux d’accès à la propriété aux États-Unis est polarisée sur le plan géographique. Effectivement, les États côtiers comme la Californie, le New Jersey, New York et la Floride enregistrent un très faible taux de formation des ménages, comparativement à la moyenne nationale. Par contre, les États du Midwest, beaucoup plus ruraux, ont de meilleurs taux. Cette diminution du taux d’accès à la propriété implique que les jeunes trouvent des moyens plus abordables de se loger. De 2000 à 2016, la proportion de jeunes adultes âgés de 25 à 34 ans qui habitent avec leur parent est passée de 11,6 % à plus de 21,1 %. On observe également une augmentation de 3,7 % à 5,2 % des jeunes adultes qui habitent avec leur famille élargie et de 5,1 % à 7,5 % pour ceux en cohabitation. Au global, c’est deux fois plus de jeunes qui choisissent une alternative de cohabitation à l’achat d’une maison.

Dans un contexte où la demande de maisons est en dessous du potentiel, il est important de comprendre les motivations de la cohorte des 24-35 ans à retarder l’achat d’une propriété. En effet, la décomposition des facteurs affectant les comportements de ces consommateurs permet de mieux comprendre l’écart entre la demande actuelle et potentielle. Certains facteurs semblent avoir un caractère temporaire, alors que d’autres sont reliés à différentes composantes sociodémographiques.

Perte de pouvoir d’achat

Selon la Banque TD, la différence entre le taux de croissance des salaires et des prix des maisons est le principal élément qui réduit l’accès à la propriété. Lors des 3 dernières décennies, le revenu réel médian des Américains âgés entre 25 et 44 ans a décliné. Entre 1999 et 2013, le salaire réel médian des 25-34 ans a chuté de 36 794 $ US à moins de 31 863 $ US (-13 %). Durant cette période, le prix des maisons a augmenté de 13 %. Cet écart entre le revenu réel médian et le prix des maisons est également perceptible au cours des dernières années où la dynamique des prix était différente. En effet, les salaires ont augmenté de 10 % entre 2011 et 2017. Quant au prix des maisons, il a augmenté de plus de 32 % durant le même intervalle. Encore une fois, le prix des maisons a eu une trajectoire beaucoup plus favorable que les salaires. Ainsi, l’institution financière Freddie Mac estime que cette réalité explique environ la moitié de la diminution du taux de formation des ménages aux États-Unis entre 2000 et 2016.

L’importance de la dette étudiante

En 2018, l’ensemble de la dette étudiante américaine s’élevait à plus de 1 500 milliards de dollars américains et représentait environ 10 % de tous les prêts aux États-Unis. Ce sommet a été atteint en raison d’une croissance soutenue au cours des 12 dernières années. Entre 2006 et 2018, la dette étudiante réelle moyenne par personne de 24 à 35 ans a plus que doublé. Elle est passée de 6 000 $ US à environ 15 000 $ US. Cette aggravation de la situation financière des jeunes adultes provient d’un côté de l’augmentation des montants empruntés, mais également du nombre d’étudiants nécessitant un prêt. En effet, la proportion des étudiants nécessitant un prêt est passée de 30 à 40 % entre 2005 et 2014. Cette forte hausse de la dette concorde avec la baisse du taux de formation des ménages chez les jeunes adultes aux États-Unis. Un sondage conjoint entre la National Association of Realtor (NAR) et le American Student Assistance estime que le premier obstacle à l’achat d’une maison chez les jeunes adultes non-propriétaires est la présence d’une dette étudiante. Évidemment, une plus grande partie des revenus est octroyée aux paiements des prêts étudiants. Il est donc plus difficile pour cette cohorte d’épargner pour une mise de fond. De plus, cette charge se traduit souvent par une réduction du pointage de crédit. Cette diminution impacte directement leur capacité à se qualifier pour un prêt hypothécaire. Selon la Federal Reserve (FED), la forte augmentation des emprunts reliés aux études postsecondaires expliquerait environ 20 % du déclin dans le taux de formation des ménages chez les jeunes adultes entre 2005 et 2014.

Repoussement de l’âge médian du mariage et de la naissance des enfants

Le taux de formation des ménages est fortement affecté par l’âge médian du mariage. Selon le US Census Bureau (USCB), entre 1975 et 2018, l’âge médian du mariage est passé de 21 à plus de 27 ans pour les femmes et de 24 à 30 ans chez les hommes. Cette augmentation de l’âge médian du mariage coïncide avec la diminution de la proportion de jeunes femmes au foyer, qui est passée de 43 à 14 % durant la même période. Cette lourde tendance commencée depuis les années 1970 s’est amplifiée à la suite de la Grande Récession de 2008. Selon l’étude de V.K. Oppenheimer (2003) relayée par le USCB, les jeunes adultes sont moins susceptibles de se marier ou de fonder une famille lorsqu’ils s’inquiètent de leur situation financière comme c’est le cas lors d’une grave récession économique. Puisque le mariage est habituellement précurseur de l’achat d’une maison, on peut en déduire que les Américains seront moins longtemps propriétaires d’une maison au cours de leur vie. C’est cette réduction du temps de propriété qui a un impact négatif sur le taux de formation des ménages. Par conséquent, l’augmentation de l’âge médian du mariage pèse sur la demande de maisons et fait en sorte qu’elle est moins importante que chez les générations précédentes.

Diversité ethnique 

Le U.S. Census Bureau estime que la population des personnes de 15 ans et plus augmentera de 2,3 millions chaque année au cours des 5 prochaines années. De cette croissance, c’est la cohorte des 30-34 ans qui croîtra le plus rapidement avec près de 450 000 nouveaux membres chaque année. Cependant, la composition ethnique de cette cohorte est bien différente des précédents cycles économiques. Effectivement, la Banque TD soulève qu’environ 85 % de cette augmentation de la population proviendra de minorités visibles. Cette plus grande diversité ethnique chez les millénariaux implique des choix de consommation différents. En effet, les taux de formation des ménages des Afro-Américains et des Hispaniques sont 40 % moins élevés que ceux des blancs. Cette nouvelle composition de la croissance de la population fait en sorte que le taux de formation des ménages sera moins important que par le passé. Ce facteur creusera donc l’écart entre la demande potentielle, observée dans des contextes de croissance démographique similaires, et la demande réelle.

Urbanité des millénariaux

Comparativement aux années 2000, la génération actuelle des 25-34 ans est beaucoup plus urbaine. Cette migration des millénariaux éduqués vers les grands centres fait partie d’un phénomène plus large nommé le « Rural Brain Drain ». Entre 2000 et 2016, la population de jeunes habitants en milieu urbain est passée de 62,8 % à 81,6 %. Ceci s’explique en partie par le fait que les jeunes adultes détenant un prêt étudiant qui quittent un milieu rural pour un milieu urbain (individus ruraux à urbains) performent mieux sur le plan financier que ceux qui ne déménagent pas (individus ruraux). La FED estime que ceux-ci (individus ruraux à urbains) payent deux fois plus rapidement leur prêt étudiant et sont beaucoup plus susceptibles de contracter une hypothèque. Après 1 an d’activité sur le marché du travail, 14 % des « individus ruraux à urbains » ont contracté un prêt hypothécaire, contre seulement 4 % chez les « individus ruraux ». Après 3 ans sur le marché du travail, l’écart se creuse davantage avec près de 25 % pour le premier groupe et seulement 8 % pour le deuxième groupe. Cet incitatif vers les régions métropolitaines augmente considérablement le prix des maisons et réduit ainsi l’accessibilité à la propriété. De plus, cette tendance vers les grands centres réduit la demande de maisons unifamiliales puisque celles-ci sont beaucoup plus abordables dans les banlieues ou les milieux ruraux.

Conclusion

Selon la NAHB, il est clair que la tendance des dernières années démontre qu’une part croissante des jeunes adultes a plus de difficulté à accéder à la propriété que les cohortes de 25-34 ans précédentes. Tel que mentionné dans cette synthèse,  l’une des principales causes est reliée à la perte de pouvoir d’achat des jeunes adultes. De plus, l’augmentation de la dette étudiante réduit la capacité financière de ceux-ci et limite ainsi leur chance d’accéder à la propriété. Outre les facteurs monétaires directs, certains facteurs sociodémographiques sont à l’œuvre dans la diminution de la demande de maisons. En effet, le repoussement de l’âge médian du mariage entamé depuis les années 1980 provoque un retardement de la formation des ménages. On constate également que la plus grande diversité ethnique des millénariaux a un impact négatif sur l’accès à la propriété, puisque les Afro-Américains et les Hispaniques ont des taux de formation des ménages plus faibles que les blancs. Finalement, de plus en plus de jeunes adultes préfèrent les milieux urbains, ce qui cause une augmentation des prix dans ces milieux, rendant l’accès à la propriété plus difficile.

Selon la Banque TD, la progression des salaires devrait être plus importante que l’augmentation du prix des maisons en 2019. En effet, le prix des maisons est appelé à se stabiliser et les salaires devraient augmenter de façon plus importante au cours des prochaines années. Ce changement de tendance aura pour effet d’accroître le pouvoir d’achat des jeunes adultes. Étant donné que l’écart entre le prix des maisons et les salaires est le principal élément qui affaiblit la demande de maisons, la Banque TD estime que le secteur devrait pouvoir connaître un rebond au cours de la prochaine année grâce au déblocage de la demande de maisons des jeunes adultes.

Sources:
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